02.07.09 | C’EST SÛR, CA CASSE LE RÊVE. Quand, avant de vous rendre en visite au Château de Versailles, vous appelez le 01 30 83 78 00 pour obtenir des renseignements, vous imaginiez peut-être votre charmante interlocutrice dans un galetas, sous les combles du palais, et, à son heure de table, se promenant dans le parc, rêveuse, un sandwich à la main ?
Désolé pour le choc, mais sachez que, comme pour ORANGE ou TOTAL, votre appel atterrit dans un Call Center : le centre d’appels LASER CONTACT, téléport 2... à Poitiers. Et il y a de forte chance que votre chargée de clientèle mange à la cantine avec ses quelques mille collègues puisque ce centre est l’un des plus gros de France [1].
Encore une belle idée du temps de la présidence de Christine Albanel et de son administrateur Christophe Tardieu. En février 2007, sur le modèle anglosaxon, l’établissement public et la société UNILOG, devenue depuis LOGICA, concluait un partenariat public-privé (PPP) - premier du genre dans le domaine informatique - pour le développement d’un projet « de billetterie, de gestion des flux et d’information du public ». Dans ce cadre, le service de réception des appels téléphoniques, géré jusque là par la direction de la gestion des publics du Château, s’externalisa en province.
Opérationnel fin 2007, on parlait alors de mise en exploitation d’un dispositif de « gestion de la relation client », signe de plus, par la sémantique, du glissement progressif vers la privatisation d’un service public. A Versailles, on ne parle même plus d’usagers, ni même de visiteurs mais de clients.
Un partenariat global qui tourna, selon le site spécialisé LE MAGIT, au pugilat, principalement à cause d’un logiciel de billetterie qui s’avéra déficient. Résultat, le contrat de 21 millions d’euros prévu pour durer dix ans fut rompu par le Château en mai 2008, sur décision de son nouveau président Jean-Jacques Aillagon, sous la risée de la CGT Culture qui, depuis le départ, voyait d’un très mauvais oeil cet « outil supplémentaire pour le démantèlement des services publics ». Rupture sans accord amiable ce qui est plutôt rare, parait-il, dans le secteur, l’affaire est aujourd’hui devant les tribunaux.
Pas dégoûté par l’expérience, fin 2008, l’établissement relança un appel d’offres pour un « centre de contact et d’appui à la gestion de la relation client du Château de Versailles » devant comprendre accueil téléphonique, information sur l’offre et appui à la réservation et à la vente, le tout pour une durée de quatre ans. Marché fut conclu avec LASER CONTACT, sous-traitant d’UNILOG dans le précédent contrat foireux, service qui avait apparemment donné entière satisfaction.
En dehors de la formation interne qu’elles doivent recevoir, on se demande comment des personnes habitant la région Poitou-Charentes peuvent efficacement renseigner sur un lieu que peut-être, elles ne connaîssent pas physiquement ? Tout est prévu. Deux fois par an, ces salariés ont droit à une visite sur place dans le cadre d’Eductours que le Château organise, comme cela se pratique dans le secteur du tourisme, pour faire découvrir ses circuits de visite à ses « partenaires institutionnels » et à ses différents prescripteurs de Paris et des Yvelines : hôteliers, personnels des offices de tourisme et syndicats d’initiative, etc.
Tout est normal comme dirait l’autre. Au lieu de maintenir le service sur place et d’employer des personnes connaissant le site et résidant par exemple dans les Yvelines, ou plus fou à Versailles, on préfère faire appel à des Poitevins habitant à plus de 300 km qu’on transporte tous les six mois jusqu’à Versailles... Fallait y penser.
Mais, sans doute le plus drôle, c’est qu’à Poitiers, le centre d’appels n’est pas n’importe où. Il se situe au Technopole, sur les terres du FUTUROSCOPE, le parc d’attractions. C’est là qu’on frissonne à l’idée que le centre de contact du Château de Versailles aurait pu se retrouver à... DISNEYLAND. Ouf ! on a frôlé le pire. Allô Versailles ?
[1] LASER CONTACT, filiale française du groupe LASER LOYALTY, leader européen de la relation clients à distance, compte cinq sites en France : Bordeaux, Roanne, Villeneuve d’Ascq, Tauxigny et Poitiers où elle est née en 1998. Aujourd’hui, l’entreprise détenue à part égale par le groupe Galeries Lafayette et Cetelem (groupe BNP PARIBAS) est dirigée par Yanick Prigent. Elle emploie en France 2 400 salariés et a réalisé 50 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2006.