21.10.12 | SI L’ON AVAIT ENCORE UN DOUTE sur le caractère fondamentalement idéologique de l’interdiction de prendre des photos depuis mars 2010 dans ce musée parisien mondialement fréquenté, on en a maintenant une preuve éclatante. Sinon, face à de réels problèmes, pourquoi ne pas chercher des solutions en terme d’aménagement, de régulation et d’information des visiteurs ? Officiellement, la raison est d’ordre pratique : la gestion difficile du flash pour les agents de surveillance, le ralentissement du flux des visiteurs dont serait responsable la pratique photographique et le prétendu danger qu’elle ferait courir sur les oeuvres (interdiction cependant totalement vaine dans les faits : voir diaporama plus bas) [1]. Dans un entretien croisé avec le scénographe Robert Carsen publié dans le catalogue de l’exposition en cours L’Impressionnisme et la mode et reproduit partiellement dans son dossier de presse, le président de l’établissement public nous livre le fond de sa pensée, s’en prenant à cette pratique populaire et à l’objet numérique en général avec une violence lexicale inattendue :
Extrait du dossier de presse de l’exposition L’Impressionnisme et la mode : Entretien avec Robert Carsen, scénographe de l’exposition et Guy Cogeval, président des musées d’Orsay et de l’Orangerie, et commissaire de l’exposition, Paris, 29 juin 2012 / Extrait du catalogue de l’exposition.
Devant une telle charge simplificatrice, de la part d’une personne si éminente, on reste sans voix. Rappelons que le terme de « barbarie » renvoie à un « ce qui n’est pas civilisé », à un état d’inhumanité, de sauvagerie et de violence. Comparer à un barbare un touriste qui prend une photo de l’horloge de la Gare d’Orsay, un amoureux de sa fiancée devant un Van Gogh, un étudiant d’un détail d’un Courbet, un artiste d’une sculpture de Barrias ou Shakira d’elle-même devant un Manet (ce qui lui a valu les remerciements du musée d’Orsay sur Facebook !), n’est-ce pas totalement disproportionné et assez méprisant pour tous ces visiteurs qui ne font qu’exprimer leur enthousiasme pour le musée ? On notera par ailleurs, non sans ironie, que le choix par Guy Cogeval de Robert Carsen, metteur-en-scène d’opéra, pour la muséographie spectaculaire de l’exposition L’Impressionnisme et la mode, a été critiqué pour divertir l’attention du visiteur, précisément ce que M. Cogeval reproche au numérique : « On croyait être venu pour voir de la peinture, et voilà que celle-ci s’efface au profit du décor » écrit Sabine Gignoux dans La Croix.
« Les visiteurs ne regardaient plus… et empêchaient les autres de voir » s’exclame le président du musée d’Orsay pour justifier l’interdiction photo [2]. Décrire les visiteurs photographes comme une masse compacte, indifférenciée, inapte à toute contemplation directe de l’oeuvre, est une vision déformée de la réalité et une grossière caricature. L’usage de la photo au musée est beaucoup plus multiple qu’on ne le croit et les visiteurs photographes ne font pas tous montre d’incivilité vis-à-vis des « autres ». Et quand les actes d’incivilité existent, car ils existent bien, ils sont souvent plutôt la conséquence d’une mauvaise gestion des foules par le musée lui-même. Mais qui sont au juste ces « autres » dont parle M. Cogeval ? Il y aurait donc deux sortes de visiteurs : les légitimes et les intrus ? Ceux qui savent regarder et les gêneurs, des ignorants ? Décréter ce qui serait la bonne manière d’appréhender une oeuvre est contraire à toute démarche pédagogique. L’interdiction comme méthode éducative, on rêve de mieux de la part d’un patron d’un grande institution culturelle nationale. Et si, à l’extrême, il plait à quelqu’un de rester river à son appareil photo durant toute sa visite, si tant est qu’il prend soin de ne gêner personne, cela en fait-il pour autant un mauvais visiteur... un barbare ?! Le musée, nécessairement régi comme espace public par des règles de vie en société, doit avant tout rester un espace de liberté. Loin de toutes leçons moralisantes, fussent-elles d’un esprit supérieur.
Comment ensuite M. Cogeval peut-il établir une généralité à partir de la réflexion de quelques uns de ses étudiants et vouer ainsi aux gémonies les supports numériques qui ne font que s’ajouter à tous ceux qui ont servi à diffuser l’art historiquement (copies, gravures, journaux, cartes postales) ? Quel est ce temps idéal où les « générations précédentes étaient, elles, absolument fascinées, avec le coeur qui battait lorsqu‘on était devant les tableaux eux-mêmes » ? Au XIXe siècle, « certains » éminents personnages exprimaient strictement les mêmes critiques, sans que la photo, l’ordinateur ou le portable n’y soient pour rien. En 1894, le collectionneur Eugène Richtenberger décrivait ainsi le Louvre : « En été, des groupes d’étrangers le sillonnent, bruyants et peu attentifs, regardant plus souvent leur [guide] Baedeker que les œuvres elles-mêmes. » [3]. Même accusation pour une vision, somme toute, élitiste du rapport à l’art et totalement rétrograde. Etranger, barbare, on est dans le même champ lexical d’exclusion.
DE CONTRADICTION EN CONTRADICTION
Si le numérique, c’est l’Enfer pour M. Cogeval, pourquoi alors en a-t-il fait l’éloge dans un article publié en 2011 sur le blog du ministère de la Culture dédié à ce domaine : Musée d’Orsay : l’art du XIXe à l’heure du siècle numérique ? Le même qui voit dans ces nouveaux véhicules de culture une barbarie y écrivait :
S’adapter, c’est donc interdire ? Drôle de sens de l’évolution. Pourquoi, encore, avoir associé le musée d’Orsay en avril 2012 au Google Art Project jusqu’à accueillir dans ses murs la conférence de presse pour le lancement mondial de sa seconde version ? Le programme initié par l’entreprise américaine permet la visite virtuelle de musées sur Internet et d’agrandir certaines oeuvres photographiées en gigapixels pour en visualiser tous les détails sur écran. Dans son communiqué, Google écrivait : « La résolution de ces images combinée à un zoom créé sur mesure, permet aux passionnés d’art de découvrir des détails extrêmement précis des peintures qu’ils n’avaient jamais vu de si près ». L’outil numérique est évidemment un complément à l’approche de l’art, pas un substitut à l’expérience directe. Guy Cogeval, lui-même, s’enthousiasmait alors : « Quelques mois après avoir achevé une vaste campagne de rénovation de ses espaces, le musée d’Orsay est heureux de pouvoir offrir à tous les amateurs d’art une plongée inédite au sein de ses collections grâce à sa participation au Google Art Project. Les internautes pourront admirer dans les moindres détails le chef-d’oeuvre de Renoir “Le Bal du moulin de la galette” et parcourir librement la grande galerie impressionniste, entièrement réaménagée » [4]. Mieux encore, il alla jusqu’à déclarer, avant d’ajouter »que rien ne remplace la confrontation avec les œuvres in situ" ce dont tout le monde convient :
EXPÉRIENCE COLLECTIVE DU MUSÉE
Quand Guy Cogeval abonde dans le sens de Robert Carsen qui évoque nos comportements de plus en plus individualistes, y compris dans les musées, lieux de partage et d’expérience collective, n’est-il pas en porte-à-faux quand son établissement propose et encourage l’usage de l’audioguide (service payant) qui aboutit justement à isoler le visiteur ?! Et, qui, du reste, ralentit les flux tout autant, si ce n’est plus, que l’appareil photo.
Vraiment on préférerait qu’un président d’un grand musée comme celui-là, plutôt qu’à s’en prendre aux visiteurs photographes, utilise son énergie à lutter contre les files d’attente, expérience collective dont on se passerait bien. Phénomène qui va en s’aggravant au musée d’Orsay depuis la rénovation de 2011 dont le but avoué était d’attirer plus de monde sans modification pourtant des espaces d’accueil. Et voilà le résultat. Comme on aimerait que l’expérience collective de visite des grandes et belles expositions comme on nous en offre ici ne tourne bien souvent au cauchemar par régulation déficiente des foules.
Enfin, dernière question au président Cogeval : comment expliquez-vous que dans cette civilisation si horrible du plein écran, jamais les musées n’ont été, parait-il, si fréquentés physiquement ? Mais peut-être nous répondriez-vous que les visiteurs ne se déplacent pas des quatre coins du monde pour voir les oeuvres en vrai, mais juste pour les photographier. Les barbares !
Tiens, tiens, ça n’est certainement pas de la barbarie, ni même une forme larvaire d’ostracisme, mais je vois que le narcissisme ambiant s’accomode mal des commentaires qui n’abondent pas dans son sens. C’est bien ce que je disais : des cultureux, bien ennemis de l’art, sous leurs dehors clinquants de bourgeois au raffinement rien moins que suspect dans sa balourdise et son goût de l’ostentation signalétique.
La censure, la vieille censure louis-philipparde : je vois qu’on ne change plus les équipes qui perdent...
C’est bien triste, sachez-le, de n’aimer de liberté que la sienne.
Eh bien, si l’on vous écoute, hauts les cœurs : laissons les gens mourir de soif auprès de la fontaine. Laissons se tarir les dernières sources, étouffons la seule altérité qu’il restait aux civilisés (si vous récusez le terme de barbare, sachez que la chose est vieille comme la Grèce, et qu’un barbare, pour nos amis athéniens, n’était jamais qu’un homme ne comprenant et ne parlant pas grec – ne parlant pas la langue de l’idéalisme et de la civilisation, pour l’époque), « cette unique apparition d’un lointain, si proche soit-il » que Benjamin appelait « l’aura » et que les tableaux dégagent, dégagent... pour peu qu’on leur en laisse le temps et qu’on ne les effarouche pas de regards torves. Un peu d’érotisme enfin, il y a là la distance entre la bonne gastronomie et le repas sur le pouce, entre l’amour et la passade d’un soir, etc., etc. À bon entendeur, salut les bradeurs-bradés (bradeurs parce que bradés, ah ah ! Gauguin vous rirait au nez, ou bien il serait parti encore bien avant, n’attendant pas d’avoir des gosses et une femme sublime à abandonner pour la gloire de l’art – pour lequel on se sacrifie, contrairement à la culture, pour laquelle on ne versera jamais que les larmes bourgeoises du crocodile éduqué et commifaut) ! Prière de ne pas censurer une parole libre, mais peut-être préférez-vous encore les perchés du selfie, qui présentent l’incomparable avantage – à égalité d’ailleurs avec les consommateurs de « télé » – de savoir se taire, de ne pas tirer des œuvres certaines des conclusions qu’elles suggèrent.
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Si le dictat était une pensée cela se saurait, J’aurais justement souhaité que vous pensiez au lieu d’imposer.
RLZ
Les arguments que j’avance suffisent très largement dans votre contexte, Vous ne comprenez pas, c’est sans le moindre espoir, Je ne fais que dire que c’est inacceptable, Que la photographie ne doit pas envahir toutes les activités, Si vous ne le comprenez pas, Je n’en suis pas la cause, Vous ne comprenez pas non plus ce qu’est le respect, respect des publics, respect des œuvres, respect de la photographie, Et désolé, mais je ne peux rien pour vous, Ne m’en voulez pas de tant d’impuissance face à la barbarie.
RLZ
Vous ne comprenez pas qu’on puisse penser différemment de vous et après vous parlez de respect...
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Je ne comprends pas trop à qui s’adresse ce message et quelle en est la teneur. Pour ma part, je suis pour la cohabitation des pratiques au musée, dans le respect des uns et des autres, et surtout sans jugement de valeur.
Cordialement<<
A vous bien sûr. Visiblement votre discours est purement théorique, juste histoire de causer, vous n’avez aucune expérience précise.
Je maintiens, la liberté de tout photographier empoisonne l’existence des promeneurs par son omniprésence. Ces foules d’appareils sont détestables. Il n’y a aucune liberté dans cette affaire.
RLZ
Je n’ai aucune expérience sur le sujet ? Qu’en savez-vous ? à part que je fréquente assidument les musées, de long en large et en travers, et très souvent, en photographiant ou sans photographier, que j’ai écrit de multiples articles sur le sujet, que j’ai participé pendant plus d’un an au ministère de la Culture à un groupe de travail sur la question, que j’ai écrit un chapitre dans le livre collectif « Les visiteurs photographes » à la Documentation française. Si vous n’avez que ça comme argument…
Bernard Hasquenoph / Louvre pour tous, le 27/10/2012, à 13:07 En gros, vous êtes pour la restriction des libertés.
Bien sûr, de toutes les libertés qui ne peuvent s’exprimer autrement qu’en piétinant celles de l’autre sans le moindre respect, C’est cela la vie en société, respecter l’autre et non tester toute forme de liberté.
RLZ
Bonjour,
Je ne comprends pas trop à qui s’adresse ce message et quelle en est la teneur. Pour ma part, je suis pour la cohabitation des pratiques au musée, dans le respect des uns et des autres, et surtout sans jugement de valeur.
Cordialement
Je pratique la photographie dans les musées. C’est pour moi un moyen d’apprécier les œuvres. Quand je photographie un tableau je m’en imprègne, la photo est pour moi un regard que je pose sur l’œuvre, l’occasion de ressentir sa beauté et d’y découvrir des éléments. Je prend d’abord une photo générale de l’œuvre puis je me rapproche (à distance respectueuse) pour photographier des parties ou des détails. Je suis à la recherche de ces détails qui permettent souvent de comprendre mieux l’œuvre et le monde de l’auteur. Le fait de me rapprocher plutôt que d’utiliser le zoom de mon appareil me permet d’avoir une image dense du point de détail que je photographie. Je peux ensuite faire apparaître tous les traits de pinceaux, les irrégularités de la toile. Vus de cette façon, un sourire , la position d’une main ou autres prennent une importance nouvelle. L’observation des traits de pinceaux est un moment de communion avec l’artiste ou l’on se rapproche de son savoir faire, de l’idée qui le motive, de son talent en somme. J’ai toujours été frappé par l’apparente imprécision à ce niveau du détail et le réalisme souvent étonnant du tableau vu dans son ensemble. Cela suppose de la part de l’artiste un lien permanent entre cette vue grossière (celle qu’il a sous les yeux au moment de peindre) et l’effet souhaité par la vue d’ensemble. Cette virtuosité me laisse très admiratif. Je réprouve l’attitude de Mr Cogeval qui me semble aller à contresens de la mission fondamentale d’un musée. Celle-ci n’est-elle pas de faire connaître et apprécier les œuvres ? Mais, comme il est dit plus haut, Mr Cogeval a sans doute d’autres motivations. Son attitude ressemble fort à celle bien connue, malheureusement, dans ces temps de libéralisme triomphant, d’un entrepreneur qui craint la concurrence et qui se sait autorisé à prendre des attitudes et des mesures antidémocratiques et liberticides.
Excellent ! Hypocrisie totale de Cogeval : pfff ! Malgré des compétences d’Historiens de l’art les conservateurs désormais sont voués de + en + à être des gestionnaires et les musées (euh pardon EPA et EPIC !) sont de + en + des entreprises comme les autres. Tout devient question d’argent et de communication. En effet « Google art » Cogeval approuve mais pas la photo ! Il y a plein de façon de prendre des photos, et pas que des touristes agaçants qui touchent les œuvres pour se faire prendre en photo à côté. Les gardiens sont là pour ça de toute façon, aussi pénible soit leur job, ben c’est leur job (je le connais et le respecte pour l’avoir fait 2 fois 3 mois pendant mes études d’Histoire de l’art) ! Et plus personne n’utilise de flash avec le numérique. Prendre la photo de l’œuvre prend quelques secondes et me prend toujours moins de temps que de l’observer avant ou après quand j’ai droit de photographier. Aussi beaux soit les catalogues les reproductions sont pas suffisamment ressemblantes. Avoir son propre catalogue d’œuvres et pouvoir observer à loisir les détails n’est pas BARBARE mais au contraire montre l’intérêt pérenne pour les œuvres une fois sortie du musée ! Et oui, avec Bac+5 en Histoire de l’art, pour avoir étudié tant d’oeuvres sur de mauvaises projections de diapositives à la fac (qui m’ont parfois donné pendant longtemps de fausses idées sur certaines oeuvres toujours trop sombres et aux détails absents dans les reprod papier), avoir enfin de belles reprod grâce à mes propres photos, sur lesquelles m’appuyer, est salutaire ! C’est quand je prend des notes devant un tableau pour bien me l’entrer dans la tête sous toutes les coutures, et ne pas l’avoir déjà effacé de mon esprit avant la fin de la visite, notamment dans les expos, que je prend le plus de temps, et que malgré mes efforts pour me mettre de côté et de profil, que je bloque le plus la visibilité aux autres visiteurs ! Alors que quand je peux faire la photo dans un musée je me décale plus vite… Mais le bon sens et la logique ne rentrent pas dans cette argumentation fallacieuse qui veut taire des raisons purement économiques (notamment concernant la vente de cartes postales et autres reprod)…
à bernard Hasquenoph. Bien, pour ne pas être d’accord avec vous, je méprise,je me crois supérieur aux « sous-visiteurs » (votre expression, pas la mienne). On se croirait sur Médiapart. Il se trouve que je connais bien, en tant que professionnel, l’image, la photographie et même l’éducation artistique. Je persiste à penser que la photographie à tout va , quasi systématique, sans compter les conditions d’éclairage généralement médiocres, n’apporte pas grand chose à l’appréciation, à la compréhension d’une œuvre d’art. On est dans le registre du souvenir touristique. Je ne méprise personne,je souhaite simplement une meilleure éducation du regard. Peut-être que ces photographes, une fois chez, eux, revoient avec plaisir les photos prise au musée sur leur i-phone ou maintenant leur tablette, et je l’espère. Entre temps, ils auront gêné sérieusement des centaines d’autres visiteurs. Que pensez-vous, de ces couples qui se font photographie en souriant, devant un tableau pour bien montrer qu’ils étaient là et bloque la vision de cette œuvre. Et régulièrement, malgré les interdictions, de ces flashes qui claquent.
Personnellement, je me refuse à juger les comportement de visiteurs, chacun a ses motivations et sa manière d’appréhender le musée et aucune n’est ridicule. Le problème est d’ordre pratique : faire cohabiter les différentes pratiques, effectivement dans le respect des uns et des autres, par une meilleure gestion des flux et une meilleure information-éducation des publics.
Peut-être faut-il essayer de comprendre un peu mieux Guy Cogeval, avant de le traiter de réactionnaire. Trop souvent on remarque dans les musées, dans les monuments historiques, des gens qui ne savent plus voir qu’à travers le viseur ou l’écran de leur appareil photo. C’est une vision médiatisée donc biaisée, incomplète, limitée par les capacités de l’appareil. Quand on a la chance de pouvoir s’approcher d’une œuvre, quand on a fait des centaines ou des milliers de kilomètres pour cela, quel dommage de ne pas la regarder dans sa vérité, sa matière, sa prise de la lumière, son format, les effets du passage du temps. Apparemment, si j’en crois cet article, c’est devenu une vision d’esthète. Dommage. Néanmoins, dans un musée, je ne prête aucune attention aux gens qui photographient, je ne fais plus aucun effort pour leur laisser le champ libre. Ils sont trop nombreux. Priorité au regard direct.
L’un n’empêche pas l’autre. Les visiteurs photographes ne sont pas des sous-visiteurs. Et l’on peut photographier une oeuvre et la regarder aussi. Votre position qui se veut supérieure à celle de ces visiteurs que vous méprisez tant conforte en tous cas mon analyse.
C’est très intéressant, mais le problème est mal posé de mon point de vue, c’est l’envers qui me semble la vraie question. Pourquoi autoriser la photographie en tout lieu et tout temps ? En gros : faut-il tout photographier ? Le problème posé, c’est la profusion, un photographe pourquoi pas, un million, certainement pas (et pour Orsay la question est : pourquoi supporter 3 000 000 de photographes ? La question que je pose, qui est une question générale, doit-on tout faire en tout lieu et en toute circonstance ? Je crois que l’on pas encore abordé sérieusement la relation multitude et liberté. Il ne s’agit pas de photographie.
RLZ
En gros, vous êtes pour la restriction des libertés.
@ pontleve : dans le cas où les donateurs se seraient exprimés, pourquoi pas. Mais dans la plupart des cas à moins d’avoir la faculté de faire parler les morts difficile de savoir ce qu’ils en pensaient. Quant à déranger les autres visiteurs, pour avoir ce matin visité l’exposition L’impressionnisme et la mode, j’ai plus été dérangée par le fait d’entendre les 4 audioguides de personnes qui m’entouraient débiter leurs commentaires de façon discordante que je ne l’aurais été par des barbares photographes. Plus particulièrement intéressée par les costumes, j’ai pu constater qu’aucun n’était proposé en carte postale et que le catalogue en comportait très peu. Encore une justification au fait que faire des photos peut présenter un intérêt autre que « barbare »
Quel que soit le mode d’entrée d’une oeuvre dans les collections d’un musée, les droits patrimoniaux s’éteignent 70 ans après la mort de l’auteur. Il en est ainsi du droit de reproduction.
c est normal de ne pas photographier car souvent les donateurs ne veulent pas .et cela peut deranger les autre visiteurs
En tant qu’artiste plastique moi-même, une des choses qui m’insupportent le plus est la volonté de certains d’imposer leurs propres vision des œuvres.
On « doit » voir telle ou telle interprétation. On doit regarder le tableau sous tel angle. On parle pour l’artiste (qui le plus souvent ne s’est pas exprimé sur le sujet). Pour ma part la chose qui fait une œuvre d’art est le fait qu’elle soit capable de tenir un dialogue visuel.
Ce dialogue est personnel entre le spectateur et l’œuvre/l’artiste, et ne devrait pas être scripté par des tiers (critiques, administration du musée etc.) - les musées nationaux (donc propriété collective) ont le devoir de permettre l’établissement de ce dialogue de toutes les façons possibles, les limites étant la préservation de l’œuvre et la gêne éventuelle occasionnée aux autres visiteurs.
La photo (sans flash) est bien moins gênante que certains autres comportements, et la pédanterie n’a jamais été une marque d’élégance.
Pour éviter les « barbarismes » avec son ticket d’entrée fournir une clé USB ou un login/mdp sur un site Web avec toutes les photographies des œuvres en haute résolution. Le message « Vous ne pouvez pas photographier dans le musée pour éviter les erreurs de flash et autres, mais vous avez accès à l’ensemble des œuvres en qualité optimale. »
le terme barbare est effectivement un terme excessif,je crois qu’Orsay va bientôt être le dernier musée à persister dans cette position d’interdiction à Paris, il faut établir des règles précises concernant les musées publics et qu’elles soient les mêmes pour tous. Jocelyne ARTIGUE
Tout est dit ! L’article résume les enjeux et dévoile très bien l’idéologie cachée derrière l’interdiction : le mépris des visiteurs d’une certaine aristocratie bien décrite en son temps par Bourdieu. Les dinosaures existent encore...
En prenant des photos dans les différents musées que je fréquente, aussi bien en France qu’à l’étranger, je diffuse des œuvres auprès de gens qui ne vont jamais au musée. Pour en visiter un certain nombre, je peux dire qu’il n’y a pas plus de « gêneurs photographes » que de « gêneurs commentaires ». Pour ma part, j’ai fait l’acquisition d’un appareil spécialement conçu pour n’avoir pas besoin de beaucoup de lumière et je n’utilise jamais de flash, même et surtout Quai Branly où le sombre fait partie du charme de l’exposition.
Guy Cogeval veut réserver ces endroits à une « élite » de happy few et il n’est pas impossible non plus qu’il ait derrière la tête des préoccupations économiques.
Je tiens à rassurer, prendre des photos ne m’empêche absolument pas d’acheter catalogues et monographies et généralement, le fait de montrer des photos encourage de nouveaux visiteurs à faire connaissance avec ces endroits trop peu connus du grand public.
Ne serait-ce qu’à Paris, j’emmène un groupe la semaine prochaine au musée des Arts premiers et à Beaubourg.
Pour Orsay, on attendra.
[1] Depuis mai 2011, un groupe de travail s’est constitué au ministère de la Culture sur la pratique photographique et filmique des visiteurs de musées et monuments, suite à une lettre dont nous avons été co-signataire. Nous participons à ces réunions auxquelles viennent également des représentants du musée d’Orsay. Le dialogue, bien que difficile, est néanmoins possible. Leur seule présence est un signe d’intérêt pour la question, ce dont nous nous félicitons.
[2] Une raison également invoquée dans la motivation officielle, quoique de manière moins simplificatrice : « Si la liberté qui était laissée au public était appréciable, force était de constater que celle-ci nuisait à celle d’autrui, notamment à ceux qui, gênés par la multitude des flash et des bras tendus devant les tableaux, ne pouvaient se livrer à une contemplation sereine. », Établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie, Rapport d’activité 2010, p.183.
[3] Eugène Richtenberger, « La caisse des musées », La Revue Bleue, 10 mars et 21 avril 1894.
[4] Google Art Project fait peau neuve, communiqué de Google, Paris, 3 avril 2012.