13.06.11 | actualisé le 15.06.11 | VENET À VERSAILLES - L’artiste français de 70 ans, Bernar Venet, expose durant cinq mois six oeuvres monumentales dans le domaine du Château de Versailles, en extérieur, et une dans le parc de Marly situé à 7 km, domaine rattaché à l’établissement public de Versailles en novembre 2010. C’est le quatrième artiste contemporain à être exposé, seul, dans le domaine de Versailles (Jeff Koons en 2008, Xavier Veilhan en 2009 et Takashi Murakami en 2010), l’initiateur de ces événements, Jean-Jacques Aillagon, ayant fixé comme règle d’inviter d’une année sur l’autre, un artiste étranger et un artiste français. Nous réactualiserons ces informations si nécessaire.
L’ARTISTE
Né en 1941 à Château-Arnoux-Saint-Auban, en Provence, Bernar Venet (bernard sans d en hommage au sculpteur Arman) est connu pour ses sculptures en acier Corten exposées dans de nombreuses villes dans le monde (Paris sur le parvis de La Défense, Berlin, Tokyo, Strasbourg, Pékin, Épinal, Nice, Austin, San Francisco, Norfolk, Genève, Cologne, Liège). Artiste minimaliste et conceptuel, passionné de mathématiques, il a utilisé différents médias comme le dessin ou la peinture avant de se consacrer à la sculpture et d’inventer ses Lignes indéterminées. Il possède une importante collection d’oeuvres contemporaines qu’il a exposée dernièrement aux Abattoirs de Toulouse. Résidant entre les États-Unis et la France où il possède une propriété au Muy, dans le Var. Son site internet : www.bernarvenet.com.
LA GENÈSE DE L’EXPOSITION
Ayant appris l’existence de Versailles Off, expositions collectives d’art contemporain entre 2004 et 2007, Bernar Venet s’est rendu sur place pour ensuite créer des photomontages de ses oeuvres insérées dans le domaine. Au printemps 2010, Jean-Jacques Aillagon ayant demandé à le rencontrer (ce qui paraît bien tardif), il s’est rendu au rendez-vous avec ces photomontages. Jean-Jacques Aillagon lui a proposé d’exposer à Versailles en 2011 ou 2013, Bernar Venet a opté pour 2011 (Source : Interview de l’artiste, NICE MATIN | 23.03.11.). Dans le dossier de presse, Jean-Jacques Aillagon fait état, à l’égard de Venet, d’« une ancienne et très amicale considération ». En effet, en 2003, alors ministre de la Culture, il l’avait invité à exposer dans le Jardin des Tuileries, à Paris. Et en 1994, sous l’ère Chirac, la Mairie de Paris avait invité Bernar Venet à exposer au Champ de Mars, J.-J. Aillagon était alors Directeur des affaires culturelles de la ville.
LA FABRICATION DE L’ARC
Sculpture « 86.5° Arc x 16 » : maquette réalisée dans une usine en Hongrie, à Nagyköros, puis envoyée en Belgique, à Liège, au bureau Greisch pour les calculs de stabilité. Puis fabrication de l’oeuvre dans la chaudronnerie Melens & Dejardin (voir photos sur son site), à Jupille-sur-Meuse, section de Liège, à partir d’acier Corten (alliage de cuivre, de nickel et de chrome) commandé à ArcelorMittal. L’oeuvre a ensuite été convoyée dans des remorques spécialement fabriquées pour l’occasion (Source : Beaux-Arts Magazine | 06.11).
LES OEUVRES EXPOSÉES
On avait pu croire dans un premier temps qu’il s’agissait d’oeuvres spécialement créées pour l’occasion. Dans le dossier de presse, le texte de présentation de Bernar Venet le laisse croire : « J’ai tenu à réaliser de nouvelles sculptures pour cette exposition, les adaptant à la topologie et à l’échelle du lieu ». Lui-même avait déclaré en octobre 2010 au Journal des Arts : « Mes sculptures ont été faites pour le parc et non pas posées là comme celles de Koons ou Murakami » (08.10.10). Pourtant, au final, il semble bien que seul l’Arc sur la place d’Armes ait été réalisé spécialement pour Versailles, ce qui explique sans doute la communication centrée sur cette seule oeuvre, mais pas vraiment inventé non plus puisqu’il reprend, en la doublant et en modifiant simplement la taille, une oeuvre déjà exposée par l’artiste, notamment à Houston (liste ci-dessous). A part l’Arc de la place d’Armes, il ne semble y avoir aucune autre production spécifique selon l’aveu même de l’artiste à RFI le 30 mai 2011 : « C’est la possibilité pour moi de montrer ce que j’ai pu réaliser ces dernières années, des œuvres que les Parisiens n’ont pas vues. Certaines ont été exposées dans d’autres pays. A Venise par exemple ou ailleurs. Mais les Parisiens n’ont pas vu par exemple les Effondrements, ces pièces assez difficiles, mais qui finalement gardent un caractère baroque, ou bien les Arcs penchés, les pièces de vingt-deux tonnes. Enfin, voilà. C’était l’occasion ». Peut-être Bernar avait-il l’intention, au départ, de réaliser davantage de nouvelles oeuvres mais qu’il n’en a pas eu finalement les moyens. Pourtant, les cartels installés au pied des oeuvres (exceptée celle au Grand Trianon qui n’en a pas) indiquent la date de 2011. Peut-être alors ont-elles été fabriquées pour l’occasion, ce dont on doute, mais, une chose est sûre, elles n’ont pas été créées pour Versailles particulièrement car on en retrouve de semblables dans les précédentes expositions de Venet. Par ailleurs, il n’a pas souhaité exposer d’angles et de barres droites (comme à Marly), les pensant « trop agressif pour le public du château » (NICE MATIN | 23.03.11).
Dans le dossier de presse et sur le site web de l’Etablissement public du Château de Versailles (EPV), certains noms d’oeuvres sont faux, comme leur positionnement dans les jardins alors que sur le site web de Château de Versailles Spectacles (CVS) les informations sont exactes ! Suite à cet article, le site web du Château a corrigé ses erreurs. Merci qui ?
Six oeuvres exposées à Versailles
85.8° Arc x 16 (86.5° Arc x 16 pour l’EPV) : sur la place d’Armes, devant les grilles du Château. Deux arcs de 22m entourant la statue de Louis XIV. Selon Le Figaro du 26.05.11, « il a fallu dépaver pour installer les 114 tonnes, creuser un mètre en profondeur pour installer un châssis de 15 tonnes de métal, lui-même arrimé par des micropieux enfoncés jusqu’à 15 m dans le sous-sol ». L’artiste projetait de l’installer côté jardin mais, pour des questions techniques liées à son poids, cela s’est révélé impossible. J.-J. Aillagon lui a alors suggéré de l’installer sur la place d’Armes, côté ville. S’il s’agit manifestement de la seule oeuvre réalisée pour l’occasion, elle s’inspire néanmoins très fortement d’une précédente sculpture réalisée par Venet en 2007 (97.5° Arc x 9) et exposée en 2010 dans le Hermann Park, à Houston (Texas) avec, en arrière-plan - amusante coïncidence - la statue d’un homme à cheval quasi dans la même attitude que celle de Louis XIV ! Venet a émis l’intention que son oeuvre reste à Versailles tout en indiquant que la ville de Suncheon, en Corée du Sud, souhaitait l’acquérir [1]. Selon FRANCE 3, « au Château, on réfléchit sérieusement à son installation définitive » [2]. Selon l’étonnant blog du parking de la place d’Armes, cette oeuvre serait surnommée par ses détracteurs... « le casse-noix ». L’oeuvre a déjà été graffitée mais à la mode versaillaise : « Du pain !! Du pain !! Du pain !! de la brioche ?! » (relevé le 15.06.11). Lire les citations sur cette oeuvre plus bas. La sculpture sur la place d’Armes fait l’objet d’une action judiciaire (voir ci-dessous).
Arcs en désordre : 5 Arcs x 5 - 214.5°, 215.5°, 216.5°, 217.5°, 218.5° (5 groupes d’Arcs pour l’EPV) : Parterre du midi (EPV) ou Terrasse côté Sud (CVS) (rien d’inédit, semble-t-il, dans cet ensemble, typique du travail de Venet)
Quatre lignes indéterminées (Trois lignes indéterminées pour l’EPV) : Parterre du midi (conçues en 2003 ou 1997)
219.5° Arc x 28 : Parterre d’Eau (EPV) ou Terrasse côté Nord (CVS) (exposée à la Biennale de Venise en 2009, conçue en 2008)
Effondrement : 225.5° Arc x 13 (Effondrement : 225.5° Arc x 16 pour l’EPV) : Bassin du Char d’Apollon (exposée à la Biennale de Venise en 2009)
219.5° Arc x 13 : Bassin du Fer à cheval
Une oeuvre exposée à Marly
Lignes Verticales (EPV) ou 9 lignes obliques (CVS) (conçue en 2007, exposée à Francfort en 2008)
LES ORGANISATEURS
Organisateur : Établissement Public du musée et du domaine national de Versailles
Producteur délégué : sa fililale Château de Versailles Spectacles (CVS)
LE COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION
Bernard Marcadé, critique d’art, auteur (notamment d’une biographie de Marcel Duchamp, éd. Flammarion, 2007), professeur d’esthétique et d’histoire de l’art à l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy, organisateur indépendant d’expositions.
Depuis le premier Versailles Off en 2004 jusqu’à Murakami Versailles en 2010, le commissaire des expositions d’art contemporain à Versailles était Laurent Le Bon, conservateur au Centre Pompidou, actuellement directeur du Centre Pompidou-Metz.
LE BUDGET
Encore une fois, c’est la grosse zone d’ombre du projet. Dans son dossier de presse, le Château ne donne aucune information à ce sujet. Les informations parues dans la presse sont, elles, contradictoires :
Selon l’AFP | 25.05.11 : « Son coût se monte à environ 2,5 millions d’euros mais nous nous sommes attachés à trouver des mécènes afin que l’on ne puisse pas dire que nous avons soustrait de l’argent qui aurait pu servir à entretenir le patrimoine », a déclaré l’ancien ministre de la Culture. C’est donc l’artiste, ses partenaires industriels et divers mécènes qui prennent en charge l’essentiel du financement. Pour Versailles, « le coût résiduel est de 200.000 à 300.000 euros », précise M. Aillagon".
Selon LE FIGARO | 24.05.11, les mécènes « assument près de 85% d’un projet estimé autour de 2 millions d’euros », le même Figaro indiquait en mars que Bernar Venet « autofinance à 80 % un projet chiffré à 2,5 millions d’euros (en attendant la signature des mécènes pressentis) » [3].
Conclusion : le projet coûterait entre 2 et 2,5 M€, avec une part supportée par le Château entre 200 et 500 000 euros, probablement via sa filiale Château de Versailles Spectacles.
LES MÉCÈNES
Des mécènes en théorie principalement d’Asie selon B. Venet cité dans Connaissance des Arts de mai [4], ce qui n’est manifestement pas le cas selon cette liste établie à partir des noms relevés, sur place, à Versailles, au bas du kakemono accroché sur la grille d’Honneur et sur les quelques panneaux d’information concernant l’expo B. Venet. Etrangement, cette liste n’apparaît nulle part ailleurs, ni dans le dossier de presse, ni citée jusqu’à maintenant dans aucun média. Les expositions d’art contemporain sont bien les seuls événements à Versailles où l’on cherche comme à effacer l’existence des mécènes. Nous avons rajouté entre parenthèses différents renseignements récoltées sur ces entreprises ou particuliers, pour l’essentiel liés au monde de la finance.
Mr et Mme Stephen Schwarzman (Stephen Allen Schwarzman est un homme d’affaire américain né en 1947, milliardaire, P-DG et co-fondateur de Blackstone, un fonds de gestion d’investissements privés. Il est classé par le magazine Forbes 69ème plus grosse fortune en 2011 avec une fortune évaluée à 5,9 milliards de dollars / Source)
Mr Edgar de Picciotto (banquier suisse né en 1929, fondateur de l’Union Bancaire Privée UBP)
Cantor Fitzgerald (maison de courtage financier fondée en 1945 basée aux Etats-Unis)
Mauboussin (maison de joaillerie parisienne présidée par Alain Némarq)
Stiftung für Kunst und Kultur e.V. Bonn (fondation privée allemande de soutien à l’art créée en 1986)
PARTENAIRES
Bernar Venet Studio, Alexandre Devals, Jacki Mansfield, Arcadis, Art-Transport & Service, Art & Acier, Capelle, Chapelle & Cie, Eurosol, Greisch, Melens et Dejardin, Quartet, Scales, Veritas.
Partenaires médias : ?
TARIFS
Versailles - Exposition gratuite puisque dans les Jardins sauf les jours des Grandes Eaux musicales (week-end du 2 avril au au 30 octobre et les 2 juin et 14 juillet , sauf le 1er mai) et des Jardins musicaux (les mardis du 24 mai au 28 juin et le vendredi 22 avril) : www.chateauversailles.fr
Marly - Exposition gratuite : www.musee-promenade.fr
DATES ET HORAIRES
Du 1er juin au 1er novembre 2011
Jardins de Versailles ouverts tous les jours de 8h à 20h30
Parc de Marly ouvert tous les jours de 7h30 à 19h30
AUTOUR DE L’EXPOSITION
Catalogue Venet Versailles, éd. du Regard, par Bernard Marcadé avec un essai de Brian O’Doherty, 300 p., 260 illustrations (la publication de l’ouvrage étant prévue fin mai, les oeuvres en situation à Versailles seront vraisemblablement des photomontages)
Dossier de presse : cliquez ici
LES VIDÉOS
L’ACTION JUDICIAIRE
L’Association des riverains de l’avenue de Paris (ARAP) à Versailles, présidée par Guy Escudié, a déposé fin mai un recours en référé auprès du tribunal administratif de Versailles pour demander le retrait de l’oeuvre installée sur la place d’Armes, l’estimant dénaturer le site et ne pas respecter la législation de protection de la zone du Château imposée également aux riverains, particuliers et commerçants : « Cette place est un vide urbain soumis à des règles strictes. Il est interdit d’y construire quoi que ce soit. Or il a fallu creuser sous la place pour pouvoir installer ces seize barres tordues qui pèsent plus de 100 t au total. On impose des règles aux riverains en matière d’urbanisme et, pendant ce temps-là, le monarque Aillagon règne sur son royaume et y fait ce que bon lui semble. C’est du délire » [5].
Déjà, en avril dernier, on avait pu lire ce commentaire sur le site local monversailles.com témoignant d’une certaine exaspération : « Moi je veux bien accepter ce genre de sculpture monumentale, mais alors il faut aussi que les Bâtiments de France se mettent au goût du jour et ne viennent pas em… les commerçants par exemple pour une couleur de vitrine qui ne leur sied pas ou une terrasse qui dépare à leurs yeux eu égard à la proximité du château ! il faut voir la rapidité avec laquelle la mairie se déplace dès qu’un commercant prend son pinceau pour renover la façade de sa boutique ! beaucoup ont trouver la parade en refaisant les peintures le dimanche !!!! Le roi (aillagon) peut tout se permettre, et le manant doit s’esbaudir devant sa grande culture en matière d’art contemporain ! Fermer le ban ». C’était signé du pseudo La Bruyère, Versailles oblige.
Faisant allusion aux deux procès intentés contre les précédentes expositions Koons et Murakami que le Château avait gagné, D. Berthomier s’est laissé aller en disant : « Nous prenons acte de cette décision qui nous donne encore une fois raison et valide la politique culturelle de l’Etablissement public ». Le tribunal ne valide que l’aspect légal des manifestations et certainement pas la politique culturelle de l’établissement ! Paris-art.com nous a emboîté le pas, jugeant pareillement à côté de la plaque cette réaction et taclant au passage « les choix de Versailles en matière d’art contemporain - largement liés à la promotion du marché et aux amitiés de son président Jean-Jacques Aillagon ». Ah bon ?
L’édition télé du Journal des Yvelines du 16 juin a recueilli la réaction de J.-J. Aillagon (voir ci-dessous, 3,35’) : « A l’avenir, j’en ferais encore de plus grandes, j’en ferais plus souvent encore, bien sûr, il ne faut jamais céder devant la bêtise et devant le refus de notre temps. Parce que derrière les arguments juridiques avancés par ces associations, il y a en fait une détestation fondamentale des expressions artistiques d’aujourd’hui. Face à cette détestation, il n’y a qu’une seule façon de réagir, c’est d’affirmer très haut que l’art d’aujourd’hui, que ce soit les arts plastiques, l’architecture, la chanson, la musique, ont leur place dans le patrimoine historique. »
CITATIONS
Bernar Venet :
Citations sur l’Arc entourant la statue de Louis XIV :
« Je verrais d’un très bon œil que cette œuvre reste à Versailles. Cela donnerait encore plus de renommée au château. » LE PARISIEN | 31.05.11
« Cette œuvre a été faite dans le respect le plus grand du site. La symétrie est respectée. Cette perspective à partir de l’avenue de Paris, c’est tout à fait juste. Il suffit de descendre l’avenue pour s’en rendre compte. Il faut le voir comme ça. Il faut le voir comme, en tout cas, une espèce d’hommage que je rends à Versailles et à Louis XIV. » RFI | 30.05.11
« Mon geste d’artiste est ambitieux, à la dimension du site. Il a représenté un réel effort financier, un travail considérable. La ville de Suncheon en Corée du Sud veut l’acquérir pour un site naturel unique au monde. Je pense qu’elle devrait rester à Versailles ! » LE FIGARO | 26.05.11
« Ce qui m’intéresse ici, c’est de faire cette espèce d’auréole autour de Louis XIV, je trouve que c’est le glorifier encore davantage. » JT 13h, FRANCE 2 | 26.05.11
« On peut la voir comme une couronne de lauriers » selon l’artiste, « C’est la couronne de lauriers du triomphe d’un empereur romain » selon Jean-Jacques Aillagon, AFP | 25.05.11
Citations générales :
« Pour un type d’exposition, Versailles c’est le summum. Pour un artiste, avoir une exposition personnelle dans un lieu qui va être tellement visité, même si on ne vient pas pour nous, mais qui va être nécessairement vu par... on attend 5 millions de personnes cet été, c’est une chose absolument extraordinaire. C’est un événement tellement médiatisé, plus médiatisé que n’importe quel autre événement au monde, plus médiatisé que si on a une rétrospective au musée d’Art moderne de New-York. » ART NET | 20.06.11
« Si Louis XIV était encore vivant et s’il avait l’esprit qu’il avait à l’époque, celui justement de montrer de l’art qui lui était contemporain, il serait tout à fait d’accord d’exposer les artistes qui m’ont précédé. Jeff Koons, Veilhan, Murakami, c’est tout à fait ce qu’il aurait aimé. » iTÉLÉ | 06.11
« A l’époque de Louis XIV, les artistes invités étaient des artistes contemporains. » vidéo CG78 | 06.11
« J’entends déjà les réactions de mes détracteurs. Ils vont encore critiquer ce qu’ils appellent mes ferrailles rouillées. Car c’est la rouille qui dérange le plus. » L’EXPRESS | 01.06.11
« Quand on expose dans un musée, c’est les gens qui veulent voir absolument le travail, qui prennent leur billet et qui viennent le voir. Tandis qu’ici il est confronté immédiatement à quelque chose auquel il ne s’attend pas, bien entendu il vient pour voir Versailles et une certaine tradition, et tout à coup il rencontre de l’art contemporain. » BFMTV | 25.05.11
« Je suis heureux d’exposer dans ce lieu sublime et très visité. Sa géométrie lui donne une sobriété qui fonctionne bien avec la rigueur de mes œuvres. » 20 MN | 26.05.11
« Le challenge est de taille, car les sublimes jardins de Versailles et leurs immenses perspectives inspirent à la fois le respect et la nécessité de s’imposer. » CONNAISSANCE DES ARTS | 05.11
« Mes sculptures s’intègrent parfaitement dans les perspectives de Versailles. c’est à la fois un lieu idéal et un véritable challenge de se retrouver confronté à un paysage sublime et grandiose. » LE PARISIEN | 17.05.11
« Les courbes de mes sculptures contrasteront avec la géométrie angulaire des jardins tandis qu’elles accompagneront les contours circulaires du bassin d’Apollon et du Grand Canal. » Dossier de presse
« Avant même qu’un programme d’exposition d’artistes contemporains n’existe à Versailles, c’est un lieu qui m’attirait beaucoup et, bien avant l’exposition Jeff Koons, j’ai réalisé des photomontages de mes sculptures sur le site. » Dossier de presse
« Quand le président Aillagon m’a convié à Versailles, j’ai imaginé le coucher du soleil sur l’acier Corten patiné, weathered disent mieux les Anglais. Un clin d’œil modeste aux boiseries dorées des grands appartements » LE FIGARO | 01.04.11
« Exposer à Versailles est non seulement un grand prestige, mais aussi le moyen de toucher un immense public. C’est l’occasion de faire une démonstration de force. » NICE MATIN | 23.03.11
« Je n’ai pas souhaité exposer d’angles et de barres droites, car je pense que cela aurait été trop agressif pour le public du château. » NICE MATIN | 23.03.11
« Je ne pense pas choquer, non pas que je sois devenu un artiste pompier. Mais mes sculptures ont été faites pour le parc et non pas posées là comme celles de Koons ou Murakami. » JOURNAL DES ARTS | 08.10.10
Jean-Jacques Aillagon, président du Domaine de Versailles :
« L’épure, l’arithmétique et la sobriété, qui font une partie du château, se retrouvent dans ces arcs ou lignes indéterminées. » LIBÉRATION | 04.07.11
Face aux critiques : « Les râleurs ne voient jamais ce qui est positif et voient toujours ce qui les dérange. De surcroît, qu’on montre des artistes néo-pops ou des artistes minimalistes, ils n’aiment pas parce qu’ils n’aiment pas tout simplement le monde dans lequel ils vivent. » JT 19/20 NATIONAL, FRANCE 3 | 31.05.11
« En choisissant Bernar Venet, le château de Versailles souhaite mettre en valeur l’oeuvre d’un artiste français dont le travail, intense et rigoureux, ne cesse de poser la question de la relation de l’art avec le paysage et l’architecture et donc également avec le temps et l’histoire. » Dossier de presse
A B. Venet, rapporté par lui-même : « Tu fais des expos partout dans le monde, il ne faut pas faire à Versailles ce que tu fais ailleurs. Il faut faire un geste énorme. »
NICE MATIN | 23.03.11
Bernard Marcadé, le commissaire de l’exposition :
« En 1961, lors de son service militaire à Tarascon, Bernar Venet réalise une performance où on le voit couché au milieu de détritus. C’est sa première oeuvre revendiquée. Plus de 50 ans après cette action, l’artiste occupe la cour d’honneur et les jardins du château de Versailles. » Dossier de presse
LA CRITIQUE
« La chose se passe dans l’indifférence. C’est à peine si les visiteurs jettent un œil sur les nouvelles venues. Il faut dire que Venet semblait nettement plus à l’aise en 2009 dans le vénérable cadre de l’Arsenale, lors de la Biennale de Venise. » Etienne Dumont, LA TRIBUNE DE GENÈVE | 18.07.11
« L’exercice ne crée pas un choc contrairement aux interventions précédentes. Je dois dire que je ne trouve pas l’opération fascinante. Néanmoins à l’extérieur, les parenthèses monumentales face aux grilles sont, elles, réussies. De jour comme de nuit. » Judith Benhamou-Huet, LES ÉCHOS | 09.06.11
« Les échos du passé qui nous parviennent de Versailles et le silence qu’imposent les oeuvres de Venet se mettent en valeur mutuellement, dans un choc tant improbable que majestueux. » Deborah Lacks, ARTPRESS | 06.11 (Artpress ne manque pas de culot puisque cet article où la journaliste fait mine d’avoir vue l’exposition a été manifestement écrit avant même son montage, pour des questions de délai de parution)
« La surprise vient de ce que les oeuvres de Venet s’intègrent réellement bien à Versailles. », Harry Bellet, LE MONDE | 31.05.11
« Ses sculptures y respirent bien, s’imposent avec un naturel inattendu. », Valérie Duponchelle, LE FIGARO | 31.05.11
« Cette sculpture (l’arc sur la place d’Armes), comme ses sœurs installées dans le parc et au domaine de Marly, semble bien sage. Dans les jardins de Le Nôtre, où leurs boucles vieil or taquinent la rectitude du Grand Canal et cadrent d’élégants points de vue, le flot des touristes passe dans une quasi-indifférence. » Sabine Gignoux, LA CROIX | 30.05.11
NOTRE AVIS
Les oeuvres, en elles-mêmes, sont belles. Par la simplicité de leurs formes, leurs tailles, leurs proportions et la patine rouillée qui leur apporte chaleur et rugosité. Adaptées à l’exposition en extérieur bien que, paradoxalement, Venet dise préférer les voir exposer en intérieur pour que la qualité du paysage ne vienne diminuer leur impact, elles griffent l’espace comme autant de signes calligraphiques purs, se mariant aussi bien avec le minéral des bâtiments, le végétal du paysage que le bleu du ciel. Aussi, dans le domaine de Versailles, elles ne jurent pas spécialement et s’intègrent plutôt harmonieusement, certaines fonctionnant mieux que d’autres selon leur emplacement. Mais à voir les deux ensembles, de chaque côté du Parterre d’Eau, créant des points de vue graphiquement intéressants et inattendus avec le château hachuré en arrière-plan ou encerclé, on ne peut s’empêcher de les imaginer fonctionner partout avec la même facilité. De par leur minimalisme et finalement leur absence de sens ce qui n’a rien d’une injure, ces oeuvres créent sans doute le même effet visuel avec n’importe quel environnement architectural moderne ou ancien (Venet avait exposé en 2009 l’un de ses arcs dans le domaine classique de Chatsworth House, en Grande Bretagne, avec à peu près le même effet). Idem pour les paysages. D’ailleurs Venet le sait bien, lui qui déclare : « Je peux exposer mes œuvres un petit peu dans tous les environnements possibles » [6]. Mais que nous disent ces installations particulièrement sur Versailles ? Finalement, pas grand chose. Personne n’a d’ailleurs encore tenté de commentaires historicisant à deux balles qu’on nous sert habituellement lors de ces manifestations désormais annuelles. On assiste juste ici à la rencontre esthétique plutôt réussie, ce qui est déjà bien, entre deux univers plastiques à plusieurs siècles de distance. Une chose est sûre et cela nous conforte dans notre opinion, l’extérieur du domaine de Versailles est plus adapté à la présentation de pièces contemporaines pour des questions de confort de visite comme de résonance avec l’art géométrique d’André Le Nôtre, avec les façades quasi sérielles du Château côté jardin, avec ce paysage façonné comme du land art avant l’heure, comme l’avait fait remarquer si justement Xavier Veilhan lors de son intervention en 2009.
La pièce disposée dans l’allée menant à la terrasse de l’Orangerie, dans le Parterre du Midi, est, elle, bizarrement placée, comme mise de côté dans l’allée. Pas assez prêt du balcon de pierre, elle en perdrait presque son intérêt alors qu’elle introduit une autre dimension de l’oeuvre de Venet, plus brutale, elle s’y retrouve un peu perdue. Effondrement placée entre le Bassin d’Apollon et le Grand Canal est inidentifiable de loin, autrement que comme « un tas de fagots oubliés par un jardinier négligent » comme l’a écrit Harry Bellet dans Le Monde, ou presque, selon le vocabulaire de ses détracteurs se voulant méprisant, comme un amas de ferrailles rouillées. Il faut être au plus près de l’oeuvre pour en tirer visuellement quelque chose, ce qui reste presque impossible puisque la pelouse sur laquelle elle est posée est interdite. D’ailleurs les photos qui en sont prises le sont toutes très précisément du même endroit. Nous n’avons raté une première fois l’oeuvre disposée au bord d’un des bras du canal, au pied du Grand Trianon, en l’absence de toute signalétique, découvrant son existence trop tard, à la sortie sur un plan. Nous l’avons découverte lors d’une autre visite, avec un peu la même impression que pour les oeuvres du Parterre.
Reste l’oeuvre majeure, l’arc géant encerclant la statue de Louis XIV sur la place d’Armes, la seule réalisée spécifiquement pour Versailles bien qu’on ait vu qu’elle est en fait la quasi réplique, doublée, d’une sculpture déjà réalisée par l’artiste et que, semble-t-il, l’artiste aurait aimé créer, à l’origine, plus d’oeuvres inédites (voir plus haut Oeuvres exposées). De par sa situation et sa grandeur, c’est celle qui attire tous les commentaires et au sujet de laquelle le Château a axé sa communication. Il est amusant de penser qu’elle vient magnifier une statue tant décriée, pas il est vrai des plus heureuses (deux statues réunies en une), exilée là depuis la « reconstitution » de la grille Royale et vouée aux gémonies par les anti-Louis-Philippe primaires évoquant un roi sur un poney faisant désormais la circulation. Le geste sculptural de Venet en reste beau, plus peut-être par son intention que par sa réalisation car la composition virtuelle choisie comme visuel de l’exposition reste plus magistrale et élancée que l’oeuvre réelle : les arcs, de chaque côté, sont peut-être trop écartés du point central de la statue et, à l’arrière-plan, une énorme bâche de chantier sur une partie du château vient tout gâcher. Dommage.
On sent que les contraintes liées au site ont été telles - et les coûts suppose-t-on aussi - que l’artiste n’a pas pu aller au bout de son projet : « Ainsi, Venet avait d’abord envisagé de placer 86,5° Arc × 16 de chaque côté du Grand Canal. Projet abandonné, car le terrain est trop marécageux pour pouvoir stabiliser ses arcs sans travaux lourds » indique H. Bellet. C’est peut-être pour cette même raison qu’il n’a pas placé d’oeuvre au bout de la perspective, vers l’Etoile royale, ce qu’on aurait bien vu. « De même, poursuit le journaliste, les groupes d’Arcs installés sur le parterre du Midi, la grande terrasse qui s’étend à l’arrière du château, ont été posés sous la surveillance attentive des fontainiers du domaine, pour ne pas risquer de détériorer, par leur poids, les citernes qui se cachent sous l’esplanade ». Cette information crédibilise, sans la certifier, le bruit qui avait couru, l’année dernière, que l’oeuvre monumentale de Murakami installée sur cette même terrasse avait endommagé des canalisations datant de Louis XIV. Enfin, un autre élément a conditionné le placement des oeuvres : le tournage de deux films en costume. C’est Jean-Jacques Aillagon qui l’a précisé, rapporté par l’AFP : « Les oeuvres de Bernar Venet ne devaient pas apparaître de façon incongrue dans les plans de tournage ». Incongru... mais pourquoi ? Il parait que Louis XIV aurait adoré.
[1] LE FIGARO | 26.05.11.
[2] JT 19/20 NATIONAL, FRANCE 3 | 31.05.11.
[3] « Bernar Venet au château de Versailles, le making of » par Valérie Duponchelle, LE FIGARO | 24.05.11 ; « L’art abstrait encercle le Roi-Soleil » par Valérie Duponchelle, LE FIGARO | 01.04.11.
[4] « La plus grande partie du mécénat pour mon exposition à Versailles viendra d’ailleurs en principe d’Asie... » CONNAISSANCE DES ARTS | 05.11.
[5] LE PARISIEN | 31.05.11
[6] « Les arcs de triomphe de Bernar Venet au château de Versailles », RFI | 30.05.11.