« Debate : Serviço público, museus e fotografia : que limites ? » - Maria Vlachou co-organise le 24 octobre 2013 au Portugal un débat sur la photo au musée, se tenant simultanément à Lisbonne et à Porto.
15.07.13 | Quel intérêt trouvez-vous à la question de la photographie au musée ?
Maria Vlachou. Je m’intéresse à toutes les questions qui concernent la relation au public et l’accès aux collections, qu’il soit d’ordre physique, intellectuel ou social. La pratique de la photographie dans les musées fait aujourd´hui partie de la visite. Pour les visiteurs, les photos sont des souvenirs beaucoup plus personnels que des cartes postales. Ce sont aussi des instruments de travail pour de nombreux professionnels (conservateurs, muséologues, designers, architectes, etc.). À travers leurs photos – partagées sur Facebook, Instagram, Flickr ou bien utilisées sur des sites web et des blogs – toutes ces personnes contribuent à la promotion des musées, d’une manière beaucoup plus crédible et personnelle que la publicité, créant un lien avec eux beaucoup plus « humain ».
Par ailleurs, l´initiative de plusieurs musées - dont le Rijksmuseum (NL) ou la Smithsonian Institution (USA) - de mettre à disposition du public des photos d’oeuvres de haute qualité est une manière de les rendre plus accessibles : pour les personnes qui ne peuvent s’y rendre, pour celles qui préparent leur visite, pour celles qui ont besoin de photos pour illustrer des textes, etc. Il est de plus en plus difficile de contrôler l´utilisation des images, largement disponibles sur Internet, parfois, de très bonne qualité et avec le consentement des musées, comme pour le Google Art Project.
D’après vous, quelle attitude les musées devraient-ils adopter vis-à-vis des visiteurs photographes ?
À mon avis, il est préférable de nouer une relation de partenariat avec le public qui aime les musées et qui souhaite se les approprier, que de fermer les yeux en imposant des règles d’interdiction qui appartiennent à une époque révolue. Elles ne servent aujourd’hui ni les musées ni le public. Et quand elles sont appliquées, elles n’entraînent que des difficultés et nuisent à l’image du musée, qui, souvent, ne sait même pas expliquer les raisons de l’interdiction ou qui avance des raisons très peu crédibles. C’est le cas du Musée d’Orsay, par exemple.
Il faut aussi rappeler la directive du Parlement Européen et du Conseil concernant la réutilisation des informations du secteur public. Elle inclut les bibliothèques, les services d’archives et les musées, et défend l’idée que ces organismes, comme tous les services publics, doivent rendre accessibles les données publiques, faciliter et encourager leur réutilisation commerciale et privée. Les musées qui interdisent la photo ou qui ne mettent pas à disposition de photographies de leurs collections devraient réfléchir à leurs obligations envers les citoyens.
Quelle est votre expérience personnelle, en tant que visiteuse ?
Je voyage beaucoup et visite beaucoup de musées. Comme tout le monde et en professionnelle. Pour mon travail, j’ai besoin de photos pour illustrer mes cours ou mon blog. J’ai connu toutes sortes d’expériences. J’ai visité des musées sans restriction aucune (sauf pour le flash, bien entendu), des musées qui interdisent la photo seulement dans les expositions temporaires pour des questions de droit d’auteur, des musées où j’ai pu prendre des photos après avoir signé une déclaration d’usage non commercial, des musées qui interdisent la photo sans pouvoir expliquer pourquoi – cela m´est arrivé récemment au Musée de la ville de Vienne -, des musées en Hongrie où l’on peut prendre des photos mais en achetant un billet-photo qui peut coûter entre 0,50 € et 6 €. Au Musée national d’art d’Ukraine, la photo est interdite, mais, apparemment, seulement avec un appareil photo puisqu’un jeune homme en prenait avec son téléphone portable sans être dérangé par les gardiens ! Les pratiques sont très différentes selon les musées. Comme visiteuse et professionnelle, je me sens toujours beaucoup plus à l’aise quand je peux prendre des photos sans restriction, sauf pour le flash ou le droit d’auteur, raisons qui, à mon avis, doivent être expliquées aux visiteurs pour qu’ils puissent comprendre et collaborer.
Quelle est la situation du droit photo dans les musées portugais ?
Les musées portugais, en général, n’interdisent pas la photo, à condition que les visiteurs n’utilisent ni flash, ni trépied. Cependant, une décision récente du secrétaire d’Etat à la Culture conditionne la réutilisation des photos prises dans les musées à une demande d’autorisation 15 jours à l’avance, que ce soit à des fins commerciales, privées ou promotionnelles.
Vous avez publié en juin une tribune à ce sujet dans Publico [2], un grand journal portugais ...
J’ai publié un article sur cette décision, la considérant mal informée, mal ou pas du tout justifiée, et ignorant tout du débat au niveau international.
Et quelles ont été les réactions ?
Mon texte a été largement partagé et, jusqu’à maintenant, mes collègues et d’autres personnes intéressées par le sujet de la photographie ont manifesté leur plein accord et aussi la nécessité d’approfondir la question. C’est pourquoi l’association Acesso Cultura dont je suis directrice exécutive et l’ICOM Portugal organiseront un débat prochainement.
En novembre 2013, le secrétaire d’Etat à la Culture a annulé le décret « pour des raisons techniques »…
[1] En mars 2010, le musée d’Orsay, à Paris, a interdit la pratique photographique à ses visiteurs. Un mouvement citoyen de désobéissance et de protestation est né in situ et sur Internet, baptisé OrsayCommons. Le ministère de la Culture a accepté de créer un groupe de travail sur la question. Il s’est réuni plus d’un an pour aboutir à une charte de bonne pratique. En février 2013, l’ouvrage collectif Visiteurs photographes au musée est paru à la Documentation française et une journée d’étude s’est tenue au Louvre-Lens le 8 mars 2013.
[2] Museus e fotografia : despachos e realidades, Maria Vlachou, Publico, 23 juin 2013.