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Que reste-t-il de l’impressionnisme ? La réponse radicale du festival Normandie impressionniste

Bernard Hasquenoph | 5/06/2024 | 14:52 |


Pour les 150 ans de la naissance du mouvement impressionniste, loin de toute nostalgie, la Normandie célèbre « l’esprit d’innovation » de ces pionniers de l’art moderne indissolublement liés à la région, les faisant entrer en résonance avec la création contemporaine la plus pointue.

-  Dans la vallée des usines
-  Un esprit d’invention toujours vivant
-  Un impressionnisme contemporain
-  Sources d’inspirations partagées
-  Un train dans la campagne
-  Écolos les impressionnistes ?
-  Infos pratiques

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Thomas Teurlai

05.06.2024 l CE SONT DEUX COLONNES DE CULTURE AÉROPONIQUE tournant sur elles-mêmes, constituées de fûts de plastique bleu de récupération, éclairées de Led et humidifiées régulièrement, le tout protégé par des rideaux de plastique transparent. De prime abord, difficile de deviner le rapport entre l’impressionnisme et l’exposition personnelle de Thomas Teurlai, 36 ans, au SHED, espace d’art contemporain installé dans l’ancienne filature Gresland de Notre-Dame-de-Bondeville.

Surnommée « l’usine des champs » parce que construite en pleine campagne en 1866, on y fabriquait des mèches à bougie en fil de coton. Sa vertigineuse cheminée culminant à 50 mètres, a été érigée en 1875, un an après la première exposition des impressionnistes à Paris dont on fête cette année les 150 ans. Elle est la rare rescapée (mais toujours non protégée !) des usines de la vallée du Cailly surnommée pour cela la « petite Manchester ». Un coin que Claude Monet connaissait bien, son frère Léon, chimiste en couleurs, ayant travaillé dans des usines de deux villes voisines, Déville-lès-Rouen puis Maromme (où le SHED dispose d’un second lieu d’exposition). C’est là qu’il habitait, recevait son frère parmi d’autres peintres qu’il collectionnait, comme leur ami commun, Camille Pissarro, particulièrement inspiré par cette « vallée aux cent cheminées ».

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Exposition de Thomas Teurlai au SHED, site Gresland

L’exposition contemporaine, qui fait partie du festival Normandie impressionniste, se mérite. Pour y accéder, il faut contourner le vaste complexe en briques rouges reconstruit pour partie dans les années 1930, que se partagent plusieurs occupants. Rien à voir avec du patrimoine industriel recyclé en lieu d’art et aseptisé. L’ambiance est plutôt à la friche, entre herbes folles, sol défoncé et matériels épars. Point commun avec les impressionnistes s’organisant en coopérative pour exposer, le SHED, indépendant et privé (mais largement subventionné), a été créé en 2015 par un groupe d’artistes et de curateurs qui ont acquis 1400 m2 de hangars pour mener à bien des projets expérimentaux. De fait, la proposition semblera assez radicale à un public peu familier de l’art contemporain. Elle est symptomatique d’une jeune génération d’artistes inquiète du réchauffement climatique, alliant technologie et végétal.

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Usine de Gresland, Notre-Dame-de-Bondeville l Entrée du SHED

Outre les deux colonnes de culture aéroponique, l’exposition intitulée « Une autre fin du monde est possible », présente d’autres sculptures-machines parmi lesquelles des ventilateurs de plafond aux palmes remplacées par des rhombes, instrument à vent ancestral de communication avec les morts, lestés de paires de baskets ; une armoire électrique alimentée par un système à base de jus de betterave ; 220 piles voltaïques baignant dans un liquide, « bleu comme l’indigo dont on teignait le tissu dans les filatures rouennaises » explique la commissaire Julie Faitot, emplissant les goulottes du local par où passaient les conduits électriques… Un intriguant laboratoire de fortune post-apocalyptique, auto-suffisant, poétique et fonctionnel.

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Exposition de Thomas Teurlai au SHED, site Gresland

C’est là que surgit un jeune homme de près de 80 ans, Philippe Piguet, bel arrière-petit-fils de Claude Monet, à savoir petit-fils de Germaine Hoschedé, belle-fille du peintre par le remariage de sa mère, Alice, avec lui. A la fin des années 1950, il passa des moments de son enfance à Giverny. Porteur d’une partie de la mémoire de cette grand famille recomposée, féru d’art contemporain et critique d’art, il est commissaire général du festival Normandie impressionniste pour la seconde fois. Avec lui, pas question de sombrer dans la nostalgie, de laisser ce courant artistique majeur dans la naphtaline et de le renvoyer à une forme de mièvrerie qui lui est parfois associée, à l’image des produits dérivés que l’on trouve dans les boutiques des mêmes musées censés le faire connaître.

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Germaine Hoschedé et Claude Monet entourant le couple Durand-Ruel à Giverny, 1900 l Boutique de sa maison, Giverny, 2022

« L’impressionnisme est le premier mouvement d’avant-garde constitué de l’histoire de la modernité », aime-t-il à rappeler. Pour Philippe Patel, directeur du festival, « de nombreux artistes contemporains, sans forcément s’en revendiquer spontanément, puisent volontiers dans l’impressionnisme une énergie particulière, connectée à la nature, au réel et à l’instant ». Pour cette cinquième édition du festival, c’est l’« esprit d’invention » de ces artistes pionniers qui est mis en avant, leur capacité à heurter les conventions et à réinventer l’approche picturale en puisant dans les recherches scientifiques sur l’optique de Michel-Eugène Chevreul, prélude à l’abstraction. « Porté par cet esprit d’invention, le même objectif anime la création artistique contemporaine », conclue Philippe Piguet. Que le public soit bousculé, c’est donc un minimum.


UN ESPRIT D’INVENTION TOUJOURS VIVANT
Ce n’est pas le président du festival qui dira le contraire, lequel n’est autre que Joachim Pissarro, descendant direct du peintre, qui a mis du temps à comprendre à quel point l’impressionnisme était synonyme de jeunesse, à tous points de vue. Lui ne jure que par le minimalisme, et reste épaté par l’invention du sérialisme par un Monet peignant frénétiquement la façade de la cathédrale de Rouen à toutes les heures du jour et de la nuit. Le monument, dans le cadre du festival, est l’objet le soir d’une projection intitulée « Star and Stone : a kind of love… some say » (« Astre et roc, une sorte d’amour… comme ils disent »).

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L’une des cathédrales de Monet, MuMa, Le Havre l La cathédrale de Rouen

Le public des beaux jours, friand de ce genre de spectacle, sera sans doute décontenancé cette année. Car le genre a été renouvelé par une signature internationale inattendue pour ce type d’événement populaire, le metteur en scène américain très expérimental Bob Wilson. Lequel a fait appel à des pointures de sa galaxie personnelle : musique de Philipp Glass, texte de la poétesse noire américaine engagée Maya Angelou lu, pour la partie française, par l’actrice Isabelle Huppert parfaite dans l’exercice. Hélas, le résultat global n’est pas à la hauteur de la promesse. Si, visuellement, quelques passages s’avèrent spectaculaires et séduisants, notamment les scènes de destruction, le fil, de 25 mn, est décousu et le message, si l’on ne connait pas l’autrice Angelou, reste abscons.

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Star and Stone : a kind of love… some say, Bob Wilson, cathédrale de Rouen

Tout aussi hermétique si l’on ne connaît pas le film de Tarkovski mais plus enchanteur, l’opéra Stalker surprend, à l’abbatiale Saint-Ouen, toujours à Rouen, par son dispositif scénique. Le public, équipé de casques audio, d’abord assis sur des gradins, est invité à suivre les trois artistes lyriques et à déambuler avec leurs musiciens dans la belle église, pour un voyage en science-fiction. On se croirait dans une BD futuriste. En revanche, ne cherchez pas le lien avec l’impressionnisme... L’innovation ?

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Opéra Stalker, abbatiale Saint-Ouen, Rouen

L’attrait pour la science est une dimension que l’on retrouve dans nombre des 150 propositions de ce festival. L’autre exposition du SHED à Maromme, « Rondes de nuit » par Géraldine Py & Roberto Verde, met en scène des robots, installation ou films, s’immisçant dans les égouts bruxellois ou dans la centrale logistique des Galeries Lafayette. Au Centre photographie Rouen Normandie, avec « Former l’hypothèse », Laurent Millet expose plusieurs de ses séries puisant dans un imaginaire scientifique avec la nostalgie du temps de la Renaissance où art et science se confondaient, dont une dernière, conçue pour l’occasion, se focalise sur des éléments orphelins des modèles anatomiques humains et végétaux du célèbre, et normand, docteur Auzoux.

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Former l’hypothèse, Laurent Millet, Centre photographie Rouen Normandie

Magnifiques sculptures de papier mâché qu’il commercialisait au 19e siècle essentiellement pour les écoles et conservées, pour beaucoup, au musée de l’Écorché d’anatomie du Neubourg où le photographe a exploré les réserves, mais aussi au musée national de l’Education à Rouen. Isolées de leur contexte, ces pièces aux formes étranges se révèlent inidentifiables pour qui n’est pas botaniste ou anatomiste, magnifiant la nature créatrice.


UN IMPRESSIONNISME CONTEMPORAIN
Désarçonné, peut-être, par ces expositions, le public se repliera sur des propositions plus faciles d’approche, sans perdre en qualité pour autant. A la galerie Duchamp d’Yvetot, le peintre sexagénaire Marc Desgrandchamps dévoile ses toiles d’un bleu rassurant, certaines inspirées des paysages alentour donnant sur la mer et de la lumière normande qu’il qualifie d’« un peu crayeuse ». Au Hangar 107 de Rouen, le britannique Oliver Beer expose le résultat d’une drôle d’expérience. Pour se confronter à la série des Nymphéas de Claude Monet, il a plongé un capteur de sons dans le bassin même de Giverny. Puis, dans son atelier, il a diffusé l’enregistrement sous des toiles recouvertes de poudre colorée qui s’est répartie sous l’effet des vibrations. Une peinture aléatoire et mécanique qui, étonnamment, dessine des ronds dans l’eau.

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M.Desgrandchamps, galerie Duchamp, Yvetot l O.Beer, Hangar 107, Rouen

S’inspirant également de Giverny et du Calvados où il a élu résidence depuis 2019, le peintre britannique David Hockney, 86 ans, expose sa production la plus récente au musée des Beaux-Arts de Rouen en dialogue avec ses collections, sous le titre facétieux de « Normandism ». Les politiques à la tête du festival, Hervé Morin ou Nicolas Mayer-Rossignol, s’enorgueillissent, dans leurs éditos, d’accueillir l’un des peintres vivants les plus célèbres au monde, dans leur région. Des toiles naïves et touchantes vu le grand âge de l’artiste si sympathique, mais très éloignées de l’hyperréalisme qui a fait sa gloire dans les années 1960, certaines créées par iPad. Plus réussie selon moi, sa galerie de portraits (dont le sien) de connaissances et de proches, jusqu’à son jardinier sur un motoculteur. On sent toute la frénésie visuelle du peintre toujours en alerte.

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Exposition Normandism, David Hockney, musée des Beaux-Arts, Rouen

Un peu à part, à l’abbaye de Jumièges chère à Victor Hugo pour ses ruines romantiques, Laurent Grasso ne pouvait que succomber, lui dont toute l’œuvre semble annoncer une catastrophe imminente. Dans la nef sans voûte de l’église, il a disposé des nuages en cuivre lourds sur un tapis végétal noirci. Le nuage, alliance de légèreté et de menace, est un motif récurrent dans son oeuvre. Ça et là, flammèches et yeux en néons s’accrochent à la pierre.

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Laurent Grasso, abbaye de Jumièges

Plus haut dans le parc, le logis abbatial, plongé dans une semi-obscurité, laisse deviner d’anciennes œuvres de l’artiste cohabitant sans problème avec des sculptures médiévales déjà présentes. Certaines, pastichant volontairement l’art ancien, pourraient même passer inaperçues, si quelques éléments contemporains ne venaient troubler la perception, comme un méga nuage envahissant une tapisserie d’Aubusson. Concernant la Normandie, Laurent Grasso annonce vouloir installer un atelier à Varengeville-sur-Mer, montrant l’attractivité toujours forte de la région pour les artistes.


SOURCES D’INSPIRATION PARTAGÉES
Mais que le public se rassure, le festival Normandie impressionniste propose aussi et toujours des expositions patrimoniales. A commencer par la belle exposition « Whistler, l’effet papillon » au musée des Beaux-Arts de Rouen. Mais attention, ce n’est pas une rétrospective du peintre américain comme on pourrait le croire mais une exposition qui s’intéresse à la fascination que ce contemporain des impressionnistes a exercé sur son époque et auprès d’autres artistes dont les oeuvres constituent l’essentiel de ce qui est présenté.

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Exposition Whistler, l’effet papillon, musée des Beaux-Arts, Rouen

Plus liée aux impressionnistes, la formidable exposition « Photographier en Normandie (1840-1890). Un dialogue pionnier entre les arts » au MuMa du Havre. Confrontés, il devient évident que l’avènement de la photographie éloigne les peintres du souci de reproduction mimétique de la réalité. L’impressionnisme ne pouvait naître qu’à ce moment. Puisant dans une même culture visuelle, photographes (dont une rare femme au souvenir exhumé, Stéphanie Brisson) et peintres partagent de nombreuses sources d’inspiration, attiré·es pareillement en Normandie pour sa lumière et ses ciels changeants, comme pour sa proximité avec la capitale et, dans l’autre sens, avec l’Angleterre : le portrait, le spectacle de la mer, la vie naissante du tourisme à la plage, l’agitation des ports, la beauté des monuments… On est surpris du traitement similaire de tel ou tel sujet, jusqu’au cadrage parfois, les photographes précédant souvent les peintres. C’est le cas de scènes de plage par le peintre Eugène Boudin et les photographes Hippolyte Bayard et Bertall.

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Scène de plage à Trouville, E.Boudin, v.1865 l Estivants sur la plage d’Etretat, H.Bayard & Bertall, v.1855

Passée l’éclosion de ce nouveau média confronté au départ à de sacrés défis techniques, les photographes ont très vite des prétentions artistiques. Le jeu des vagues et la silhouette des bateaux sur la mer captent leur attention, et celle du public. « Le Brick au claire de lune » par Gustave Le Gray, en réalité prise en plein jour en 1856, eut un succès phénoménal. C’est l’occasion de rappeler que le célèbre tableau de Monet, « Impression, Soleil levant », qui donna son nom au mouvement artistique de l’impressionnisme, a été peint en 1872 au Havre, depuis le port dont on découvre l’apparence d’avant les bombardements du 20e siècle, avec l’hôtel de l’Amirauté où il avait installé son chevalet.

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Vue du port du Havre, Onésippe Aguado, 1863 l Le Brick au claire de lune, Gustave Le Gray, 1856

Quarante ans avant que Monet prit pour modèle la cathédrale de Rouen, celle-ci avait été immortalisée grâce au procédé photographique, avec d’autant plus de valeur quand il s’agit de daguerréotypes signés de l’amateur d’art John Ruskin en 1854. Les monuments étaient très prisés des photographes, la Normandie ayant évidemment été explorée par la fameuse Mission héliographique de 1851, commande publique de la jeune Commission des monuments historiques. La première photo de l’abbaye de Jumièges date de 1852, prise par le fils de son nouveau propriétaire qui la sauvera.

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F.Bidet, 1867-70 l H.Lepel-Cointet, 1852 l J.Ruskin, 1854

On peut être étonné de l’apparence de certaines icônes, comme le Mont-Saint-Michel que l’on découvre sur un cliché de 1867 sans sa flèche créant pourtant toute sa silhouette, celle-ci construit seulement trente ans plus tard.


UN TRAIN DANS LA CAMPAGNE
L’une des dernières sections de l’exposition est particulièrement intéressante au regard des impressionnistes. Elle aborde la photographie documentaire qui fixe la mémoire des grands travaux qui, avec l’avènement de l’ère industrielle, transforment les paysages normands à partir des années 1850. Tandis que les uns captent avec nostalgie ce qui disparaît, les autres enregistrent sans effet esthétique les machineries, souvent sur commande des autorités, comme le fait Jules Camus pour un engin creusant la ligne du futur chemin de fer entre 1855 et 1858. On sait à quel point la locomotive deviendra un motif de fascination pour Monet, comme le montre « Train dans la campagne » accroché en regard de ces photos techniques, parfaite illustration de cet apparent paradoxe des impressionnistes séduits pareillement par la nature et l’industrialisation.

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C.Monet, 1870 l J.Camus, 1855-58

Il faut d’ailleurs rappeler, ce que beaucoup ignorent, que le jardin du peintre à Giverny, ou plutôt ses deux jardins clos de murs, étaient traversés par une ligne de chemin de fer en fonction de son vivant. Ne subsiste que la route départementale qui la longeait, dite le Chemin du Roy. C’est d’ailleurs depuis un wagon de ce train que Monet découvrit le « Clos normand » qui allait devenir sa dernière demeure.

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Maison Monet à Giverny et la route, chemin du Roy, 05.2022

Difficile d’imaginer que la quiétude de ce cadre paradisiaque, vendu comme tel pour les touristes qui accèdent au jardin d’eau par un tunnel, était troublée, à intervalle régulier, par le bruit et la fumée d’une locomotive. Cependant, selon son grand ami Clemenceau, l’artiste « absorbé par le miroir de son étang, n’entendait même pas le train » [1].


ÉCOLOS LES IMPRESSIONNISTES ?
Dans le catalogue publié par le festival Normandie impressionniste, l’historien de l’art Olivier Schuwer consacre un article très pertinent à « l’impressionnisme face à l’écologie », montrant le malentendu qui entoure ce mouvement, associé pour le grand public comme pour les militant·es écolo « vandalisant » leurs oeuvres, à une nature encore préservée, sorte de « paradis perdu », alors que les impressionnistes peignaient sans état d’âme « un paysage déjà largement modifié par la révolution industrielle ». Quand la génération précédente des peintres de Barbizon dénonçait ses premiers effets, s’y opposant farouchement jusqu’à l’activisme, tel Théodore Rousseau à l’honneur en ce moment au Petit Palais, les impressionnistes s’en accommodaient, y trouvaient matière à peindre, du charme même, séduits par la silhouette des usines ou la fumée polluante des machines. On le voit par exemple dans cette toile représentant le port du Rouen peinte par Camille Pissarro en 1896, présentée dans l’exposition du MuMa.

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Le Massacre des Innocents, T. Rousseau, 1847 l Port de Rouen, C. Pissarro, 1896

Celui qui incarne le mieux cette ambivalence c’est Monet, autant dans son œuvre que dans sa vie. L’historien de l’art revient sur ses ambiguïtés et son curieux rapport à la nature quand il s’installe à Giverny à partir de 1883. S’il s’oppose à l’implantation d’une usine contre une promesse d’argent, c’est pour préserver sa source d’inspiration du moment. De même quand il paie pour retarder le démantèlement d’une meule... ou l’abattage d’arbres le temps d’une pose. « J’ai dû acheter des peupliers pour pouvoir les peindre », confie-t-il sobrement. Sinon, voir disparaître des arbres ne l’émeut pas plus que ça, contrairement à son épouse Alice qui défend ceux qu’il souhaite faire abattre dans son jardin pour parfaire sa composition.

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Bassin des nymphéas, Giverny, 05.2022

L’argent lui permet tout. Ainsi, il finance le goudronnage de la portion de route qui longe son domaine, pour qu’elle cesse d’amener de la poussière dans son jardin. Quand sa richesse ne lui permet pas d’obtenir satisfaction, il utilise d’autres ressources. Pour créer son bassin aux nymphéas, lui vient l’idée de détourner le bras d’une rivière, ce qui crée un conflit avec son voisinage de paysans et la mairie de Giverny qui y voient un risque d’altération de l’eau. Il utilise alors sa notoriété pour obtenir satisfaction directement auprès du préfet. La nature, il la modèle à sa guise, uniquement pour son projet pictural. Son sujet n’est pas la protection de l’environnement, même si peindre la nature contribue sans doute à la préserver. Olivier Schuwer parle avec justesse de « laboratoire artistique » concernant Giverny. Finalement, la jeune génération d’artistes contemporains mêlant technologie et végétal sont à l’image des impressionnistes, la conscience écologique en plus  :: Bernard Hasquenoph

FESTIVAL NORMANDIE IMPRESSIONNISTE 2024
22 mars - 22 septembre 2024
www.normandie-impressionniste.fr
#normandieimpressionniste

CATALOGUE OFFICIEL
« 150 ans de l’impressionnisme - Normandie impressionniste 2024 »
Beaux-Arts Editions, 39€, 180 p.
ISBN 979-10-204-0912-6

:: Bernard Hasquenoph | 5/06/2024 | 14:52 |

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NOTES

[1] Phrase citée dans Le jardin de Monet à Giverny – Histoire d’une renaissance, Gilbert Vahé, co-éditions Maison et jardins Claude Monet-Giverny – Gourcuff/Gradenigo, 2021.



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UNE CITATION, DES CITATIONS
« La fonction du musée est de rendre bon, pas de rendre savant. » Serge Chaumier, Altermuséologie, éd. Hermann, 2018
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