10.04.2008 | LE 27 FÉVRIER DERNIER, nous adressions à Jean-Jacques Aillagon, Président de l’établissement public du domaine national de Versailles, un courrier de réclamation sur l’accès aux Jardins de Trianon, contestant son caractère payant et l’incohérence de sa communication. Malgré un ton poli, une adresse postale et un courrier signé, nous n’avons reçu, à ce jour, aucune réponse. Très peu service public !
Cependant, face à nos critiques, le service communication du Château a développé un argumentaire - minimal - répondant uniquement aux protestataires individuels et aux journalistes.
MAIL ENVOYÉ PAR UNE VISITEUSE
Ainsi cette visiteuse envoyait, fin mars, un mail à la direction du public, comme nous proposons à tous de le faire :
Monsieur le Président,
Je vous demande de maintenir la gratuité d’accès aux jardins de Trianon, au-delà du mois de mars 2008, ainsi que leur accès toute la journée en haute saison et non les seuls après-midis.
Je vous prie, d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.
Madame X
MAIL RECU DU CHÂTEAU DE VERSAILLES
Dix jours après, notre visiteuse reçevait cette réponse de la « Direction de la gestion des publics » [1] :
Chère Madame,
C’est avec beaucoup d’attention que nous avons pris connaissance du courriel que vous nous avez adressé le ... mars dernier.
Vous évoquez les conditions d’accès au Domaine de Marie-Antoinette. Depuis 2006, du 1er avril au 31 octobre, de 12h à 19h30 (18h pour les intérieurs), la visite des châteaux de Trianon et du Hameau de la Reine est incluse dans un billet unique vous offrant la possibilité de visiter des lieux jusqu’à présent fermés au public, comme le petit théâtre de la Reine, le pavillon français, le belvédère, la grotte, le rocher et la laiterie de propreté. Nous tenons à souligner la qualité et l’envergure des travaux de restauration réalisés tant sur le patrimoine bâti que sur le patrimoine végétal, restitué dans l’état où il était à la veille de la Révolution.
Nous vous précisons que l’Etablissement public du musée et du domaine national de Versailles ne reçoit pas de subvention de fonctionnement de la part de l’Etat et que c’est donc le produit des visites qui finance l’entretien du site et l’accueil du public. Dans ces conditions, il ne nous est pas possible d’ouvrir ces espaces gratuitement et plus tôt dans la journée.
Nous vous remercions de votre compréhension et vous prions de croire, chère Madame, à l’assurance de nos salutations les meilleures.
RÉPONSE INEXACTE, INFO TRONQUÉE
Accessibilité - Notre visiteuse aura le plus grand mal pour découvrir le Petit Trianon, pièce essentielle du Domaine, puisque sa réouverture, après travaux, prévue au mois de juin 2008, est repoussée, aux dernières nouvelles, à la mi-juillet !
« Des lieux jusqu’à présent fermés au public » ? C’est faux. Le petit théâtre de la Reine était déjà visitable depuis sa restauration en 2001 et l’est toujours en visite-conférence. Le billet d’entrée « Domaine de Marie-Antoinette » permet seulement d’y jeter un oeil depuis le seuil. Comme pour la Laiterie de Propreté, unique fabrique entrouverte du Hameau qui en compte dix ; hameau accessible gratuitement à la promenade depuis toujours. Idem pour le Pavillon français et le Belvédère dont les intérieurs ont toujours été visibles depuis l’extérieur puisque ces petits batîments sont largement vitrés. Le rocher a toujours été accessible avant que les jardins ne soient en travaux pour restauration. Finalement seule l’accès à la Grotte - minuscule - est inédit.
Le droit de jeter un coup d’oeil depuis l’entrée de ces quelques batîments justifient-ils un accès payant à 9€ ? Nous ne le pensons pas. Nous retrouvons là tout ce que nous reprochons au Château de Versailles : une information parcellaire, tronquée et trompeuse, indigne d’un établissement public [2].
Travaux de restauration - La restauration du Parc du Château rendue nécessaire par l’âge des arbres avait démarré en 1990, quand la tempête de 1999 vint accélérer les travaux, notamment sur le secteur des Trianons gravement endommagé. Ceux du jardin anglais initialement échelonnés sur trente ans furent ramenés à quelques années, sa destruction ayant été presque totale. Il fut décidé de lui redonner l’apparence qu’il avait au temps de la Reine [3]. Sur la base de documents d’archives, les travaux durèrent de février 2002 à avril 2004. Le financement de l’ensemble de ces restaurations releva de subventions d’Etat. Suite à la tempête de 1999, il fut également fait appel à la générosité du public et au mécénat.
Les restaurations du patrimoine bâti, dans ce secteur, relève, à notre connaissance, uniquement du mécénat privé donc ne coûte rien à la collectivité : le petit théâtre de la Reine (World Monuments Fund France) ; le Petit Trianon, le Pavillon Français, le Belvédère, le Rocher (Société Montres Breguet) ; la Grotte (Friends of Vieilles Maisons Françaises) ; restitution du Pavillon Frais (The American Friends of Versailles).
Subvention de fontionnement - S’il est exact que l’établissement du Château de Versailles est tenu de financer son fonctionnement (salaires, entretien, réparation, information du public…) sur ses ressources propres (billetterie, location d’espaces, concessions commerciales, mécénat), l’Etat le subventionne pour financer ses investissements (enrichissement des collections, travaux, restaurations…), notamment au travers de l’important programme du Grand Versailles (100 millions d’euros).
Quand le direction affirme ne pas pouvoir ouvrir « ces espaces gratuitement et plus tôt dans la journée » pour des questions de moyens, c’est un non sens puisque ces jardins sont accessibles gratuitement et toute la journée durant les cinq mois de la basse saison - de novembre à mars - sans que cela pose problème, tout en étant entretenu. L’accueil, en haute saison, se résume au personnel qui existait déjà pour la visite du Petit Trianon, plus, comme nous l’avons constaté, un seul gardien, dédié à la surveillance de l’entrée du petit théâtre. Finalement, la direction du Château reconnait la motivation uniquement mercantile de l’ouverture du « Domaine de Marie-Antoinette » en juillet 2006.
MÊME BOBARD À LA PRESSE
Dans un récent article consacré à l’accessibilité des jardins de Trianon dans le journal gratuit VERSAILLES PLUS [4], la direction du Château évoque - rapportée par la journaliste - des « lieux exceptionnels (...) ouverts au public pour la première fois grâce aux nombreux travaux de restauration engagés », ce qui est tout à fait inexact comme nous l’avons vu plus haut. A coups d’approximations et de raccourcis savamment distillés, la communication du Château de Versailles continue à tromper le visiteur.
EN CONCLUSION
Le mode de communication choisi par le Château de Versailles est plus celui d’une entreprise privée s’adressant à des consommateurs que celui d’un musée public s’adressant à des visiteurs. C’est toute la perversité de son statut d’établissement administratif autonome qui, en le contraignant à s’auto-financer pour fonctionner, l’entraîne vers des comportements contraires à ses missions pédagogiques. Les arguments avancés pour justifier le caractère payant des jardins de Trianon relèvent uniquement du domaine commercial et d’aucune volonté muséographique. Nous trouvons dommageable pour le public que ces jardins ne soient pas accessibles librement, au moins le matin, à la plus belle saison, ne serait-ce que pour les riverains, comme ils l’ont toujours été.
Nous ne désespérons pas que le Président de l’établissement public du domaine national de Versailles daigne répondre, un jour, au courrier d’un citoyen soucieux de l’accessibilité du patrimoine commun. Nous ne lui tiendrons pas rigueur si c’est la direction de la gestion des publics qui le fait.
[1] L’appellation « Direction de la gestion des publics » en dit long sur la manière de considérer le visiteur... comme un consommateur.
[2] Lire notre article « Promenade dans un jardin de dupes ».
[3] « La restauration du parc de Versailles et la tempête de décembre 1999 », Site du Conseil Général des Yvelines | 2000.
[4] « Combien le domaine ? » VERSAILLES PLUS n°11 | avril 2008