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Recherché par la police, Ahae a son nom gravé au Louvre
En fuite et recherché par la police de Corée du Sud pour le naufrage du Sewol, gourou d’une secte et repris de justice, Yoo Byung-eun alias Ahae a son nom gravé, en tant que mécène, à l’intérieur du Louvre. Le don d’Ahae contrevient aux Chartes éthiques adoptées par le musée en matière de mécénat.

01.06.14 | EN 2012, YOO BYUNG-EUN ALIAS AHAE fit un don personnel de 1,1 million d’euros au musée du Louvre, versé à son fonds de dotation et non directement à l’établissement comme la plupart des mécènes, peut-être parce qu’il ne visait aucun projet précis à financer.

Créé en 2009 sous la présidence d’Henri Loyrette sur le modèle des endowments funds des musées américains, le fonds de dotation du Louvre l’a été à la base pour faire fructifier l’argent du Louvre-Abou Dabi, afin de financer les investissements à long terme du musée. Il a également vocation à recueillir l’argent des donateurs privés, particuliers ou entreprises, et est chapeauté d’un conseil d’administration et d’un comité d’investissement prestigieux [1]. Le musée s’était doté d’une Charte éthique pour ses relations avec les donateurs individuels, prolongement de celle, plus générale, votée en 2003 (p.232). À lire certaines clauses, pas sûr qu’elle ait été respectée strictement dans le cas d’Ahae.

CHARTE ÉTHIQUE DU MUSÉE DU LOUVRE POUR SES RELATIONS AVEC LES DONATEURS INDIVIDUELS
Extraits :

« Le musée du Louvre se réserve la possibilité de refuser le don de certaines personnes ou l’adhésion à l’un de ses programmes de mécénat s’il existe un risque actuel ou futur que cela nuise à l’image du musée, à son fonctionnement et à la réalisation de ses missions »

« Le musée du Louvre se réserve la possibilité de refuser le don de donateurs pour lesquels il existerait un doute sur la légalité de leurs activités ou leur situation vis à vis des services fiscaux »

« Le cas échéant, le Louvre s’efforcera de rechercher toute information susceptible de l’éclairer quant à la nature exacte des activités du donateur potentiel, quant à la manière dont ce dernier est perçu par le secteur dans lequel il exerce habituellement son activité, quant à la manière dont il est ou a été perçu dans les autres institutions culturelles ou les autres groupements de collecte de fonds en faveur desquels il a éventuellement contribué »

« Le musée du Louvre se réserve la possibilité de refuser - ou de préconiser son refus au ministère de la Culture et de la Communication – le don d’un particulier au sujet duquel il existerait un doute sérieux quant à la légalité des activités qu’il exerce, de telle sorte que toute association d’image avec ce dernier pourrait se révéler préjudiciable pour le musée du Louvre »

« Le musée du Louvre se réserve le droit de refuser tout don ou tout legs dès lors qu’il existerait un doute sur sa légalité, sa provenance et son origine. Plus particulièrement, le musée du Louvre sera vigilant quant à éviter que le don puisse être le produit d’un délit et notamment d’un abus de bien social, abus de confiance, détournement de fonds et de biens sociaux d’une société, etc. »

« Le musée du Louvre ne saurait accorder aucun pouvoir de décision quant au contenu artistique ou muséographique d’un projet à un particulier qui aurait soutenu financièrement tout ou partie dudit projet dans le cadre du mécénat ou de toute autre activité ou programmation du musée. »

Ahae apparait dans le rapport d’activité du fonds de dotation du Louvre pour 2012 sous la mention : « Un entrepreneur et artiste coréen AHAE » ayant fait un don de 1.1 million d’euros, « sans affectation particulière » contrairement aux autres donateurs de l’année. Dans un autre document en ligne - la liste des fonds et des grands mécènes du Fonds de dotation - il est cité comme donateur individuel. Pourquoi n’est-ce pas plutôt la société AHAE PRESS, omniprésente dans ses affaires « artistiques », qui est mécène ? On l’ignore. Les revenus de son don devront être « affectés aux investissements du musée », indique-t-on sans plus de précision.

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Rapport d’Activité 2012 du Fonds de Dotation du Louvre

Comme pour toute action de mécénat en France, les mécènes du Fonds de dotation bénéficient « de réductions fiscales avantageuses ». Le don d’un particulier donne droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % du montant du don, dans la limite de 20% du revenu imposable, et est exonéré de droits de succession et de mutation.

Les donateurs du fonds de dotation du Louvre bénéficient de « contreparties associées au montant de leur don ». Outre être invités à divers événements, les mécènes principaux tel Ahae, ont droit à « des privilèges supplémentaires » comme le vante une brochure du musée. Par exemple, d’être conviés à la rencontre annuelle de présentation du bilan du Fonds de dotation, et au conseil d’orientation stratégique du Fonds. Invisible, on doute qu’Ahae s’y soit rendu.

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Musée du Louvre, Rotonde de Mars.

C’est également à ce titre de « grand mécéne » qu’Ahae a eu le privilège d’avoir son nom gravé dans la pierre du Louvre, chose que l’on ignorait jusque là, avant qu’on nous le signale. Il se niche au coeur de l’ancien Palais des rois de France, rez-de-chaussée, salle 5 des Antiquités étrusques et romaines du musée (voir le plan), dans la Rotonde de Mars conçue au XVIIe siècle par l’architecte Louis Le Vau pour relier les appartements d’Anne d’Autriche, mère de Louis XIV. Le nom d’Ahae apparait, en hauteur, sous la mention gravée en lettres d’or : « LE LOUVRE REMERCIE LES MÉCÈNES DU FONDS DE DOTATION ».

D’autres photos, toutes libres de droit (désolé pour la qualité)

La même année 2012, en juillet, celui qu’on ne connaissait alors que sous le nom d’artiste Ahae (아해) exposait, à ses frais, ses photographies naturalistes au Jardin des Tuileries à Paris, dépendant du Louvre. A cette occasion, Henri Loyrette, président du musée, faisait son éloge, signant la préface d’un livre luxueux qui lui était consacré. Le texte est reproduit aujourd’hui sur le site de l’artiste… en fuite et recherché par la police de Corée du Sud dans le cadre de l’affaire du naufrage du Sewol, dont il est considéré comme le propriétaire de facto. Le 16 avril dernier, la catastrophe causait la mort de 300 personnes dont une majorité de lycéens, à la suite d’une multitude de dysfonctionnements et d’irrégularités. La presse sud-coréenne exhuma des pans fétides du passé de celui qui s’appelait en réalité Yoo Byung-eun (유병언) comme nous le révélions en 2013 à l’occasion de son exposition au Château de Versailles : sectes, détournement de fonds, prison… Le Louvre peut donc s’enorgueillir d’honorer, par ce nom gravé, un repris de justice en fuite. Il nous semblerait aberrant de ne pas l’effacer, d’autant que son mécénat contrevient clairement à la charte éthique du musée.

Bernard Hasquenoph |1er.06.2014





[1] Au 28 mars 2013, outre 3 représentants du Musée du Louvre, le conseil d’administration de son fonds de dotation était composé de trois personnalités qualifiées : Victoria Bjorlund (vocat associée chez Simpson Thacher & Bartlett LLP et présidente de l’association des American Friends of the Louvre), Jean Bonna (ancien associé de la banque Lombard Odier Darier Hentsch & Cie, administrateur honoraire du Metropolitan Museum of Arts de New York et administrateur de la Société des Amis du Louvre), Henri de Castries (président du directoire d’AXA). Le comité d’investissement, présidé par Ramon de Oliveira (gérant associé de ROC Partners, président du comité d’investissement de la fondation Kaufman, membre du comité d’investissement de la Croix Rouge aux Etats-Unis, administrateur d’AXA), était composé de Véronique Weill (directrice des opérations du groupe AXA et administratrice de Lafarge), Bertrand Jacquillat (président de la société d’analyse financière Associés en Finance, professeur à Sciences Po Paris, membre du Cercle des Economistes et du Conseil d’Analyse Économique auprès du Premier Ministre, administrateur de Total), Antoine de Salins (directeur général adjoint et directeur des investissements de Groupama Asset Management), Marc Craquelin (directeur des investissements de la Financière de l’Echiquier) succédant à Edouard Carmignac (président directeur général de Carmignac Gestion). Source principale : Rapport d’activité 2012.


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