L’amicale année franco-russe ne doit pas masquer les procès en inquisition qui plongent la scène artistique russe contemporaine dans un climat de terreur diffuse, sur fond d’homophobie et d’antisémitisme.
Amnesty International lance une campagne pour le respect des droits humains en Russie comme d’autres organisations comme la FIDH. Un Collectif Off de l’Année France-Russie s’est également constitué. Nous nous y associons.
21.01.10 | LORS DE SES VOEUX au monde de la Culture, le 7 janvier 2010, Nicolas Sarkozy a évoqué la prochaine Année Croisée France-Russie avec en point de mire l’exposition « SAINTE RUSSIE » qui se tiendra de mars à mai au musée du Louvre. En la commentant en ces termes : « Je sais parfaitement que le thème a fait un peu grincer. Pour moi, je vois pas pourquoi ça a grincé... » [1]. Vraiment, le Président de la patrie des droits de l’Homme ne voit pas ?
En mars 2008, de manière plutôt isolé, dans un article publié sur notre site puis repris en version courte dans LIBÉRATION, nous nous étions interrogé sur le caractère éminement politique de la future manifestation culturelle examinée « au plus haut niveau » selon la propre confidence d’Henri Loyrette patron du Louvre. Exposition instrumentalisée diplomatiquement par les deux pays, avec en arrière-ban une Eglise orthodoxe russe ultra-réactionnaire dont on sait les liens très étroits qui l’unissent à la tête d’un Etat pourtant laïc et multiconfessionnel [2].
Ainsi, épisode stupéfiant dans la préparation d’une exposition d’art ancien s’arrêtant au XVIIIe siècle, on avait pu voir le patron du Louvre aller s’incliner devant Alexis II, Patriarche de Moscou et de toutes les Russies ! Pour, selon le haut dirigeant historien de l’art, mieux appréhender la « vocation initiale » d’oeuvres qui ne seraient sinon que des « objets de musée dans des vitrines » comme il s’en justifia maladroitement devant des journalistes russes plus qu’étonnés. De son côté Alexis II s’était réjoui du futur événement parisien pour affirmer, s’éloignant aussitôt des questions d’art ancien, que « la Sainte Russie ne fait pas partie du passé et qu’elle vit bel et bien aujourd’hui ».
Décédé depuis, cet ex-agent du KGB dit-on fut l’un des plus fervents soutiens à la politique de Poutine qui applaudissait chez lui, quand l’homme d’Eglise ne bénissait pas les armées en partance pour la Tchétchénie ou n’apportait son soutien au Kremlin après la tuerie de Beslan, les efforts inlassables pour « la formation d’une atmosphère morale saine dans la société ». Ce même Alexis II qui, en octobre 2007, la veille d’être reçu pour la première fois à l’Elysée par un Président français, en l’occurence Nicolas Sarkozy qui le couvrit d’éloges, avait dénoncé dans l’enceinte même du parlement de Strasbourg la « fracture funeste dans le lien entre les droits de l’homme et la morale » fustigeant au passage l’homosexualité rabaissée au rang de maladie au même titre que la kleptomanie.
Notre article n’eut, avouons-le, peu de résonnance. Si ce n’est dans les milieux intégristes qui déformèrent notre propos en nous prêtant la volonté ridicule de faire interdire l’exposition au Louvre [3]. Et manifestement auprès du Président de la République.
DES OEUVRES PRIVÉES DE SORTIE
Si le thème artistique de la « Sainte Russie » est évidemment tout à fait honorable - tout comme la religion orthodoxe et ses fidèles d’ailleurs -, digne d’une exposition et si riche esthétiquement, il nous semble juste malsain qu’une manifestation culturelle puisse être instrumentalisée pour des raisons politiques. Que le mythe de la Russie éternelle, celle aux racines chrétiennes, soit la vision esthétique que souhaitent imposer ses dirigeants à l’étranger et à l’intérieur de ses frontières ne fait aucun doute. D’autant plus qu’à l’époque de la rédaction de notre article, nous ne mesurions pas à quel point l’exposition du Louvre allait servir de paravent pour masquer le climat de terreur diffuse dans lequel est plongée depuis une dizaine d’années - depuis l’arrivée au Kremlin du clan Poutine en fait - la scène artistique russe contemporaine quand elle ose défier le pouvoir et une Eglise orthodoxe intimement liés. A certains égards, l’exposition « Sainte Russie » apparaît comme l’acte réparateur de la France d’un scandale qui frisa en 2007 l’incident diplomatique entre les deux pays à cause d’une exposition d’artistes russes à Paris que le gouvernement de Poutine tenta d’empêcher par tous les moyens la jugeant trop subversive.
On se souvient, en octobre 2007, de la vingtaine d’oeuvres qui, devant intégrer la fondation privée LA MAISON ROUGE à Paris pour l’exposition « SOTS ART – ART POLITIQUE EN RUSSIE DE 1972 À AUJOURD’HUI » avaient été interdites de sortie de territoire à la dernière minute. Pour raisons éthiques selon les autorités russes bien que la manifestation française ait été en partie financée par une organisation russe pro-gouvernementale. Oeuvres ayant pourtant déjà en partie fait l’objet d’une même exposition organisée en février 2007 par la Galerie nationale Tretiakov, le plus célèbre musée de Moscou, lors de la Biennale d’art contemporain.
Une des oeuvres incriminées était une photographie intitulée « L’ère de la miséricorde » signée du duo des Blue Noses (Les Nez Bleus) montrant deux militaires russes enlacés se roulant un patin. À l’instar du GUARDIAN britannique, le magazine français BEAUX-ARTS s’était empressé de mettre en Une l’oeuvre jugée « pornographique » par le ministre russe de la Culture Alexandre Sokolov qui avoua par ailleurs avoir « fait tout pour que l’exposition ne parte pas à Paris » [4]. Autres oeuvres censurées : toujours selon Sokolov, celles « ordurières des portraits d’hommes politiques dans des poses obscènes », des photomontages encore des Blue Noses ridiculisant des grands de ce monde dans des postures équivoques ; la vidéo des voeux annuels du Président agrémentés de rires par Vikente Niline qui valut son poste à une journaliste russe pour en avoir seulement parlé dans son magazine [5] ; « une installation du collectif PG composée d’affiches dénonçant les perversions de la nouvelle société russe, un cliché représentant l’artiste Vlad Monroe grimé en Hitler et une œuvre de Maria Konstantinova fusionnant l’étoile rouge au svastika » [6].
Tandis que Sokolov jetait l’anathème sur l’exposition qualifiée de « honte pour la Russie » et que Lidia Lovleva, pourtant directrice adjointe de la Galerie Tretiakov, parlait elle de « scandale sciemment organisé » et de « hooliganisme » [7], Alexandre Chaburov des Blue Noses faisait le constat qu’en Russie, où il vit toujours, « l’Etat commence à administrer la culture comme il le faisait sous Khrouchtchev » [8]. Tout en relativisant l’affaire : « Pendant la guerre froide, les artistes underground étaient vraiment victimes d’une persécution systématique et codifiée. Cela leur valait d’être considérés comme des héros par la société. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas et nous sommes en concurrence avec les clips de MTV. Cet incident est plutôt le fait de bureaucrates qui ne comprennent rien à l’art et font de nous des artistes underground malgré nous » [9].
DES ARTISTES CONTRAINTS À L’EXIL
Chaburov oubliait pourtant de citer le cas d’artistes plasticiens russes contraints, ces dernières années, de se réfugier à l’étranger pour échapper au fanatisme de groupes religieux sans que les autorités ne cherchent vraiment à les protéger. L’exemple le plus connu étant celui d’Oleg Yanushevsky exilé en Grande Bretagne en 2004 où il obtint le statut de réfugié. Sa famille et lui-même avaient eu à subir pendant plusieurs années un véritable harcèlement pour un travail artistique basé sur la création d’icônes modernes jugés blasphématoires : expositions vandalisées, agressions physiques, insultes antisémites, intimidations, etc [10].
Ou encore le cas plus controversé d’Avdei Ter-Oganian réfugié en République tchèque en 2002 après des menaces de mort et des poursuites en justice - les premières du genre « pour incitation à la haine religieuse » avec une menace réelle d’emprisonnement - pour une performance artistique très provocatrice qui consista en décembre 1998 à Moscou à pilonner en public des photos d’icônes traditionnelles à l’aide d’une hache pour dénoncer l’idolâtrie religieuse et l’influence grandissante de l’Eglise orthodoxe dans la nouvelle société russe libérée de la dictature soviétique. Depuis Berlin où il vit désormais, Avdei Ter-Oganian continue d’exposer régulièrement en Russie où il ne peut plus se rendre. On cite encore le cas d’Oleg Mavromatti, artiste multidisciplinaire, réfugié politique en Bulgarie depuis 2000 [11]. Sans compter tous les artistes russes ayant décidé d’eux-mêmes de s’installer à l’étranger pour pouvoir travailler sereinement. A-t-on déjà vu des artistes fuir une démocratie ? Un régime politique décrit récemment par le célèbre cinéaste Pavel Lounguine installé en France : « Nous sommes passés d’un totalitarisme à un autre, sans jamais évoluer vers la renaissance. Nous vivons aujourd’hui dans un Moyen Age déguisé en capitalisme... » [12].
Les artistes parvenant à échapper tant bien que mal à ce climat de terreur diffuse, les censeurs s’en sont alors pris aux organisateurs de manifestations culturelles commettant le crime de les exposer. A l’instar d’Andreï Erofeev (parfois orthographié Erofeïev), collectionneur et ardent défenseur de l’Art contemporain en Russie, commissaire de l’exposition SOTS ART tant à Moscou qu’à Paris et responsable, depuis 2002, du département « Nouvelles tendances » de la Galerie Tretiakov [13]. Déjà, lors de l’exposition version russe, Erofeev avait été contraint de retirer l’Icône-caviar d’Alexandre Kossolapov (voir photo) suite aux protestations d’un groupe de croyants et, selon un proche, sur la demande expresse du métropolite Cyrille, successeur d’Alexis II comme numéro un de l’Eglise orthodoxe.
L’ART INTERDIT RÉFUGIÉ AU MUSÉE SAKHAROV
Erofeev qui se retrouvait traîné en justice pour une autre exposition organisée en mars 2007, cette fois au musée Sakharov, au sein du Centre du nom du célèbre dissident créé pour rappeler « l’histoire des répressions politiques et de la résistance au totalitarisme en URSS » et pour contribuer à l’essor d’une société démocratique dans la Russie d’aujourd’hui. Le Centre Andreï-Sakharov n’étant absolument pas soutenu par l’Etat et aucun président russe n’y ayant jamais mis les pieds [14].
Intitulée « ART INTERDIT - 2006 », l’exposition posait la question de l’auto-censure, rassemblant une vingtaine d’oeuvres refusées par des musées et galeries moscovites pour leur contenu jugé trop subversif car s’en prenant frontalement au pouvoir, à l’armée, au poids de l’Eglise orthodoxe... Parmi elles, signée Alexandre Kossolapov une fausse publicité McDonald’s promotionnée par Jésus avec pour slogan « Ceci est mon sang », son Icône-caviar ou encore les photos du groupe PG d’une série intitulée « Gloire à la Russie », slogan des mouvements ultranationalistes russes, montrant une jeune femme nue se douchant avec du pétrole, un jeune soldat sodomisé par son officier par allusion à l’esclavage sexuel qui sévit dans l’armée ou une vieille babouchka obligée de ramasser ce qu’elle trouve par terre pour survivre. On y trouvait également la « Marylin tchétchène » des Blue Noses (voir photos).
Pour marquer leur statut d’oeuvres interdites, toutes avaient été présentées derrière un mur percé de quelques trous par lesquels on pouvait seulement les voir. À l’entrée, les organisateurs avaient pris la précaution de prévenir les visiteurs du caractère choquant qu’elles pouvaient revêtir pour certains publics, les moins de 16 ans n’étant pas admis et les photos interdites. En trois semaines, l’exposition gratuite et confidentielle reçut la visite d’un millier de visiteurs parmi lesquels l’épouse de l’ambassadeur de France. En marge de la manifestation artistique, des débats furent organisés sur les thèmes des « tabous sociaux et esthétiques » en Russie, de l’auto-censure, de la transgression dans l’Art, etc.
Mais, dans le même temps, l’exposition qualifiée de « fosse septique » par des membres de la Douma, le parlement russe [15], déclenchait la colère du mouvement nationaliste « Jeunesse orthodoxe unie » dirigé par Mikhaïl Nalimov et Dmitri Terekhov. Ces deux activistes connus aussi pour leur homophobie militante [16] appelèrent à manifester devant le Centre Sakharov contre une exposition jugée« blasphématoire » et anti-russe, réclamant ni plus ni moins la fermeture de ce « foyer de provocations » à la solde de l’étranger, trahissant par là-même la motivation essentiellement politique de leur action [17].
Egalement mis en cause dans cette affaire, Youri Samodourov, directeur du Centre Andreï-Sakharov. Si cet opposant déclaré à Poutine et à sa « parodie de démocratie » [18] avait décidé d’accueillir l’exposition « ART INTERDIT - 2006 » dans ce lieu hautement symbolique, c’était au nom de la défense du principe de la liberté d’expression. Face à la multiplication d’actes répressifs, parfois violents, à l’encontre de la scène artistique contemporaine émanant pour beaucoup des milieux orthodoxes et nationalistes : saccages de lieux d’exposition, harcèlements et agressions physiques contre des artistes, intimidations contre des galeristes, affiches et oeuvres retirées, plaintes en tous genres ... Le tout sur fond d’antisémitisme récurrent, comme en témoigne également Andreï Erofeev [19].
EXPOSITION SACCAGÉE, EXPOSITION CENSURÉE
Samodourov était d’autant plus sensibilisé à la question qu’il avait lui-même fait l’objet d’un procès et d’une condamnation pénale pour l’organisation de l’exposition « ATTENTION : RELIGION ! » réunissant en janvier 2003 au Centre Sakharov une quarantaine d’oeuvres d’artistes internationaux - on y trouvait certaines des oeuvres déjà citées - parmi lesquelles une icône sans visage où l’on pouvait glisser le sien comme dans les fêtes foraines(voir photo). Dans sa présentation, la manifestation faisait la distinction entre le fait religieux tout à fait respectable et l’intégrisme d’où qu’il vienne, dénonçant le fondamentalisme, phénomène politique à l’emprise croissante dans la société russe. Jusqu’à assimiler l’Eglise orthodoxe érigée en véritable religion d’Etat à un nouveau Politburo alors qu’elle-même avait eu à subir durant l’ère soviétique une persécution acharnée. L’exposition prônait la liberté de conscience, qu’on soit croyant ou athée, dans le respect des uns et des autres.
Au bout de seulement quatre jours, l’exposition avait été contrainte de fermer, l’espace ayant été saccagé par six individus armés de bâtons et de couteaux, les oeuvres détruites ou maculées de peinture, le tout taggé d’insultes antisémites. Individus arrêtés puis rapidement relâchés, identifiés comme proche du « Comité public pour la renaissance morale de la Patrie » créé en 1994 par l’archiprêtre Alexandre Chargounov pour lutter « contre la propagande en Russie, la débauche et le satanisme » avec la bénédiction d’Alexis II. Voyous impunis quand Samodourov, son assistante et une artiste furent poursuivis, eux, pour « incitation à la haine interethnique et inter-religieuse », l’exposition considérée par un député comme un « crime contre l’Eglise orthodoxe et le peuple russe » [20]. La quasi totalité des parlementaires votèrent un décret contre l’exposition excepté deux députés dont Sergei Yushenkov, chef du parti Russie libérale qui déclara : « Nous assistons à la naissance d’un état totalitaire dirigé par l’Église orthodoxe » (Il sera assassiné à Moscou, quelques semaines plus tard [21]). Le « Comité public pour la renaissance morale de la Patrie » fut particulièrement actif dans cette affaire, organisant rassemblements, pétitions à Poutine et suivant l’affaire de près sur son site Internet comme il le fera dans sa mobilisation contre le film « blasphématoire » Da Vinci Code ou contre la boisson « satanique » Red Devil Energy Drink.
Soutenus par des militants des droits de l’homme et Amnesty International prêt à les reconnaître comme prisonniers d’opinion s’ils avaient été emprisonnés, après un an de procès ponctué de processions religieuses, d’icônes et de crucifix brandis par des fidèles fanatisés, Samodourov et son assistante contre lesquels la procureur avait requis rien moins que des travaux forcés, l’interdiction à vie de poste administratif ainsi que la destruction des oeuvres déjà confisquées, furent en 2005 reconnus coupables d’avoir « semé la discorde religieuse et interethnique » et « seulement » condamnés à une amende de 100 000 roubles (2700 euros). L’artiste fut acquittée. Humour ou cynisme, cette relative clémence s’expliqua par « la participation active des accusés à l’activité culturelle et à la défense des droits de l’homme » dixit le tribunal. D’après Samodourov, c’est sur intervention directe de Poutine que le tribunal aurait fait marche arrière. Tout à fait probable, le Kremlin flattant un électorat ultra-conservateur en laissant opérer la justice, intervenant ensuite pour que la Russie ne paraisse pas trop répressive.
L’Eglise orthodoxe pour sa part se réjouit d’un jugement devant contribuer, selon les déclarations d’un de ses représentants, à ce que « les expositions pareilles qui offensent les sentiments des croyants ne se tiennent plus ». Samodourov pour sa part dénonça un procès « purement politique » [22] et fit plus tard savoir qu’il comptait saisir la Cour européenne des droits de l’homme.
L’événement perçu à l’époque dans les milieux intellectuels russes comme « le procès du siècle » posait la question de « savoir si la Russie [allait rester] un Etat laïque ou si elle [allait plonger] dans le précipice de l’obscurantisme clérical » comme le rapportait alors l’agence de presse RIA NOVOSTI [23]. Il se clôturait donc par une condamnation des plus ambigues.
AVEC LE SOUTIEN D’AMNESTY INTERNATIONAL
Mais la réponse est peut-être à chercher dans ce second procès en inquisition qu’endurent donc depuis 2007 Samodourov démissionnaire forcé du Centre Sakharov et Erofeev limogé depuis de la Galerie Tretiakov. Tout comme Valentin Rodionov, son directeur, qui avait osé attaqué en diffamation le ministre de la Culture suite à ses attaques contre la Galerie. Les deux organisateurs de l’exposition « ART INTERDIT - 2006 » sont poursuivis pour incitation à la haine religieuse et atteinte à la dignité humaine et risquent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Prison ferme pour le « récidiviste » Sadomourov.
Toujours ce même motif juridique qui détourne « la législation interdisant l’incitation à la la haine religieuse pour réprimer les voix critiques et dissidentes dans les arts » comme le dénonce l’association ARTICLE 19 (Lire ci-dessous). Une manière de restreindre la liberté d’expression pourtant inscrite dans la Constitution russe. Théoriquement, l’incitation à la haine religieuse est une disposition législative prévue pour garantir la liberté confessionnelle et protéger les minorités religieuses dans le cadre souvent de conflits interethniques, ce qui, remarque l’association, est rarement le cas en Russie. L’association distingue le caractère offensant que peuvent revêtir certaines des oeuvres incriminées de l’incitation à la haine et à la violence que la justice leur prête de manière abusive.
A l’origine de la plainte, Leonid Simonovitch-Nikchitch, président de l’Union des fraternités orthodoxes décoré en son temps par le Patriarche Alexis II, admirateur d’Hitler et antisémite revendiqué, avec pour fait d’armes un autodafé de livres d’Harry Potter jugés sacrilèges et Oleg Kassine, issu de la mouvance néofasciste, qui traque chez les artistes tout ce qu’il estime insultant à la Russie [24].
Un procès démarré en mai 2009 tellement inique que les deux hommes ont reçu le soutien d’organisations comme Human Rights Watch et Amnesty International (voir ci-dessous), l’organisation accusant les autorités de chercher à atteindre, à travers le musée Sakharov, « un espace de discussion sur des thèmes variés, notamment sur les droits humains »que l’on sait de plus en plus menacés en Russie [25] . Durant le procès, l’accusation a été autorisée à citer 162 témoins, la défense... deux.
En juillet 2009, à la veille d’une nouvelle audience, des artistes et des écrivains du monde entier ont écrit une lettre ouverte au président russe, Dmitri Medvedev, pour demander l’abandon des poursuites pénales engagées contre Youri Samodourov et Andreï Erofeev. L’initiative a été soutenue par Amnesty International [26]. Manifestement sans effet puisqu’on apprend par L’EXPRESS de cette semaine qu’Andreï Erofeev est « empêché de quitter Moscou par décision de justice, il dit craindre pour la sécurité de sa famille, laquelle fait l’objet de menaces. Depuis son limogeage, la galerie Tretiakov a créé un comité de surveillance, chargé de contrôler achats et expositions, et composé, entre autres, de représentants de l’Eglise orthodoxe » [27]...
L’ANNÉE FRANCE-RUSSIE SOUS DE BONS AUSPICES
Le 10 juin 2008, la ministre de la Culture française, Christine Albanel, dans son discours de lancement de l’année franco-russe, n’eut pas un mot pour ces atteintes répétées et inquiétantes à un des droits de l’Homme les plus fondamentaux, la liberté d’expression à laquelle la France est si attachée. A ses côtés, Alexandre Adveev, 62 ans, le nouveau ministre de la Culture russe, successeur de Sokolov depuis mai 2008, fin connaisseur de la France pour y avoir été ambassadeur de la Russie depuis 2002. Une nomination à la Culture qui a réjoui le représentant de l’Eglise orthodoxe en France, l’archevêque Innocent de Chersonèse, qui y a vu un encouragement pour que la France soit « le partenaire privilégié de la Russie en Occident à cause des liens anciens qui lient les deux pays » [28]. Comme Stanislas de Laboulaye, l’ambassadeur de France à Moscou, estimant que cette nomination était « fantastique pour la France » [29]. Le ministre de la Culture d’un Etat laïc qui n’a pas hésité, en janvier 2009, lors de l’intronisation du métropolite Cyrille comme numéro un de l’Eglise orthodoxe, à louer le « renforcement du rôle de l’Eglise dans la vie de la société russe » [30].
La France, un pays qu’effectivement Alexandre Adveev connaît bien pour y avoir été en poste, sous l’ère soviétique, dans la même ambassade comme simple fonctionnaire. Il assista, en 1983, à l’expulsion par l’oncle de l’actuel ministre de la Culture français François Mitterrand de 46 autres « diplomates » accusés d’espionnage dans le cadre de la fameuse affaire Farewell qu’il n’avait pas oublié quand il s’agit, en 2008, d’empêcher le tournage du film de Christian Caron en Russsie [31]. Un grand ami de la France. L’année franco-russe commence donc sous de très bons auspices. La France s’honorerait parallèlement à l’exposition « Sainte Russie » à prendre la défense des artistes russes réprimés, des oeuvres censurées et de ceux qui les exposent. Au nom du principe de liberté d’expression.
PROPOSITIONS D’ACTION
Pétition pour le respect de la liberté d’expression en Russie et soutien à Andreï Erofeev et Youri Samodourov à notre initiative : cliquez ici
Pétition d’Amnesty International France pour le respect des droits humains en Russie : cliquez ici
Exposition : Le jour même de l’inauguration officielle de l’exposition « Sainte Russie » au musée du Louvre le 2 mars 2010 par Dmitri Medvedev et Nicolas Sarkozy, se tiendra le vernissage d’une autre exposition dans une galerie proche du Louvre, à l’appel du Collectif du Off de l’année France-Russie. Nous nous y associons pour cette journée. Contact : contact@louvrepourtous.fr
INTERVIEW DE YOURI SAMODOUROV PAR GALIA ACKERMAN
Passionnante interview de Youri Samodourov par Galia Ackerman, spécialiste de la Russie et chef d’édition au service russe de Radio France internationale, publiée en automne 2007 dans la revue « Le meilleur des mondes » chez Denoël. Lire aussi la tribune de Galia Ackerman publiée dans LIBÉRATION le 22 juillet 2009 « L’art contemporain en procès à Moscou »
TRIBUNE D’ANDREÏ EROFEEV DANS BEAUX-ARTS
Le magazine français BEAUX ARTS, en août 2009, a donné la parole à Andreï Erofeev dans le cadre d’un dossier sur le thème « Art et censure ».
AMNESTY INTERNATIONAL SOUTIENT ANDREÏ EROFEEV ET YOURI SAMODOUROV
Déclaration publique d’Amnesty International : « Russie. L’Art contemporain relève de la liberté d’expression, pas de l’extrémisme » | 15.07.08
Et aussi :
Rapport : « Le musée et le centre public Andreï Sakharov » in « Liberté restreinte : le droit à la liberté d’expression en Fédération de Russie » | 02.08
Communiqués : « La Russie doit respecter la liberté d’expression des artistes » | 16.07.08 ; « Les organisateurs d’une exposition d’art en Russie accusés d’incitation à la haine » | 27.04.09 ; "Russie : des artistes et des écrivains soutiennent les organisateurs d’une exposition inculpés d’incitation à la haine | 24.07.09.
CAMPAGNE 2010 D’AMNESTY POUR LES DROITS HUMAINS EN RUSSIE
A l’occasion de l’Année croisée France-Russie 2010, ces deux pays ont pour objectif de renforcer leurs échanges en matière d’économie, de culture, de sciences et de sport.
Amnesty International France a décidé d’y ajouter la défense des droits humains en Russie et le soutien aux personnes qui, dans ce pays, luttent pour le respect des droits fondamentaux.
Pétition pour le respect des droits humains en Russie : cliquez ici
Sortie du livre « Droits humains en Russie - Résister pour l’état de droit », éd. Autrement, 10€ : + d’infos ici
Site Internet dédié : www.amnesty.fr/russie
CAMPAGNE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES LIGUES DES DROITS DE L’HOMME (FIDH)
A l’occasion l’année croisée France-Russie, la FIDH continue son travail de longue date sur les droits de l’Homme en Russie, en étroite coopération avec la société civile russe.
Rapports en ligne, missions d’enquête internationales, lettre ouverte au président Medvedev concernant la peine de mort...
www.fidh.org
RAPPORT DE L’ASSOCIATION « ARTICLE 19 » (EN ANGLAIS)
« ART, RELIGION AND HATRED - Religious Intolerance in Russia and its Effects on Art », Londres | 2005
Résumé du rapport en français sur un site canadien : cliquez ici
Fondée en 1987, l’association britannique « ARTICLE 19 » se bat partout dans le monde contre la censure, pour la liberté d’expression et le droit à l’information. Pour l’application de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme dont elle tire son nom et qui stipule : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit » www.article19.org
COLLECTIF DU OFF DE L’ANNÉE FRANCE-RUSSIE
Le 25 janvier 2010, le même jour que la conférence de presse officielle au Quai d’Orsay pour le lancement de l’année France-Russie, s’est tenue une autre conférence de presse au Press Club de Paris, celle du « Collectif du off de l’année France-Russie ». A cette occasion, sont intervenus :
Daniel Cohn-Bendit
André Glucksmann
Anna Stavitskaïa avocate des enfants d’Anna Politkovskaïa, de prisonniers d’opinion dont Andrei Erofeiev et Iouri Samodourov
Svetlana Gannushkina, membre de la direction de Mémorial et de l’ONG Assistance citoyenne (Grajdanskoïe Sodeïstviïe)
Alexei Simonov écrivain, cinéaste et président de la Glasnost Defence Foundation
Anton Drell, avocat de Mikhaïl Khodorkovski
2010 ANNÉE FRANCE-RUSSIE
Site Internet : cliquez ici
Exposition « Sainte Russie » au musée du Louvre : cliquez ici
[1] Citation complète : « Nous allons lancer le mois prochain l’Année Croisée France-Russie : la France sera fêtée en Russie en même temps que la Russie en France. L’exposition « Sainte Russie » au Louvre sera un des temps forts de cette Saison. Je sais parfaitement que le thème a fait un peu grincer. Pour moi je vois pas pourquoi ça a grincé et il m’apparaît d’ailleurs que créer au Louvre un département consacré aux arts des chrétientés d’orient, des empires byzantins et slaves, c’est un très beau projet. De la même façon que c’était un très beau projet de Jacques Chirac de créer le département des arts de l’Islam. C’est la vocation d’un musée universel comme le Louvre, c’est la mission d’un pays tel que la France, de s’ouvrir à toutes les cultures et de les accueillir toutes sur son sol. » Nicolas Sarkozy, voeux au monde de la Culture | 07.01.10. Aveux de l’ingérence des politiques dans la gestion des collections d’un musée national ! Est-ce vraiment leur rôle ?
[2] Sur les positions réactionnaires de l’Eglise orthodoxe, lire notre article « Le Louvre à genoux devant la Sainte Russie ». Et quasi obscurantiste sur certains sujets comme pour la lutte contre le Sida : pour en avoir une idée lire le communiqué « Le patriarcat de Moscou est solidaire avec la position du pape Benoît XVI sur les moyens de lutte contre le SIDA ».
[3] Rien d’étonnant à ce que des obsédés de la censure prêtent leur vice à quiconque s’en prend à ce qu’ils estiment leur appartenir.
[4] « L’expo »Sots Art« arrive en France après avoir été censurée à Moscou », NOUVELOBS.COM | 24.06.08
[5] « Bataille sur le front de l’art soviétique » par Béatrice de Rochebouët, LE FIGARO | 08.11.07.
[6] « Des œuvres privées de voyage » par Roxana Azimi, JOURNAL DES ARTS n° 267 | 19.10.07.
[7] Cité par Youri Samodourov dans interview ci-dessous
[8] Cité dans « Le »Sots« , art contestataire russe, interdit de sortie du territoire » par Harry Bellet, LE MONDE | 28.11.07.
[9] Cité dans « La Russie exporte sa censure » par Jean-François Guelain, LIBÉRATION | 17.10.07.
[10] « Oleg Yanushevsky : iconic russia artist finds asylum in London » by Andrew Jack | 12.05.07
[11] Rapport de l’association « ARTICLE 19 » ci-dessous ; « Oleg Yanushevsky : iconic russian artist finds asylum in London » by Andrew Jack | 12.05.07 : « Avdei Ter-Oganian Against the New Russian Idolatry » by Kirill Postoutenko | 11.11.99.
[12] PARIS MATCH n°3165 | 14.01.10, p.18.
[13] "Andrei Erofeev est né à Paris en 1956. Diplômé de l’université d’état de Moscou en histoire de l’art à 22 ans, il se spécialise alors sur le mouvement avant-gardiste Russe de 1910, il obtient son doctorat en 1984 en soutenant une thèse sur le rôle du groupe d’artistes Le monde de l’art dans le développement de la culture russe au début du XXe siècle. Egalement passionné par l’architecture, il est, entre 1982 et 1989, architecte et chercheur au sein du département d’histoire de l’architecture russe et soviétique de l’Institut de recherche sur la théorie et l’histoire de l’architecture de Moscou.
Directeur et conservateur en chef du département d’art contemporain du Musée national Tsaritsyno (annexe Tretiakov) depuis 11 ans (texte écrit en 2000, il en sera licencié en 2009), Andreï Erofeev a réalisé de nombreuses expositions en Russie comme à l’étranger et dévoilent ainsi ses multiples intérêts pour la culture française (23 images d’art français, Moscou, 1989 ; Philippe Perrin, Mon dernier Combat, Moscou, 1989), pour l’architecture et surtout pour la défense des avant-garde et de l’art non officiel et non-conformiste russe des années 60 à nos jours. Il a notamment été commissaire de l’Art soviétique contemporain, du dégel à la Perestroïka, au Setagaya Art Museum de Tokyo en 1991 ainsi que de l’exposition Les artistes non-conformistes en Russie de 1957 à 1995, qui s’est tenue à Ludwigshafen et Kassel en Allemagne en 1995, puis à Budapest en 1997. La même année, il est encore commissaire général de la 3e Biennale d’art contemporain de Cetinje au Monténégro. En 1999, il organise l’exposition L’art russe de l’abstraction au conceptualisme à Moscou et est co-commissaire, avec Jean-Yves Jouannais et Dimitri Konstantinidis, du Fou dédoublé, qui, après avoir circulé en Russie, est présentée au Château d’Oiron en juin prochain.
Il est également l’auteur de nombreuses publications parmi lesquelles : Les métamorphoses de l’avant-garde moscovite, Iskousstvo n°10, 1988 ; L’art non-officiel - les artistes soviètiques des années 60, Craftsman House, Australie, 1995, etc.
Aux travers de choix engagés, Andrei Erofeev cherche à montrer la vitalité et le renouveau de la scène artistique russe contemporaine et ses diverses orientations dans un contexte économique et politique perturbé." source ENSBA.
[14] Lire « Russie : le musée Sakharov tire la sonnette d’alarme », AFP | 16.11.07.
[15] « Le musée et le centre public Andreï Sakharov » in « Liberté restreinte : le droit à la liberté d’expression en Fédération de Russie », AMNESTY INTERNATIONAL | 02.08.
[16] Mikhaïl Nalimov et Dmitri Terekhov sont par ailleurs des activistes homophobes notoires, le second ayant appelé publiquement à « buter jusque dans les chiottes" les homosexuels paraphrasant Poutine parlant des »terroristes" tchétchènes. A l’occasion de la dernière tentative de Gay Pride à Moscou en mai 2009, ils participèrent au côté du maire de Moscou à une conférence de presse anti-Gay Pride.
[17] « Art et censure : un procès à suivre » par Fabrice Nodé-Langlois, blog ECHOS DE RUSSIE | 11 & 12.05.09 et « Rassemblement contre l’exposition blasphématoire Art interdit - 2006 » communiqué publié sur plusieurs sites Internet orthodoxes et nationalistes selon le Centre Sakharov.
[18] « Russie : le musée Sakharov tire la sonnette d’alarme », AFP | 16.11.07.
[19] Témoignage de Youri Samodourov dans l’interview ci-dessous ; rapport de l’association « ARTICLE 19 » ci-dessous ; BEAUX-ARTS MAGAZINE n°302 | 08.09.
[20] Deux autres artistes furent également poursuivis en justice dans cette affaire mais de nationalité arménienne, ils réussirent à regagner leur pays.
[21] « Orthodox Bulldozer » par Konstantin Akinshaï, ARTNEWS.COM | 26.04.04.
[22] « Les organisateurs de l’exposition »Attention, la religion !« sont reconnus coupables », KOMMERSANT cité dans « Revue de presse », RIA NOVOSTI | 29.03.05.
[23] « Conflit entre les défenseurs des droits de l’homme et l’Eglise » par Vladimir Simonov, RIA NOVOSTI | 24.03.05.
[24] « Art et censure au centre d’un procès à Moscou » par Fabrice Nodé-Langlois, LE FIGARO | 12.05.09.
[25] Rapport d’Amnesty Internatioal : « Le musée et le centre public Andreï Sakharov » in « Liberté restreinte : le droit à la liberté d’expression en Fédération de Russie » | 02.08. Lire ci-dessous
[26] "Monsieur le Président Medvedev,
Nous, artistes et écrivains reconnus à l’échelle internationale, vous écrivons pour vous faire part de notre inquiétude quant à l’inculpation d’Andrei Yerofeev, critique d’art et ancien responsable du département d’art contemporain de la galerie Tretiakov, et de Yuri Samodurov, ancien directeur du musée Sakharov, en lien avec l’exposition « Forbidden Art 2006 » qu’ils ont organisée du 7 au 31 mars 2007 au musée Andreï Sakharov à Moscou.
Comme vous le savez, cette exposition a réuni un certain nombre d’œuvres d’art qui avaient été refusées dans d’autres expositions ayant eu lieu en 2006. Toutefois, certaines de ces oeuvres, dont quelques-unes créées par des artistes contemporains russes les plus en vue tels que Ilya Kabakov, Aleksandr Kosolapov, Aleksandr Savko et Mikhail Roginskii, avaient déjà figuré dans d’autres expositions d’art contemporain en Russie et dans le monde.
Nous pensons que cette exposition avait pour but d’encourager le débat sur la censure de telles œuvres. Nous sommes profondément inquiets et choqués par l’accusation « d’incitation à la haine » qui ne tient nullement compte des garanties concernant la liberté d’expression édictées par la Constitution russe. Le droit international relatif aux droits humains ne permet pas, et requiert encore moins, de restreindre ou d’interdire la liberté d’expression au seul motif que certaines personnes se sentent offensées par des opinions exprimées.
La Russie est un pays laïc dans lequel, aux termes du droit en vigueur, chacun dispose de la liberté de choisir, avoir ou émettre des convictions religieuses, de pratiquer une religion ou d’être athée. Le droit international n’autorise pas non plus à restreindre l’expression d’opinions ou de convictions s’écartant de la foi religieuse de la majorité de la population ou de la religion prescrite par l’État.
Nous refusons de croire qu’une exposition puisse inciter à la haine. Même si une partie des personnes qui ont choisi de visiter l’exposition a pu être choquée par certaines des œuvres, cela ne signifie pas que ces dernières insultent une croyance particulière ni incitent à la haine. L’art est un langage vital pour la culture contemporaine, essentiel pour une compréhension plus complète du monde actuel. L’art peut servir de tribune pour exprimer des opinions critiques. Et l’art peut bien sûr être provocateur. La liberté artistique est partie intégrante de la liberté d’expression et constitue un indicateur fiable du degré de liberté dans l’ensemble d’une société.
Nous sommes convaincus qu’Andrei Yerofeev et Yuri Samodurov ne devraient pas être poursuivis en justice et nous demandons instamment aux autorités russes de respecter leur droit à la liberté d’expression.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos salutations les plus respectueuses.
Galia Ackerman (journaliste et essayiste, France) Roddy Doyle (écrivain, Irlande) Boris Groys (professeur et critique d’art, Allemagne) Enrique Juncosa (Directeur du Musée d’Art moderne de Dublin, Irlande) Ilya et Emilia Kabakov (artistes russes, Etats-Unis) Julia Kisina (artiste, Ukraine) Azar Nafisi (universitaire et écrivaine, Iran) Peter Sis (écrivain, artiste, illustrateur, République Tchèque) Tom Stoppard (auteur de pièces de théâtre, Royaume-Uni) Ludmila Ulitskaya (écrivaine, Russie) Igor Golmostock (critique d’art, Royaume-Uni) Arnon Grunberg (écrivain, Hollande) Jukka Mallinen (écrivain, traducteur, président du Finnish Pen de 2006 à 2009, Finlande) Jussi K. Niemelä (rédacteur en chef, philosophe, Finlande) David Pollock (président de la Fédération Humaniste Européenne, Royaume-Uni).
[27] « Russie : des artistes créateurs et provocateurs » par Annick Colonna-Césari et Axel Gyldèn, L’EXPRESS | 11.01.10
[28] « Mgr Innocent espère que la nomination d’A. Avdeev comme ministre de la culture renforcera les liens entre la France et la Russie », communiqué de l’Église orthodoxe russe en France | 12.05.08.
[29] « L’ambassadeur de Russie en France nommé ministre de la Culture : un bon signe », RIA NOVOSTI | 13.05.08.
[30] « Je suis profondément satisfait et heureux du fait que le métropolite Cyrille soit devenu le nouveau Patriarche de Moscou et de Toutes les Russies. Tout au long de décennies, j’ai eu le bonheur de le contacter et j’ai toujours admiré ses activités religieuses et civilisatrices, pleines d’abnégation (...) Je pense qu’une nouvelle étape commence à présent dans la vie du Patriarcat de Moscou, ce qui est lié au renforcement du rôle de l’Eglise dans la vie de la société russe » déclaration d’Alexandre Avdeïev, cité dans « Eglise orthodoxe russe : le Patriarche Cyrille entamera une nouvelle période (ministre de la Culture) », RIA NOVOSTI | 30.01.09.
[31] Né en 1946, Alexandre Adveïev a débuté sa carrière diplomatique sous l’URSS pour la poursuivre après la Perestroïka. Un article du POINT de juillet 2008 indique que depuis son ambassade, il a largement intrigué pour que le film « L’Affaire Farewell » de Christian Carion sorti en 2009 ne soit pas tourné en Russie, lui-même ayant fait partie, selon le réalisateur, des 47 « diplomates » soviétiques expulsés par François Mitterrand en 1983, accusés d’espionnage contre la France. Ce qu’a démenti le principal intéressé un an plus tard dans un rectificatif du MONDE, le réalisateur rapportant dans plusieurs interviews ces mêmes faits (Rajouté le 27.01.10).