18.09.09 | DEPUIS CETTE ANNÉE, le service du petit train permettant de se rendre, pour 6€ aller-retour (6,70€ en 2011), du Château de Versailles jusqu’à Trianon puis au Grand Canal n’est plus accessible librement durant la période des Grandes Eaux, les week-ends et certains mardis, soit un total d’environ quatre-vingt jours dans l’année [1].
Ou plutôt, pour en profiter, il faut alors payer doublement : une première fois pour entrer dans les Jardins où se situe son point de départ Terrasse Nord (Tarif Grandes Eaux 8€ ou Passeport 25€), puis le train lui-même (6€ AR - 6,70€ en 2011)). Ce qui fait cher le trajet.
Cet étrange droit de passage que nous ont signalé plusieurs visiteurs est une nouveauté 2009 puisque les précédentes années il était, semble-t-il, possible d’accéder à ce service sans avoir à pénétrer en zone payante. Il semblerait que cela soit consécutif à la mise sous douane, durant les Grandes Eaux, de l’espace environnant le Bassin de Neptune. Mis en paiement « dans un souci de présentation lisible des sites et de gestion simplifiée des flux de public » selon Laurent Brunner, directeur de la filiale Château de Versailles Spectacles [2], ce qui a entraîné la colère toujours pas apaisée des riverains jusque sur Facebook.
[Rajouté le 20.09.09] Une visiteuse nous signale que cela pourrait aussi être dû à la clôture de la cour Royale par la grille restituée en 2008, le passage en bois du Nord étant depuis fermé (comme celui du Sud). Il n’est plus alors possible de rejoindre directement le départ du train Terrasse Nord sur décision de la direction du Château.
Les voitures électriques qui permettent depuis 2004 de se balader dans les jardins puis pareillement dans le parc ne sont pas plus accessibles librement à ces mêmes périodes puisque louables depuis la Terrasse Sud [3]. Si ces véhicules permettent de circuler dans l’enceinte des Jardins historiques puis d’en sortir, pour le petit train, la situation est d’autant plus absurde que son trajet ne permet pas d’admirer quoi que ce soit des Grandes Eaux puisque, descendant le long de l’Aile Nord du Château, il quitte aussitôt le périmètre des Jardins pour emprunter ensuite l’avenue de Trianon à l’extérieur du Petit Parc.
Il faut préciser que pour une partie du public, l’usage de ce moyen de locomotion n’est ni un caprice ni une fantaisie mais une nécessité, Trianon se trouvant à 1,5 km du château, la Petite Venise à 1 km. « Un service public de transport », c’est l’expression même employée par le Château dans un document officiel pour parler du petit train [4]. Pour certaines personnes âgées, les femmes enceintes, ce n’est évidemment pas un luxe. Encore moins pour les personnes handicapées, à mobilité réduite à l’honneur cette année pour les Journées du Patrimoine. En 2004, quand le Château a passé contrat avec la société ASTEL pour la location de voitures électriques dans le parc, l’argument de leur utilisation par cette catégorie de population a été mis en avant [5]. Le Château a demandé à ces concessionnaires qui sont juridiquement des délégations de service public [6] qu’un tarif préférentiel soit proposé au public handicapé [7]. Leur rendre inaccessible librement ce service autant de jours dans l’année est alors plutôt contradictoire avec les efforts déployés dans le même temps par le domaine pour leur faciliter la visite [8]. On peut même s’interroger si le fait même de leur demander de payer un droit pour pouvoir circuler dans l’enceinte du domaine est juste.
Toujours est-il que cette situation extrêmement choquante vis-à-vis des publics handicapés et signalé partiellement, sur le site Internet du Château mais sur aucun dépliant [9] affecte l’ensemble des visiteurs qui, s’ils refusent de payer doublement, n’ont plus qu’à ressortir de l’enceinte du château et, pour se rendre aux Trianons ou à la Petite Venise à pied, n’ont plus qu’à marcher en ville jusqu’à la Grille de la Reine, boulevard de la Reine, ce qui constitue un sacré détour.
Le problème se pose aussi pour les groupes aux visites organisées par des agences de voyages. Ainsi, plusieurs guides accompagnateurs, faute d’information préalable, se sont cassés le nez le jour de leur visite, le personnel du château appliquant strictement les consignes et refusant de les laisser accéder au petit train librement, service compris dans le forfait proposé à leurs clients. Les frais supplémentaires du droit d’entrée dans les Jardins payants sont alors revenus à la charge des agences. Au point qu’en début d’été, saisis par plusieurs de ses membres, le Syndicat National des Professions du Tourisme / CFE-CGC s’est fendu d’une lettre de protestation auprès de Jean-Jacques Aillagon, président du domaine. Lettre datée du 5 juin 2009 restée, à ce jour, sans réponse, ce qui laisse pantois sur le dialogue de l’établissement public avec ses partenaires professionnels (lire la réponse ici).
Cette pratique du double paiement pour pouvoir accéder à un seul service semble constituer une pratique commerciale illégale car s’assimilant à une vente subordonnée selon l’article L 122-1 du Code de la consommation [10]. Décidément, c’est ce même constat qui nous a conduit à saisir la « Répression des fraudes » des Yvelines (DCCRF) pour l’usage imposé de l’audioguide à tous les visiteurs payants du château et l’impossibilité de payer pour la seule grande exposition sans avoir à le faire aussi pour la visite du château. La DCCRF a trouvé une certaine pertinence à nos constats puisqu’elle mène actuellement une enquête dans l’établissement public du Château de Versailles. Nous lui avons donc soumis cette nouvelle bizzarerie commerciale.
Quant au va-et-vient de tous ces moyens de locomotion plutôt laids d’apparence dans le paysage historique des Jardins et la vision publicitaire qui accueille le visiteur dès son entrée, cela ne semble aucunement gêner les dirigeants du Château. Pourtant, l’un de leurs arguments pour supprimer l’espace de gratuité du Bassin de Neptune était de faire disparaître « les barrières métalliques disgracieuses » selon Laurent Brunner, installation qui « dégradait gravement l’aspect du jardin pendant plusieurs mois » renchérissait alors Jean-Jacques Aillagon dans un mail qu’il nous adressait. Moins inesthétiques dans le cadre Ancien Régime de Versailles et peut-être encore plus écologiques, le service des calèches a été supprimé en 2007 parce que trop cher pour les visiteurs, pour le domaine en frais de fonctionnement et trop destructeur pour les allées [11]. Dommage.
:: DES ATTAQUES DE PETITS TRAINS ::
D’AUTRES VIDÉOS SUR LOUVREPOURTOUS TV
[1] En 2009, les Grandes Eaux Musicales ont lieu tous les week-ends du 4 avril au 25 octobre de 9h à 17h30, ainsi que les jours fériés (excepté le 1er mai) et les mardis du 12 mai au 23 juin. A quoi se rajoutent le nouveau « spectacle » des Jardins Musicaux, les mardis du 30 juin au 29 septembre aux mêmes heures.
[2] « Note d’information à l’attention des riverains du Bassin de Neptune » par Laurent Brunner | 18.03.09.
[3] Véhicules électriques pour 4 personnes 30€/1h + 7,50€/ 15mn sup.
[4] « Après l’appel à concurrence lancé en 2002, l’année 2003 a vu le changement de concessionnaire du petit train, ce qui s’est traduit par l’instauration d’un véritable service public de transport avec l’augmentation des taux de rotation des véhicules, ainsi que par la révision de la méthode de calcul de la redevance. » Rapport d’activités 2003 de l’EPV. Le Château a confié la gestion du petit train à COMOX, entreprise du groupe VEOLIA TRANSPORT, premier opérateur privé européen de transport public.
[5] « La plus importante innovation de 2004 a consisté en l’installation d’une nouvelle concession de voitures électriques mises à la disposition des visiteurs afin de favoriser la découverte des jardins et de permettre aux personnes à mobilité réduite de se déplacer dans le parc. » Rapport d’activités 2004 de l’EPV.
[6] La loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier a donné une définition de ce qu’est une délégation de services publics. Son article 3 dispose « qu’une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service ».
[7] Le petit train accorde un tarif réduit de 4,50€ aux handicapés, les voitures électriques une réduction de 40% sur les tarifs pratiqués.
[8] Participation du Château à la mission « Culture et handicap » lancée en 2003 par le ministère de la Culture, création en 2004 d’un poste chargé des relations avec le public handicapé et comité de réflexion sur ces questions, formation « Accueil du public en situation de handicap » pour le personnel en 2005, offre culturelle spécifique avec visites conférences adaptées aux personnes sourdes et non ou mal voyantes, cheminement facilité depuis la place d’Armes jusqu’au Château à travers la cour d’honneur par une rampe d’accès, mise en place en 2006 d’un élévateur au parterre Nord, circuits de visite dans les jardins…
[9] Sur le site Internet du château, à la page « Services sur place », on peut lire : « Attention, les jours de Grandes Eaux, les seules personnes autorisées à acheter un billet de promenade en petits trains devront être détentrices soit d’un Passeport du château soit d’un billet »Grandes Eaux Musicales« ».
[10] « Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit. » Article L122-1 du Code de la Consommation.
[11] « Calèches maudites » par F.G., VERSAILLES PLUS n°1 | 04.07.