04.10.10 | D’UNE SEULE VOIX, suivant l’AFP qui n’a pas même interrogé le premier intéressé, en l’occurence l’artiste Avdeï Ter-Oganian, les médias français ont décrété que la censure levée, l’affaire de l’exposition d’art contemporain russe qui doit se tenir prochainement au Louvre était réglée. Rien n’est moins sûr. Il suffisait simplement de se mettre à l’écoute de celui par qui le scandale est arrivé - ce que nous avons fait aussitôt ainsi que France 24 -, pour constater que l’artiste réfugié à Prague appelle toujours au boycott, même si ces oeuvres ont maintenant l’autorisation du gouvernement russe pour rejoindre la France. Fidèle à sa lettre ouverte initiale adressée au Louvre, Avdeï Ter-Oganian refuse maintenant d’exposer tant que le cas de son collègue artiste Oleg Mavromatti n’est pas réglé. Ce dernier, qui ne fait pas partie des invités du Louvre, est réfugié en Bulgarie depuis dix ans pour une action artistique aussi controversée que celle qui a valu l’exil à Ter-Oganian. Mavromatti se retrouve depuis peu sans-papiers, le consulat russe de Sofia refusant de lui renouveler son passeport. Menacé d’extradition vers la Russie, il y risque la prison (+ d’infos).
Dans les vidéos ci-dessous tournées il y a quelques jours par un français à Petrozavodsk, en Russie, le photographe Yuri Palmin témoigne sur cette affaire. Même si le son est très mauvais, il est intéressant de l’écouter (il parle en anglais et est traduit en français) puisqu’il connaît manifestement bien les protagonistes, le contexte comme la scène artistique russe contemporaine. Ainsi présente-t-il l’exposition à venir au Louvre comme un événement important politiquement pour la Russie puisqu’elle sera une manière, pour ce pays, de montrer qu’il y a maintenant « de la démocratie dans l’art » et plus de censure. Raté ! En souriant, Yuri Palmin va jusqu’à parler de propagande et, pour certains artistes exposants, d’un art officiel russe. Il évoque Avdeï Ter-Oganian, son oeuvre qu’il apprécie, sa fuite à l’étranger pour échapper à l’arrestation puis Oleg Mavromatti, son exil en Bulgarie, son travail artistique actuel (écrire la Constitution russe avec son sang, ce qui lui a valu d’être hospitalisé !) et sa situation administrative.
Le témoignage de Yuri Palmin tombe à pic alors qu’aujourd’hui un tribunal de Moscou a confirmé le verdict du procès de Andreï Erofeev et Youri Samodourov, deux organisateurs d’une exposition d’art contemporain, eux-aussi poursuivis et condamnés en vertu de l’article 282 du code pénal russe pour « incitation à la haine nationale et religieuse ». Cet article de loi est dénoncé comme un outil de répression de la dissidence, y compris artistique. Un groupe sur Facebook vient d’ailleurs de se créer de ce nom-là pour venir en aide à Oleg Mavromatti. L’exposition au Louvre « Contrepoint, l’art contemporain russe » s’annonce déjà aussi politique que l’était sa soeur plus classique « Sainte Russie » il y a quelques mois.