24.06.2006 | DRÔLE D’AMBIANCE hier soir au Louvre. 1500 invités VIP, gratin du patronat mondial, se pressaient dans la Cour carrée du Musée public du Louvre pour une soirée ultra-privée et tenue secrète jusqu’au dernier moment. Comme nous le révélions dès la veille, L’ORÉAL, dans le cadre du 50ème Sommet mondial du commerce alimentaire, offrait la soirée de clôture.
Tout n’était que luxe, badinage et volupté.
Dans le Musée, une autre ambiance régnait. Les visiteurs stupéfaits par cet étalage de richesse étaient irrésistiblement attirés vers les fenêtres et les commentaires allaient plus à l’écoeurement qu’à l’admiration. Le mot qui revenait le plus souvent : « Hallucinant ! ».
Le personnel désabusé (gardiens, personnel du nettoyage) évoquait la lente dérive commerciale du Musée depuis son classement il y a quelques années en Etablissement public qui lui confère une plus grande autonomie de gestion, véritable privatisation rampante (politique commerciale intensifiée = location des espaces pour des soirées privées, recherche éffrénée de mécénat, choix d’expositions sur des critères commerciaux et touristiques), qui ne leur profite bien peu. Cette soirée privée, pas la première du genre selon eux, mais exceptionnelle par sa dimension, en était la preuve.
Si jusqu’au dernier moment, personne n’était informée de la véritable nature de l’événement qui se préparait dans la Cour carrée immoblisée début juin jusqu’au 30 pour une unique soirée. Personne, ni les visiteurs du Musée, ni son personnel. Et mêrme hier soir, l’information d’une soirée L’ORÉAL était incomplète. Ainsi, le personnel est tenu dans l’ignorance de ce qui se passe sur son propre lieu de travail.
Personnellement, je leur ai suggéré dès lundi de réclamer des augmentations de salaire.
Mais maintenant place à la fête :
Vers 20h, des cars déposent les invités devant la Colonnade de Perrault. Et comme les pavés leur font un peu mal aux pieds, on a eu la gentillesse de leur dérouler un tapis de vrai gazon.
Des hôtesses forcément jolies, mains dans le dos, vétues de rose-mauve-fuchsia( ?) les accueillent, sourire aux lèvres. De chaque côté de la porte, sur des podiums, des baladins à moitié nus se contorsionnent avec élégance.
Les autres entrées de la cour Carrée ont été fermées aux badauds, touristes et citoyens. Sur des panneaux, l’explication : « fermé pour des raisons de sécurité » !
Les invités pénètrent dans l’enceinte sacrée. De la musique classique, et non de la techno, caresse leur tympan. Le long des murs, sur des podiums, des histrions font des facéties dans l’indifférence générale.
Une tente monumentale est dressée avec des tables parfaitement disposées. Comme une cantine...
La foule VIP envahit la cour. Toujours pour les chevilles les plus fragiles, des tapis de gazon.
De petits buffets sont dressés pour l’apéro. On picore, on trempe ses lèvres, on baguenaude mais entre hommes, on parle encore affaires...
Le long des murs, donc, sur des podiums, des histrions pour la plupart à demi-nus s’offrent à la vue, tableaux vivants évoquant les chefs d’oeuvre du Louvre.
Mais non, on préfère papoter entre soi.
Quelques curieux se prennent au jeu. On se croirait un peu à un marché aux esclaves.
Une belle semble subjugée ou bien elle se demande si ces tenues échancrées ne seraient pas l’oeuvre de ce farceur de Galliano.
Hum, des gladiateurs ?...
A TABLE !
Pendant ce temps-là, dans le Musée, les visiteurs assistent au spectacle, stupéfaits.
Les baladins se reposent.
Entre intermittents du spectacle, on s’échange des plans boulot.
Puis on se casse.
On laisse les VIP dans leur cage dorée.
Le syndicat des serveurs en livrée se réunit.
Le Musée, lui, s’endort.
© Louvre pour tous