20.05.2008 | JE RENDRAI LA CULTURE ACCESSIBLE au plus grand nombre parce que c’est une source de liberté, d’épanouissement et de paix sociale…", affirmait Nicolas Sarkozy en avril 2007 [1]. On était alors en pleine campagne présidentielle. La Démocratisation chère à Malraux était un thème récurrent, si ce n’est central, du projet culturel du candidat de l’UMP [2]. Aussi, une fois installé à l’Elysée, en toute logique, il échut à sa ministre, Christine Albanel, de mettre en œuvre sans attendre l’objectif tant souhaité par le nouveau Président [3].
Voilà pour le discours. Car dans les faits, il en alla tout autrement. On peut même parler, sans exagération aucune, d’exact opposé. En effet, dès le premier budget Culture du quinquennat sarkozien [4], le robinet des crédits affectés à la Démocratisation culturelle fut brutalement coupé. Comme jamais [5].
De fait, si l’on peut s’étonner que, des trois grands secteurs constituant le Budget 2008, celui réservé à la Transmission des savoirs et démocratisation de la culture accuse une baisse de 2,9%, ce n’est rien en comparaison de la perte de 22% de crédits - plus de 12 millions d’euros [6] - de la sous-section réservée justement à l’Action en faveur de l’accès à la culture [7] ! Est-il possible d’imaginer plus vertigineuse chute ? [8]. Des autres sous-sections toutes en baisse [9], seul le Soutien à l’éducation artistique et culturelle est épargné avec une hausse de 6,1%, soit + 1,8 millions euros. La cruelle vérité des chiffres n’empêche par la ministre, lors de sa présentation du budget, de prétendre, avec un aplomb stupéfiant, le contraire : « Ce budget permet aussi, de soutenir les actions qui favorisent l’accès de tous à la culture, et notamment toutes les actions que le ministère mène dans les hôpitaux, dans les prisons et à l’égard de l’ensemble des publics éloignés de la culture. Nous poursuivrons notre politique en faveur de l’accessibilité des établissements culturels et des œuvres au public handicapé. C’est un objectif que nous ne devons jamais perdre de vue ». Moins 22%...
La ministre de la Culture interpellée, à l’Assemblée Nationale, par le député Patrick Bloche du Parti socialiste [10], sur cette contradiction flagrante avec les promesses de campagne du Président, noya le poisson, en reconnaissant toutefois un « repli » du programme de cette partie de son « budget d’austérité » [11]. D’autant plus contradictoire qu’au nom - toujours - de la Démocratisation culturelle, sur demande du Premier ministre, le ministère de la Culture s’apprêtait à lancer une vaste expérimentation de gratuité des musées nationaux qui, ne serait-ce qu’au regard des moyens consacrés à l’accès à la Culture, a fort peu de chance d’aboutir [12]. Vaste opération de communication politique pour masquer un désengagement flagrant de l’Etat sur le sujet même de l’accès à la Culture !
Alors ? la Démocratisation culturelle en marche sous l’ère Sarkozy ? Oui mais pas dans le sens souhaité. En arrière toute.
[1] Nicolas Sarkozy, « Mon projet : ensemble tout devient possible », Point n°15 « Fiers d’être français » | 02.04.07
[2] Lire à ce sujet les différentes citations que nous donnons dans notre rubrique « La Culture selon Sarkozy » et consulter le dossier « Culture : l’heure du nouveau souffle », document préparatoire au volet Culture du projet présidentiel UMP .
[3] « Votre première mission sera de mettre en œuvre l’objectif de démocratisation culturelle. Celle-ci a globalement échoué parce qu’elle ne s’est appuyée ni sur l’école, ni sur les médias, et que la politique culturelle s’est davantage attachée à augmenter l’offre qu’à élargir les publics. », Lettre de mission de Nicolas Sarkozy, Président de la République, adressée à Christine Albanel, Ministre de la Culture et de la communication. | 01.08.07
[4] Le 26 septembre 2007, Christine Albanel rendait public le premier budget Culture du quinquennat sarkozien, qui, « satisfaisant au regard des contraintes » progressait, selon elle, de 3,2% par rapport à l’année passée. Les analystes ne mirent pas longtemps à révéler qu’une « tambouille des chiffres » avait permis de masquer une augmentation de 0,7%. La ministre, dans un demi-aveu, parla ensuite de « budget d’austérité ».
[5] Nos données chiffrées sont évidemment extraites du document officiel, hors personnel et en crédits de paiement : Budget 2008 du ministère de la Culture et de la Communication | 26.09.07
[6] D’après nos calculs, le pourcentage de -17,9% indiqué dans le document officiel est faux ! cf. Tableau de synthèse par programmes et actions, p.5, Budget 2008 cité plus haut.
[7] "L’Action en faveur de l’accès à la culture recouvre d’une part l’Action en faveur des publics, notamment par des aides apportées aux praticiens amateurs, aux personnes handicapées, aux personnes incarcérées, hospitalisées et aux catégories sociales souffrant d’exclusion ; et le financement des Politiques territoriales visant à corriger les déséquilibres culturels existants.
[8] Pire, si l’on compare les crédits 2008 de cette section à ceux indiqués dans le Budget 2007, la baisse frise les -30%.
[9] Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle -0,4%, Soutien aux établissements d’enseignement spécialisé -6,2%, Action culturelle internationale -5,6%
[10] Sur cette question, le Parti socialiste sut avec pertinence analyser ce budget « en trompe l’œil ». Lire la déclaration très argumenté du sénateur Serge Lagauche | 04.12.07, et les conclusions du rapporteur Patrick Bloche pour avis à la Commission des Affaires culturelles de l’Assemblée Nationale qui évidemment ne le suivit pas | 11.10.07
[11] « M. Bloche m’a également interrogée sur l’accès à la culture en soulignant le repli du programme » Transmission des savoirs et démocratisation de la culture « . Je signale tout de même que ce dernier abrite aussi les moyens du ministère et que l’effort de gestion, qui se traduit par une baisse de dépenses de 5 %, se répercute sur le niveau des crédits. Les crédits de l’éducation artistique et culturelle progressent de 6 %, mais nous avons effectivement souhaité fusionner les actions 4 et 5 de 2007 – » Actions spécifiques en faveur des publics « et » Politiques territoriales « – et insister sur les opérations les plus pertinentes, avec un accent particulier mis sur l’éducation artistique et culturelle. », Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication en Commission à l’Assemblée Nationale | 30.10.07
[12] Lire notre article « Gratuité des musées, un rendez-vous manqué »