Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication à Jean-François Hebert, président de l’établissement public du Château de Fontainebleau
Le 22 septembre 2009
Monsieur le Président,
Comme vous le savez, Nicolas Sarkozy a annoncé à Nîmes, le 13 janvier dernier, sa décision de créer un musée d’histoire de France.
Le Président de la République souhaite en effet qu’il soit mis fin à une situation paradoxale. Alors que notre histoire est l’une des plus anciennes d’Europe et qu’elle passionne nos compatriotes, notre pays, à la différence de ses voisins, est le seul à ne pas disposer d’un lieu qui présente les grandes étapes de son histoire.
Nécessaire à toute époque, la connaissance de notre histoire l’est plus encore aujourd’hui. Elle fournit des savoirs et des repères essentiels dans un monde toujours plus complexe. Elle est un antidote à la tentation du relativisme qui nivelle toutes les valeurs. Elle n’implique ni vision passéiste, ni repli sur soi. Parce qu’elle est constitutive de notre identité nationale, elle doit au contraire nous permettre, et singulièrement aux plus jeunes d’entre nous, de faire face à l’ouverture du monde et aux défis du temps présent avec la conscience de notre héritage commun au sein d’une Europe qui, pour les mêmes raisons, se dote de son propre musée d’histoire.
Compte tenu de votre expérience de la gestion des grands équipements culturels et de votre connaissance du dossier, j’ai décidé de vous confier la responsabilité de la création du musée d’histoire de France au moment même où vous accédez à la présidence du château de Fontainebleau qui ne saurait être étranger à un tel projet.
Les contours de cette nouvelle institution ont été dessinés par Hervé Lemoine dans le rapport qu’il a remis en avril 2008 à mon prédécesseur et je souscris à sa proposition de la désigner en tant que « Maison de l’histoire de France » dans la mesure où elle répond à plusieurs objectifs.
La première mission de cette Maison de l’histoire est de proposer au grand public, et notamment au public scolaire, un parcours chronologique qui restitue les grands moments de notre histoire, du « moment français » selon l’expression de Pierre Nora. Cette présentation permanente et évolutive de la construction de notre société et de notre Etat-Nation s’accompagnera d’expositions temporaires thématiques. Ainsi s’incarnera l’aphorisme de Fernand Braudel qui estimait qu’il faut « décrire, voir et faire voir pour faire comprendre l’histoire ».
Le deuxième rôle assigné à la Maison de l’histoire est de réunir autour d’objectifs communs le millier de musées, petits ou grands, qui traitent de questions historiques. Ils détiennent bien souvent des collections exceptionnelles mais sont loin d’avoir la notoriété des musées des beaux-arts. Il faut les rassembler au sein d’un réseau et créer pour eux un référent national comme le Louvre, Orsay et le Centre Georges Pompidou le sont chacun dans leur domaine.
Le futur établissement doit enfin être un instrument de valorisation, de diffusion au plus large public, de la recherche en histoire, donnant une large audience aux débats qui animent le monde universitaire et qui ne manquent pas, surtout lorsqu’ils sont polémiques, d’intéresser nos concitoyens. Il devra en outre être un lieu privilégié d’échanges et de coopération avec les grands musées d’histoire existant en Europe et dans le monde. Ces dimensions du projet devraient répondre au souhait des historiens en soulignant l’utilité sociale de la recherche en histoire et sa contribution au développement de l’esprit critique et au soutien de l’esprit civique.
Il vous appartient maintenant de mettre en oeuvre ce projet inédit. Pour ce faire, je souhaite que vous élaboriez le projet scientifique et culturel du nouvel établissement. Dans cette perspective, vous vous entourerez d’une équipe pluridisciplinaire et vous vous appuierez sur un conseil scientifique composé d’historiens et de personnalités, français et étrangers, susceptibles de vous aider à concevoir une institution qui doit bien entendu être porteuse d’un discours irréprochable mais aussi se situer à la pointe de la modernité en termes de muséographie et d’accueil du public. Ce projet doit en effet être l’occasion de lancer un vaste chantier de réflexion sur la muséographie des musées de société et d’histoire comme Georges-Henri Rivière le fit en son temps. Je crois également opportun que vous lanciez dès à présent une réflexion sur les expositions temporaires qui préfigureront celles qui marqueront l’ouverture de la Maison de l’histoire.
Il vous faudra aussi nouer des relations étroites avec toutes les administrations ou institutions intéressées par le projet. Cela va de soi pour le ministère de la culture et de la communication et les grands établissements publics qui en dépendent dont l’expérience vous sera éminemment utile. Il en va de même pour l’Education nationale puisque la Maison de l’histoire a vocation à recevoir un très grand nombre de groupes scolaires et pour l’Enseignement supérieur et la Recherche puisqu’elle sera aussi la maison des historiens. Le ministère de la défense est également directement concerné par le projet dans la mesure où les musées de France qui lui sont rattachés, notamment le musée de l’armée, devront s’intégrer au réseau qui sera mis en place.
S’agissant de la localisation de la Maison de l’histoire, j’ai pris connaissance avec beaucoup d’intérêt du rapport de Jean-Pierre Rioux sur les différents sites possibles et j’en ai visité plusieurs. Mon objectif étant de proposer rapidement un choix définitif au Président de la République, je souhaite que nous approfondissions ensemble cette question déterminante pour le positionnement de la nouvelle institution.
Lorsque ce paramètre important du projet aura été arrêté, je vous demanderai d’établir un calendrier de mise en oeuvre ainsi qu’une évaluation des moyens nécessaires à sa réalisation.
Il ne faut pas s’y tromper, la création d’une Maison de l’histoire de France voulue par le Président de la République est un projet dont l’ambition est à la fois intellectuelle, culturelle, politique et sociale. Il nous faut rappeler que l’histoire est avant tout un rapport au temps dans toute sa profondeur, que les traces et les lieux de mémoire qui en témoignent sont multiples, que leur sens n’est pas univoque, que l’histoire de France ne se réduit ni à celle de Paris, ni à celle de Versailles et qu’elle ne peut se confondre avec celle de Bruxelles.
C’est, à n’en pas douter, un projet exaltant qui marquera durablement le paysage culturel de notre pays et je vous fais confiance pour le conduire avec succès.
Frédéric Mitterrand
Site Internet du ministère de la Culture : www.culture.gouv.fr