14.07.10 | IL Y A QUELQUES SEMAINES, dans le Forum du Centre, on a procédé à la destruction de la Poste qui rendait des services depuis vingt ans à des millions de visiteurs mais qui a préféré partir pour cause de non rentabilité devant un loyer en constante augmentation. En février dernier, au moment même où se programmait dans le plus grand secret la fermeture de ce service au public, la direction du Centre Pompidou louait un emplacement de près de 200m2 à un PMU high-tech au pied d’un immeuble qu’il possède à proximité. Cherchez l’erreur.
Acquis en 2004 sous la présidence de Bruno Racine pour environ 15 millions d’euros, le bâtiment est situé au 25 rue du Renard, à l’angle de la rue Saint-Merri [1]. Jusqu’alors en partie loué, ses sept étages abritent les locaux administratifs de la Bpi suite aux réaménagements de ses espaces pour l’an 2000, l’Association du Personnel du Centre Pompidou (APCP) et des locaux syndicaux. Achat déclaré d’utilité publique, le rez-de-chaussée était loué depuis des années à un marchand de produits culturels discount. On y achetait à bas prix CD, DVD etc. Celui-ci est-il parti devant un loyer devenu trop élevé ou pour raison personnelle ? on l’ignore. Toujours est-il que le symbole est là.
Avec ce PMU nouvelle génération, on passe à une autre dimension. Et à un autre univers. Car l’entreprise de paris hippiques a conçu cet « espace courses » ultra désigné (voir vidéo ci-dessous) pour dynamiser son image et renouveler sa clientèle. Disons plutôt pour ne pas la perdre, à l’aube de la guerre économique que génère déjà l’ouverture des jeux en ligne dont les gagnants ne seront certainement pas les gogo-joueurs mais bien les sociétés exploiteuses [2]. Au coeur de Paris, l’emplacement est stratégique, idéal pour profiter du flux continu de touristes et promeneurs qui déambulent autour du Centre Pompidou. Une magnifique vitrine.
« Ce nouvel espace - le premier du genre dans la capitale française, plonge le joueur dans un univers hippique, teinté de vert, à l’image du PMU », peut-on lire dans un post promotionnel...Construit en forme d’ovoïde, cet établissement de 170m² reproduit les codes d’un hippodrome, avec les stalles de départ et une lumière spécialement conçu pour recréer l’ambiance des courses". Les joueurs peuvent y valider normalement leurs bulletins et consulter en temps réel l’évolution des courses sur des écrans plasma. Mais le lieu a également vocation à servir de laboratoire pour étudier en direct le comportement des joueurs. C’est là que la carte PMU façon CB a été expérimentée plusieurs mois avant d’y être inaugurée en mai, comme pour un vernissage, avec les membres de l’Union de la Presse Hippique (UPH). Finalement, c’est presque une galerie d’art.
Pour le Centre Pompidou, on le voit, l’argent n’a pas d’odeur. Ces loyers commerciaux qu’on imagine substantiels viendront se rajouter aux recettes de gestion comportant les loyers des logements de fonctions - dont, suppose-t-on, celui du président Alain Seban rue de Venise qui avait fait polémique avec ses 203 000 € d’argent public pour rénovation -, des loyers des studios d’artistes - où ça ?! -, des facturations liées aux locations d’espaces, etc [3].
Reste l’emplacement de la défunte Poste à l’intérieur du Centre. Que prévoit d’y mettre sa direction ? Officiellement, pour l’instant, rien. Mais à l’heure du risque de coupes budgétaires qui pèsent sur toutes les grandes institutions culturelles, pour ces grands cadors, d’odeur l’argent en aura certainement de moins en moins. Aussi on imaginerait bien là un mini casino avec des machines à sous. Customisées par un artiste comme Jeff Koons, ça devrait passer. Ou par Karl Lagerfeld, de Coca Cola à Libération, en ce moment il accepte tout.
J’aime bien. Je fréquente les PMU et aussi les musées.
[1] 14,5 M€ hors frais d’acquisition, intérêts des emprunts et amortissements (Rapport d’activité 2004 du Centre Pompidou).
[2] Visiblement ça commence bien pour le PMU avec, en juillet 2010, une multiplication par quatre de ses clients en ligne.
[3] Rapport d’activité 2008 du Centre Pompidou.