Rajouté le 01.02.11 : Le Conseil général des Hauts-de-Seine a indiqué au Parisien dans un article reprenant l’essentiel de nos infos, sans pour autant nous citer que, « »Le château de Sceaux était devenu un lieu de passage pour des raisons inappropriées« . Sous-entendu, les promeneurs du parc étaient nombreux à y entrer uniquement pour accéder gratuitement aux toilettes ! » [1]. Affirmation d’autant plus ridicule que des toilettes gratuites sont mises à la disposition du public juste à côté, à l’Orangerie ainsi qu’aux Ecuries, comme on peut le voir sur le plan du domaine téléchargeable sur le site du département.
27.01.11 | UNE MESURE PUREMENT IDÉOLOGIQUE et certainement pas motivée par le peu de recettes que rapportera ce musée de taille modeste et hélas peu couru. Surtout de la part du département le plus riche de France ! D’autant plus quand les statistiques du ministère de la Culture indiquent qu’avant mars 2005, quand le musée était encore payant, celui-ci était fréquenté majoritairement par des bénéficiaires de gratuités, environ 80% des seulement 35 000 visiteurs annuels (voir tableau ci-dessous) [2]. Le domaine est surtout fréquenté pour son vaste et beau parc, en accès libre toute l’année, dessiné à l’origine par André Le Nôtre. Situé dans le château de Sceaux datant du XIXe siècle, « bâtisse à fâcheuse allure de Caisse d’épargne » comme l’a écrit son conservateur tutélaire Georges Poisson dans son délicieux livre de souvenirs [3], le musée de l’Île-de-France est composé essentiellement de peintures de paysages franciliens du XIXe provenant du musée Carnavalet. Il offre au public de belles oeuvres parmi lesquelles, récente acquisition, « Le Festin de Didon et Enée » peint par François de Troy ou le domaine de Méréville par Hubert Robert, célèbre pour les amateurs de parcs à fabriques façon XVIIIè. On y trouve également une intéressante collection de céramiques et de faïences. Mais sa principale richesse reste invisible au public pour des raisons évidentes de conservation : 9 500 estampes, 2 500 dessins, 80 000 photographies dont 1000 Atget. L’ensemble est désormais accessible en ligne grâce à la numérisation progressive de ce fonds.
Depuis le 3 janvier 2011, sur décision du conseil général des Hauts-de-Seine présidé par Patrick Devedjian, l’accès au musée de l’Île-de-France passe donc à 3€ (1,50€ en tarif réduit), 4€ avec le Pavillon de l’Aurore le week-end jusque là également gratuit (2,50€ en tarif réduit) [4]. Depuis deux ans, les expositions temporaires avaient déjà perdu leur accès libre pour un tarif ridiculement symbolique de 1,50€. L’information officielle ne nous dit pas si le prix d’entrée du musée comprendra désormais l’accès à l’exposition annuelle, on peut le penser. On regrette que le musée n’applique pas la gratuité pour les moins de 18 ans, seulement pour les moins de 12 ans, pas plus que celles accordées en 2009 par Nicolas Sarkozy, président de la République, dans les musées nationaux. Les enseignants n’ont droit qu’à un tarif réduit, tout comme les demandeurs d’emploi et allocataires du RSA. Si la gratuité est tout de même accordée aux personnes handicapées, elle l’est aussi aux étudiants, c’est-à-dire aux jeunes les plus favorisés culturellement, mais pas à tous les jeunes de moins de 26 ans.
ANNÉE | TOTAL ENTRÉES | DONT ENTRÉES GRATUITES |
---|---|---|
2003 | 34 342 | 25 655 |
2004 | 36 444 | 31 307 |
2005 | 36 439 | 35 513 |
2006 | 39 089 | 39 089 |
2007 | 93 311 | 93 311 |
2008 | 87 700 | 87 700 |
2009 | 56 370 | 44 470 | 2010 | 48 122 |
La mise en gratuité de ses collections il y a six ans, votée sous la présidence de Nicolas Sarkozy au conseil général, avait pourtant entraîné une sensible augmentation de sa fréquentation, plus de 7% dès la première année, mais c’est à partir de 2007 que celle-ci quasi tripla, non pas tant semble-t-il par l’attrait du musée lui-même que par le nouvel espace inauguré à ses abords, dans les anciennes écuries de Colbert fraîchement restaurées, dédié aux expositions temporaires. De grande qualité, entièrement gratuites comme le musée, celles-ci boostèrent sans conteste le lieu, jusqu’à accueillir en totalité pas loin de 100 000 visiteurs avant que la fréquentation ne s’effondre de moitié en 2009... quand elles devinrent payantes (en 2010, la chute s’est poursuivie avec 48 122 visiteurs selon Le Parisien). Si la nouvelle tarification proposée reste largement raisonnable, n’est-ce pas cette dynamique que l’on risque de briser un peu plus et ne condamne-t-on pas le musée de l’Île-de-France à toujours plus de confidentialité ?
UN PASS AUX AVANTAGES RESTREINTS
Le département ne communique évidemment pas sur la disparition de cet avantage de gratuité. On ne saura donc pas ce qui l’a motivé (finalement ce serait donc pour éviter que les personnes n’y entrent pour ses toilettes !). Patrick Devedjian, dans l’éditorial 2011 du journal Vallée-Culture annonce seulement « une année dense et lumineuse dans les musées et parcs des Hauts-de-Seine » [5]. En revanche, le département annonce comme un progrès le lancement d’un pass annuel à 20€ aux modalités plutôt restreintes, voire mesquines.
Ce Pass libre accès ouvre « pendant un an les portes du musée où il a été acheté » mais n’offre qu’un tarif réduit dans les deux autres musées départementaux, à savoir la Maison de Chateaubriand à Châtenay-Malabry et le musée-jardin Albert-Kahn à Boulogne-Billancourt, tous deux également au tarif plein de 3€ et au tarif réduit de 1,50€ [6]. La belle affaire ! Hormis les jardins Albert-Kahn qui peuvent s’apprécier régulièrement - une carte d’abonnement à 15€ existait déjà - et dont le caractère payant peut se justifier pour le préserver d’une fréquentation massive dans sa partie japonaise trop fragile, ces trois musées aux collections exposées plutôt réduites n’appellent pas vraiment à des visites répétées quand les expositions temporaires se limitent à une par année pour chacun d’entre eux. De plus, ces trois lieux sont entièrement gratuits les premiers dimanches du mois.
Mais en réalité, le pass offre quelques avantages supplémentaires mentionnées dans une newsletter confidentielle que le site Internet du département ne précise même pas : "Il permettra l’accès gratuit aux collections permanentes et expositions temporaires, en visite libre comme en visite guidée, dans le musée dans lequel il a été acquis. Il donnera droit à un tarif réduit pour l’ensemble de l’offre culturelle de ce musée (conférences, concerts et récitals, projections, contes lectures, ateliers, cours d’histoire de l’art) ainsi que pour l’ensemble des prestations des 2 autres musées départementaux". Fort bien. Mais est-ce vraiment avantageux quand les conférences et lectures, quand elles sont payantes, le sont aux tarifs de 3€ (1,50€ en tarif réduit) incluant l’accès au musée qui les accueille et que d’autres sont proposées gratuitement ! Les cours (multimédia à Sceaux, jardinage théorique à la Maison de Chateaubriand) coûtent, eux, entre 3 et 5€. Le Pass, finalement, ne va concerner qu’une infime minorité de personnes, celles localement qui participaient à peu près à toutes les activités proposées, comme au cycle de cours d’Histoire de l’art donné au Château de Sceaux depuis 2010 pour 15 €.
Dommage, pour finir, que le Pass n’inclue pas non plus des avantages incitatifs pour accéder aux autres espaces culturels et temps forts du département : théâtres, cinémas, festivals... pour ainsi décloisonner les genres et offrir au(x) public(s) des passerelles de l’un à l’autre.
LES TROIS MUSÉES DÉPARTEMENTAUX DES HAUTS-DE-SEINE
• Maison de Chateaubriand www.maison-de-chateaubriand.fr
• Musée de l’Île-de-France www.domaine-de-sceaux.fr
• Musée-jardin Albert-Kahn www.albert-kahn.fr
[1] « Au musée d’Ile-de-France, la gratuité, c’est fini » par Anne-Sophie Damecour, LE PARISIEN 92 | 29.01.11. C’est nous qui avons signalé le fait au Parisien et la journaliste nous a ensuite appelé à ce sujet, bref.
[2] Il semblerait qu’avant mars 2005, les tarifs du musée étaient les suivants : tarif plein 3,30€, tarif réduit 2,20 € (pour tous, le dimanche). A confirmer.
[3] « Combats pour le patrimoine - Souvenirs 1948-2008 » par Georges Poisson, éd. Pygmalion, 2009. Ce livre retrace la carrière de conservateur de G. Poisson à qui le domaine de Sceaux doit énormément. Engagé dans de multiples combats pour la défense du patrimoine, ce récit plein d’intelligence et d’humour fourmille d’anecdotes et d’informations et nous promène dans toute l’Ile-de-France. On apprend ainsi que le nom de musée de l’Île-de-France a été trouvé dans les années 1930 par le maire de Châtenay-Malabry qui n’était autre que le petit-fils de Karl Marx ! L’ouvrage est aussi intéressant pour la vision du métier de conservateur et son évolution ces dernières décennies.
[4] Musée de l’Île-de-France.
Tarif réduit sur présentation d’un justificatif : Demandeurs d’emploi et allocataires du RSA, familles nombreuses, seniors à partir de 60 ans, jeunes de 12 à 18 ans, enseignants, groupes (hors groupe scolaire).
Gratuité sur présentation d’un justificatif : handicapés et leur accompagnateur, moins de 12 ans, journalistes, étudiants, agents du département des Hauts-de-Seine en activité ou retraités.
[5] « VALLÉE-CULTURE - Musées et jardins des Hauts-de-Seine » n°9 - janvier/février 2011.
[6] Le musée-jardin Albert-Kahn (+ exposition) a vu son prix augmenter en 2010 de 1,50 à 3€. Quant à la Maison de Chateaubriand, si son prix baisse de 4,50 à 3€, le tarif à 1,50€ les dimanches et jours fériés disparaît. Son parc reste gratuit.