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Le Versailles de Marie-Antoinette toujours plus cher

Bernard Hasquenoph |

Louvre pour tous | 30/03/2009 | 09:28 |


Créé artificiellement en 2006 pour rendre plus familiers les lieux au public, le « Domaine de Marie-Antoinette » n’a cessé depuis d’augmenter en prix et de se restreindre en horaires. Cette tendance aberrante se poursuit tandis que sa dérive marketing semble freinée.

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Au Petit Trianon © Louvre pour tous

30.03.09 & 05.04.09 | TOUJOURS PLUS CHER, toujours moins ouvert... c’est la démocratisation culturelle made in Versailles appliquée au « Domaine de Marie-Antoinette » à compter du 1er avril. Augmentation du prix d’entrée et diminution des jours de visite, c’est le genre de nouvelle pour laquelle la direction de l’établissement public ne fait étrangement aucune publicité. Aucune explication, pas de communiqué de presse, aucune pastille de signalement sur son site web [1]. Tout en loucedé. On change discrètement les données sur les supports de communication et voilà.

POISSON D’AVRIL DE MAUVAIS GOÛT
A compter d’avril 2009, le billet d’entrée au « Domaine de Marie-Antoinette » augmente de 12% en haute saison, passant de 9 à 10€ quand le tarif réduit et le billet en basse saison augmente lui de 20%, passant de 5 à 6€. Le tout pour un jour en moins de visite puisque dorénavant le « Domaine de Marie-Antoinette » sera fermé le lundi comme le château, alors qu’il n’est déjà accessible à la visite que les seuls après-midis, y compris les jardins. Créé artificiellement en 2006 pour en rendre soi-disant les lieux plus familiers au public, le « Domaine de Marie-Antoinette » n’a cessé depuis d’augmenter en prix et de se restreindre en horaires, allez comprendre la logique [2] !

Le seul point positif est le rétablissement de la réduction du prix pour tous à partir de 16h et non 17h ce qui ne pouvait profiter à grand monde comme nous le faisions remarquer en juillet 2008.

Sûr que mercredi prochain, premier avril, la gratuité des musées et monuments nationaux accordée par l’Etat aux jeunes et aux professeurs, et avancée de trois jours par un château de Versailles zélé éclipsera l’augmentation du prix d’entrée du « Domaine de Marie-Antoinette » à l’autre bout du parc. Sans qu’il y ait un lien de cause à effet puisque le manque à gagner de ces deux catégories de visiteurs sera entièrement pris en charge par l’Etat.

FIN DE LA DÉRIVE À LA ALBANEL ?
Si Jean-Jacques Aillagon, président du domaine de Versailles et de Trianon, ne revient donc pas sur le caractère payant de cet espace commercial inventé de toutes pièces en 2006 par sa prédécesseure Christine Albanel devenue depuis ministre de la Culture, il en corrige au moins les aberrations historiques les plus flagrantes et met un terme à une certaine dérive marketing que nous avions dénoncé dès le départ, ce qui nous donne rétrospectivement raison.

Ainsi l’appellation « Domaine de Marie-Antoinette » n’est peu à peu plus réservé qu’au Petit Trianon, ses jardins et son hameau ce qui historiquement peut s’entendre, bien que le bâtiment et un certain nombre d’éléments existaient avant la dernière reine de Versailles. Inclus dans le même espace de visite, le Grand Trianon qui n’a que peu à avoir avec elle, sinon rien, est enfin nommé séparément et présenté comme lié à Louis XIV [3]. Ne reste plus maintenant qu’à répercuter ces informations sur tous les supports de communication et revenir un jour à l’appellation historique d’origine du Grand et du Petit Trianon, tout simplement.

A l’époque, nous nous élevions également contre les initiatives marketing instrumentalisant l’Histoire autour du lancement de ce « nouvel » espace de visite, notamment la promotion du parfum « MA, Sillage de la Reine » produit par le château et présenté de telle sorte qu’on puisse croire à une reconstitution du parfum authentique de Marie-Antoinette, ce qui était totalement faux [4].

UN PROJET VITICOLE FRELATÉ
De même, nous raillions la vigne plantée au beau milieu du Hameau de la Reine qui, si elle ne dépareillait pas dans ce décor champêtre, n’avait aucune assise historique alors que la restauration de l’ensemble des jardins était censée leur avoir rendus leur configuration originelle sous la houlette de l’architecte en chef Pierre-André Lablaude. Ces plantations dataient en réalité de 2003 et étaient dûes au médiatique jardinier en chef Alain Baraton qui, se piquant d’Histoire, les présentait avec beaucoup de sérieux tantôt comme une allusion à la vocation botanique des lieux initiée par Louis XV [5], tantôt comme la poursuite de « l’oeuvre du jardinier de la reine [Marie-Antoinette] (…) la Révolution ne lui [ayant] pas laissé le temps de planter une vigne » (sic) [6].

La présidence albanelienne encouragea cette aimable plaisanterie, flairant le bon coup marketing. En octobre 2006, étaient organisées les vendeanges de la première « cuvée Marie-Antoinette », le flacon aux armes de la souveraine étant déjà créé. La presse était conviée ainsi que le cinéaste américain Francis Ford Coppola, accessoirement viticulteur en Californie et coproducteur du film récemment sorti « Marie-Antoinette » réalisé par sa fille Sofia. Une affaire de famille puisque la récolte royale allait être pressée au domaine Château Thuerry en Provence, propriété de Jean-Louis Croquet qui n’est autre que le père de Thomas Mars, chanteur du groupe Phoenix et mari de la jeune cinéaste.

Dans l’euphorie de ces belles journées d’automne, chacun y alla de sa petite déclaration de circonstances, feu d’artifice d’esprit - J.-L. Croquet : « Notre choix s’est porté sur un rosé qui est un vin rouge qui n’a pas abouti. Un peu comme la vie de Marie-Antoinette. » - quand la palme du ridicule revint à Christophe Tardieu, administrateur du château qui, depuis, a suivi Mme Albanel rue de Valois en tant que directeur adjoint de son cabinet, quand il affirma à l’AFP : « Si Marie-Antoinette revenait aujourd’hui, elle ne serait pas perdue. Elle commanderait un petit verre de rosé et le dégusterait avec un glaçon tout en regardant ses moutons brouter les verts pâturages... » [7]. Les fans de la souveraine et autres historiens s’esclaffèrent, sachant que Sa Majesté ne buvait que de l’eau de source de Ville-d’Avray au point de s’en faire livrer des caisses jusqu’à la Conciergerie.

Le but de l’opération, en utilisant l’image de la souveraine, était bien entendu de vendre au profit du château les bouteilles - on en espérait deux mille [8] -, « hors de prix, soit pour des ventes aux enchères, soit pour des oeuvres caritatives ou pour des donateurs » indiquait-on alors [9].

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Août 2007, pancartes désormais disparues © Louvre pour tous

Le public ne vit jamais la couleur de ce rosé prometteur et on n’en entendit plus parler. Manifestement, malgré toute l’énergie déployée par les jardiniers du domaine (c’est sûr, ils n’ont que ça à faire !), les résultats ne furent jamais à la hauteur des espérances et Jean-Jacques Aillagon, nouveau maître des lieux, semble modérément apprécier la démarche [10].

La réponse, c’est lui-même qui la donne sur son blog en janvier dernier quand il nous fait partager sa découverte du dernier cru de ce fameux rosé qualifié par le journaliste gastronomique Périco Légasse qu’il cite de « petit rouge de soif qui fera merveille au printemps sur quelques cochonnailles ou une volaille rôtie ». Le président du château réserve les seulement 200 bouteilles produites « pour l’inauguration de l’Opéra royal, si le vin tient le coup… jusqu’au mois de septembre ». C’est dire la qualité du breuvage ! Et le journaliste de conclure : « Malgré l’emplacement, nous ne sommes évidemment pas en présence d’un vin noble, mais d’une cuvée plus indiquée pour danser la carmagnole en chantant à la gloire de la République » [11]... De la piquette de Sans-culottes.

:: Bernard Hasquenoph |

:: Louvre pour tous | 30/03/2009 | 09:28 |

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NOTES

[1] Le dernier communiqué de presse date du 16 mars 2009 et porte sur les 3 millions d’euros alloués au château de Versailles par le ministère de la Culture au titre du plan de relance. Lors de sa conférence de presse annuelle, le 23 janvier 2009, Jean-Jacques Aillagon n’a aucunement annoncé de changements tarifaires.

[2] Rappelons que les jardins du Petit et du Grand Trianon étaient accessibles gratuitement et toute la journée depuis toujours jusqu’à la création en juillet 2006 du « Domaine de Marie-Antoinette » où ils devinrent payants et fermés le matin en haute saison, puis à partir de novembre 2008 également en basse saison. Les jardins du Grand Trianon sont également payants depuis le 1er avril 2009.

[3] Sur la page web Tarifs, on peut lire l’intitulé suivant : « Châteaux de Trianon et Domaine de Marie-Antoinette - L’univers délicat et champêtre de Marie-Antoinette, le grand Trianon de Louis XIV ».

[4] Le parfum, création du célèbre nez Francis Kurkdjian, n’était plus en vente au château en avril 2009. Questionné, le personnel nous a répondu que le stock avaient été écoulé et que manifestement l’opération était terminée.

[5] « Des vignes à Trianon » par Constance Rondet, LE POINT | 14.11.03.

[6] AFP | 11.10.06

[7] AFP | 13.10.06

[8] LE POINT | 14.11.03.

[9] Déclaration de J.-L. Croquet à l’AFP | 13.10.06. En 2005, Alain Baraton, avec un cynisme réjoui, déclarait pour sa part : « Ce ne sera peut-être pas le meilleur, mais ce ne sera certainement pas le moins cher : des amateurs Américains et Japonais nous proposent jusqu’à 500 euros la bouteille ! », Le Courrier de Mantes | 25.05.05.

[10] Pourtant, en octobre 2008, J.-J. Aillagon encouragea la dernière lubie d’Alain Baraton : installer six ruches au Hameau de la Reine dans le cadre du programme écologique « L’abeille, sentinelle de l’environnement », le miel récolté devant être partagé entre l’UNAF (l’association d’apiculteurs qui s’en occupe), le château de Versailles et le groupe L’Oréal, partenaire du projet. Sur le blog du président du château, un internaute anonyme s’est plusieurs fois interrogé sur l’usage non prouvé de traitements chimiques « dans les allées et massifs du parc de Trianon » difficilement compatible avec un tel programme sans que J.-J. Aillagon daigne ne répondre. Il serait bien que l’on sâche si oui ou non de telles pratiques ont cours au domaine de Versailles d’autant qu’Alain Baraton a l’habitude de se faire le grand défenseur dans les médias des traitements naturels.

[11] Dans le texte de Périco Légasse cité par J.-J. Aillagon, il est confirmé « qu’il n’y avait donc pas de vigne sur le domaine royal à l’époque de la monarchie ». On apprend que « contre toute attente, et après plusieurs tentatives audacieuses de vinification conduites par le château Thuerry, en Provence, c’est finalement dans les chais de la vigne municipale de Suresnes que les meilleurs résultats ont été obtenus ». Un internaute ayant ironisé par un commentaire sur l’aventure de cette vigne, J.-J. Aillagon de lui répondre : « A mes yeux la vigne est un élément charmant de cette campagne rêvée du Hameau de la Reine où rien ne manque, ni les étables, ni une laiterie. Quand cette vigne produit du raisin, autant le vinifier, sans prétendre – j’en conviens – produire le »vin de Marie-Antoinette". Fin de l’aventure.



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« La fonction du musée est de rendre bon, pas de rendre savant. » Serge Chaumier, Altermuséologie, éd. Hermann, 2018
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