28.03.11 | J’AIME L’INFO est une plateforme de dons pour la presse en ligne initiée par Rue89. Développée grâce à une subvention du secrétariat d’Etat à l’économie numérique, la plateforme est aujourd’hui gérée par une association indépendante fondée par le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL) et présidée par Laurent Mauriac, l’un des journalistes fondateurs de Rue89 venus de Libération.
Retenus par un comité d’évaluation composé de journalistes, les sites et blogs le sont sur des critères de qualité et de professionnalisme : information originale, sources vérifiées, production régulière [1]... A son lancement lundi 28 mars 2011, la plateforme comptait 77 éditeurs dont nous-même Louvre pour tous, le seul site présent pour l’instant dans le domaine du patrimoine et des musées.
Lectrices et lecteurs internautes, grâce à J’aime l’info, vous pouvez effectuer un don en toute sécurité, même minime (3€ minimum), au site de votre choix - nous c’est ici :) -, ponctuellement ou mensuellement, sous votre nom ou anonymement. 10% du montant des dons reviendront à l’association J’aime l’info pour son fonctionnement. En soutenant la presse en ligne, vous contribuerez au développement sur Internet d’un journalisme de qualité et participerez au pluralisme de l’information.
EXCLU DES AIDES À LA PRESSE
C’est d’autant plus important pour un site comme le nôtre en phase de transition et dont le travail relève encore de l’artisanat. Seul à bord, quasi bénévole, une augmentation de nos ressources nous permettrait de dégager du temps pour nous y consacrer exclusivement et, afin de lui donner plus d’ampleur, de nouer des collaborations rémunérées pour couvrir la multitude de sujets liés à notre ligne éditoriale [2].
Car bien que possédant depuis quelques mois le statut d’éditeur de journaux sous le régime de l’auto-entreprise, nous ne pouvons prétendre à aucun des avantages liés à la profession. Exclu des aides à la presse en ligne comme de nombreux sites ou blogs d’information émergents alors que nous sommes bien les plus fragiles et sans doute les plus à aider.
Créé par l’article 27 de la loi HADOPI du 12 juin 2009, le statut d’éditeur de presse en ligne n’est en fait réservé qu’aux structures déjà établies, la commission paritaire des publications et agences de presse qui valide les demandes exigeant de l’éditeur l’emploi d’au moins un journaliste professionnel à titre régulier (voir sur le site de la CPPAP). Cela peut sembler logique mais pour pouvoir rémunérer un salarié - on en rêverait -, il faudrait déjà pouvoir retirer suffisamment de bénéfices de son entreprise, ce qui s’avère difficile à notre stade. Certes nous avons acquis une certaine notoriété dans notre domaine pour être remarqué et lu en haut lieu - on est parfois étonné des inscrits à notre newsletter - jusqu’à nous retrouver insulté, quel honneur, dans un livre signé d’un ex-administrateur de musée, c’est dire ! Même si nos informations parfois inédites sont reprises de temps en temps dans la presse nationale et même internationale (sans toujours être cité, quelle ingratitude), notre site n’en demeure pas moins confidentiel en terme de fréquentation, pas suffisante en tous cas pour vivre de revenus publicitaires [3].
Mais même en remplissant cette condition, les aides octroyées in fine par le ministère de la culture et de la communication qui décide du montant de l’aide et de sa répartition entre avance remboursable et subvention, ne le sont qu’aux structures de presse produisant une « information politique et générale » locale, nationale ou internationale. Les médias sectoriels en sont exclus. Pourtant, nombre d’entre eux traite bien, transversalement, de questions politiques dans des domaines qui concernent tout un chacun [4]. De notre place, cela donne l’impression que les grands groupes de presse, de loin les plus riches, se partagent entre eux le gâteau sans même laisser quelques miettes aux autres, pas même aux plus démunis.
Pour les mêmes raisons, un site d’information comme le nôtre ne peut faire bénéficier ses donateurs de la déduction fiscale lié à un acte de mécénat étendu depuis 2008 à l’univers de la presse, au départ uniquement écrite, géré par l’association Presse et Pluralisme (66% de réduction d’impôts sur les sommes versées par un particulier, 60 % pour une société). Une injustice de plus.
UNE FORME DE RECONNAISSANCE
Mais au-delà de l’intérêt financier de faire partie de la plateforme J’aime l’info, c’est une forme de reconnaissance importante pour nous qui n’avons, à la base, aucune formation journalistique. Une petite fierté qui vient s’ajouter aux encouragements reçus de temps en temps de journalistes en off, d’autant que, comme d’autres parmi les premiers inscrits, on nous a directement contacté pour en faire partie et déposer une demande de validation.
Si nous avons commencé à publier en 2004 des articles dans notre coin, publiés sur notre site à nous, c’est justement parce que nous ne trouvions pas matière dans la presse dite professionnelle sur les sujets qui nous intéressaient en tant que lecteur. Nous l’avons fait aussi en réaction à des erreurs récurrentes ou, parfois, à de fausses informations qu’on y lisait et qu’on y lit encore jusque dans des dépêches AFP, ce qui ne cesse de nous interroger sur cette notion de professionnalisme journalistique. Si nous sommes loin d’être parfait dans notre écriture, ne disposant pas non plus de secrétaire de rédaction, ni de correcteur comme dans les sociétés de presse, si nous revendiquons une démarche citoyenne et engagée dans la défense d’une certaine idée du musée - existe-t-il des médias non engagés ? -, cela ne nous empêche pas de chercher à être le plus honnête possible dans l’exploitation de la documentation collectée. Ne pas transformer les sources à notre guise, cela nous semble primordial. C’est la raison pour laquelle, Internet le permet contrairement à un support papier, nous multiplions les notes de bas de page pour donner les références de nos sources afin que chacun, s’il le souhaite, puisse à son tour les vérifier et nous contredire. C’est ainsi, il nous plaît toujours de le rappeler, qu’après avoir exploité les rapports d’activité des grands musées en ligne ce que manifestement personne n’avait songé à faire, on en a vus disparaître comme par magie, pendant plusieurs années du site Internet du Château de Versailles, définitivement de celui du Centre Pompidou qui ne met plus à disposition des internautes que le dernier en date. Pas grave, on les a tous et maintenant c’est nous qui les donnons aux journalistes qui nous en font la demande puisque le service de presse de l’établissement public refuse de les communiquer.
De même, on espère que ce label J’aime l’info nous différenciera d’un certain nombre de blogs qui ne sont en fait, consciemment ou inconsciemment, que des relais de communication pour des institutions, surtout dans le domaine culturel, qui ont bien compris l’intérêt qu’elles pouvaient en tirer pour leur promotion sur le web, gratuitement ou en échange de cadeaux. Jusqu’à trouver sur des blogs se revendiquant d’information des communiqués de presse tels quels, sans mention d’origine, sans ajouts rédactionnels ni commentaires ! Heureusement, certains, dans ce jeu de toutes façons biaisé, parviennent à conserver un certain regard critique ce qui est rare, on pense par exemple à Carpe Webem. S’il nous arrive désormais d’être invité plutôt à des conférences de presse, rien ne vaut pour nous d’être immergé dans le musée en simple visiteur et d’enquêter sur le terrain sans prendre pour argent comptant ce que disent les responsables, encore moins de s’arrêter aux simples dossiers de presse, certains de grand luxe.
Après six années de journalisme amateur et après de plus de 300 articles mis en ligne, la presse pro dans le domaine qui nous intéresse nous laisse perplexe. Blog ou pas, on a aussi parfois l’impression de lire dans de grands journaux ou magazines spécialisés, des communiqués promotionnels plutôt que des articles... On le sait désormais, dans nombre de rédactions, les journalistes sont loin d’être libres et la censure ou l’auto-censure marche à plein. Nous en avons un exemple récent et symptomatique : l’ignorance par l’ensemble de la presse française des questions soulevées par l’exposition Vuitton au musée Carnavalet, à Paris, qui n’était en fait qu’une opération publicitaire sans aucune rigueur scientifique. Nous l’avons démontré dans une enquête qui nous a valu les éloges d’un grand quotidien suisse. En France rien, si ce n’est une citation dans La Tribune de l’Art, revue d’art indépendante en ligne. L’explication à ce silence ? en France, LVMH est l’un des premiers acheteurs d’espace publicitaires pour les médias. Zut, en voilà un que nous n’aurons jamais comme annonceur. Adieu, sacs ou pochettes Vuitton. A Louvre pour tous, c’est plus fort que nous, on aime l’info. A vot’ bon coeur messieurs dames... C’est par ici
[1] Au lancement de la plateforme, le comité d’évaluation de J’aime l’info est composé de :
Laurent Mauriac, président de J’aime l’info et cofondateur de Rue89 ;
Jean-Christophe Boulanger, directeur de la publication d’Euractiv.fr ;
Marie-Catherine Beuth, journaliste au Figaro ;
Florent Latrive, journaliste à Libération.
[2] Nos frais actuels couvrent des achats de documentations (livres, revues...), des coûts en téléphone, d’autres liés évidemment à Internet (connexion, nom de domaine), de transport pour nous rendre, au-delà de l’Ile-de-France, dans les musées où nous avons la chance de bénéficier de la gratuité comme artiste (graphiste affilié à la Maison des artistes, notre métier), de temps enfin passé à la maintenance et à l’évolution graphique de notre site, à l’animation de notre groupe Facebook, espace important de discussions, et surtout à nos recherches puis à l’écriture de nos articles. Actuellement les seuls revenus que nous tirons de notre affaire sont les ressources des publicités Google AdSense inclues sur nos pages. Insuffisantes pour en vivre, elles tournent autour de 100€ par mois.
[3] Louvre pour tous enregistre entre 30 000 et 50 000 visiteurs uniques par mois (Google Analytics), compte plus de 3550 « fans » sur Facebook, 2640 abonnés sur Twitter, répertorié dans 308 listes.
[4] Conformément à l’article 2 du décret n° 2009-1340 du 29 octobre 2009 pris pour application de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse : « sont considérés comme d’information politique et générale les services de presse en ligne dont l’objet principal est d’apporter, de façon permanente et continue, des informations, des analyses et des commentaires sur l’actualité politique et générale locale, nationale ou internationale susceptibles d’éclairer le jugement des citoyens. Ces informations doivent présenter un intérêt dépassant significativement les préoccupations d’une catégorie de lecteurs. » / Voir la liste des services de presse en ligne reconnus par la CPPAP au 15 mars 2010 avec mention à droite par un oui ou un non de la reconnaissance du caractère d’information politique et générale (IPG).