24 mars 2010 | DANS UNE RÉCENTE INTERVIEW accordée au blog monversailles.com par Jean-Jacques Aillagon encore président du domaine national de Versailles, la seule question qui fâche nous concernait. Il était demandé à l’ancien ministre de la Culture de réagir à « la polémique sur les tarifs lancée par Louvre Pour Tous ». Réponse : « Le Louvre pour tous aime trop la polémique. Sur ce point, il a été désavoué. A force de crier au loup tous les jours, il finit par devenir inaudible. Cela dit, ce type de média est nécessaire. Il entretient le débat et l’expression démocratique. M. Hasquenoph est toujours bienvenu à nos conférences de presse ». J’imagine que nous devons nous incliner devant la bienveillance de M. Aillagon.
Cela dit, qu’il nous permette de trouver un peu courte sa réponse sur les tarifs, attitude qui revient à botter en touche... comme d’habitude. Car si, comme il le dit, nous avons été désavoué, c’est uniquement sur la possible illicité des pratiques commerciales du Château, selon l’avis très partisan du numéro 2 de la direction générale de la Répression des fraudes. Avis totalement contestable si l’on veut bien avoir l’honnêteté d’examiner sa réponse du 9 novembre 2009 (ci-dessous) et non jugement puisque « sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux ». Ensuite, il n’est pas dit que la Cour des comptes ne mène un jour sa propre enquête (ce qui s’est effectivement déroulé et qui a donné jour un rapport sur les musées nationaux dont Versailles, voir dans chronologie ci-dessous mars 2011). Quant au ministère de la Culture, il se pourrait que, depuis la rue de Valois, on s’intéresse de près enfin à la gestion du domaine.
De toute évidence, M. Aillagon évite de répondre à la question très basique de l’excessivité du prix d’entrée au Château de Versailles, ce que personne vraiment ne conteste puisque, sous sa direction, le domaine est devenu l’établissement national le plus cher de France. Ce qui ne constitue certes pas un progrès dans l’optique d’une toujours nécessaire démocratisation culturelle. Un devoir pour un établissement public, qui plus est dirigé par un ancien ministre de la Culture.
Rappelons que le droit d’entrée à Versailles a carrément doublé en seulement 4 ans, accusant une hausse de 100% d’augmentation, passant de 7,50 € en 2005 à 15 € aujourd’hui ! Plus cher même qu’un domaine privé comme Vaux-le-Vicomte qui ne bénéficie d’aucune subvention. Là, aucune réponse. Pas plus que sur l’impossibilité nouvelle de visiter la grande exposition sans devoir payer obligatoirement pour la visite du château, ni sur les zones de gratuité toujours réduites comme pour les jardins de Trianon et du Hameau de la Reine. En réalité, depuis que nous avons soulevé ces questions et suivi par un certain nombre d’usagers des lieux, M. Aillagon n’a jamais répondu précisément à nos arguments, se contenant comme ici d’évacuer le problème d’un geste hautain de la main.
Rappel chronologique de nos démarches visant à dénoncer la dérive marchande de l’établissement public du Château de Versailles avec documents en lien :
9 juillet 2009 : publication en ligne de notre enquête sur 10 ans de tarifications au domaine national de Versailles : « Château de Versailles, la dérive commerciale... jusqu’à l’illégalité ? » accompagnée du témoignage d’une visiteuse et de l’interview d’une salariée, chargée d’information culturelle au château
28 juillet 2009 : saisie de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes des Yvelines demandant l’ouverture d’une enquête sur le respect par le domaine de Versailles du Code de la consommation.
28 juillet 2009 : saisie de la Cour des comptes demandant l’ouverture d’une enquête sur la gestion du domaine de Versailles.
28 juillet 2009 : lettre à Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture + dossier (enquête sur dix ans de tarifications au Château de Versailles, témoignage d’une visiteuse et interview d’une salariée) / Aucune réponse
28 juillet 2009 : lettre à Jean-Jacques Aillagon, président du domaine de Versailles pour l’informer de nos démarches + dossier (enquête sur dix ans de tarifications au Château de Versailles, témoignage d’une visiteuse et interview d’une salariée, copies des lettres au ministre de la Culture, à la DDCCRF et à la Cour des comptes) / Aucune réponse
11 août 2009 : réponse de M. Gérard Terrien, secrétaire général adjoint du Premier président de la Cour des comptes nous indiquant que notre courrier a été transmis au Président de la Troisième chambre.
OUVERTURE D’UNE ENQUÊTE PAR LA DDCCRF
20 août 2009 : réponse de M. Jean-Yves Savoie, inspecteur principal de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes des Yvelines nous informant de l’ouverture d’une enquête au domaine de Versailles, Mme Claire D., inspectrice, étant désignée pour la mener.
De septembre à novembre 2009 : parutions dans la presse d’articles sur le sujet (Le Monde, Politis, Journal des Arts, Nouvelles des Yvelines, France Télévisions, Le Parisien 78, Arts Magazine, Beaux-Arts, Versailles Plus. Voir revue de presse). Contacté à plusieurs reprises, le service Culture de l’AFP refusera sans explication de traiter l’information.
Début septembre : contact téléphonique avec Mme Claire D. de la DDCCRF qui nous confirme l’imminence de l’enquête.
14 septembre 2009 : seconde plainte à la DCCRF des Yvelines contre le domaine de Versailles par le Syndicat National des Professions du Tourisme (SNPT) CFE-CGC au sujet du double paiement imposé pour accéder au petit train lors des Grandes Eaux.
24 septembre 2009 : réponse de M. Jean-Yves Savoie, inspecteur principal de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes des Yvelines informant le Syndicat National des Professions du Tourisme (SNPT) CFE-CGC de l’ouverture d’une enquête au domaine de Versailles.
LA DDCCRF DÉSAISIE AU PROFIT DE LA DGCCRF
25 septembre 2009 : le service presse du Château de Versailles informe des journalistes que la Répression des Fraudes des Yvelines a été dessaisie du dossier au profit de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) sans que nous soyons nous-même au courant.
28 septembre 2009 : informé par les journalistes, nous nous faisons confirmer la nouvelle par M. Savoie / impossibilité d’avoir un contact à la DGCCRF.
L’AFFAIRE EST ÉTOUFFÉE
9 novembre 2009 : réponse d’Alain Gras, sous-directeur à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF).
Reconnaît l’illicité, en principe, de « la vente conjointe d’une prestation permanente (visite de monument ou d’une exposition permanente) et d’une exposition temporaire »
Mais rejette, pour Versailles, notre requête avec deux arguments :
Billet combiné Château + Expo serait justifié par la disposition des lieux : « Le fait même que l’exposition se déroule dans le cadre d’un château rend difficilement séparable les deux prestations ».
Nos contre-arguments : jusqu’ici les deux prestations étaient bien séparées en billetterie et physiquement, et elles ont continué à l’être jusqu’en janvier 2010 pour les publics bénéficiant de gratuités pour la visite du Château mais pas pour l’Exposition. Il n’y a donc aucun obstacle matériel à leur séparation. D’autant qu’il existe de multiples entrées possibles au château, comme celle de la cour haute de la Chapelle par où accédaient avant les visiteurs, toujours fonctionnelle, idéale pour rejoindre les salles réservées aux grandes expositions temporaires (salles d’Afrique et de Crimée).
Audioguide payant imposé dans le billet : « S’agissant de la mise à disposition d’audio guides, il n’est pas illégitime qu’un musée fasse le choix de proposer une prestation globalisée, incluant les audio guides qui apportent une réelle valeur ajoutée à la visite de l’exposition. Il peut être considéré également que l’audio guide, qui représente un coût réel, est amené à se substituer à d’autres formes d’information du public (affichettes, etc.), sous une forme plus confortable, et pour répondre à un souci de simplification des visites, qui peut présenter un intérêt également pour le consommateur ».
Nos contre-arguments : 1 - L’audioguide, valeur ajoutée ? Dans une enquête menée par le Baromètre des établissements culturels en Ile-de-France en 2006, notamment à Versailles, l’audioguide arrivait en dernière position du souhait des visiteurs comme mode de médiation (16%) (Rapport d’activités 2006 EPV) ; 2 – L’offre était bien disjointe au sens du Code de la consommation puisque les publics bénéficiant de gratuités avaient le choix de ne pas y souscrire ; 3 - À Versailles, l’audioguide ne se substitue à rien du tout puisque un dépliant gratuit d’aide à la visite « à fond historique et scientifique » en sept langues est mis à la disposition du public, en plus des cartels présents dans les salles du Château, au sol ou par des affichettes.
Aucune réponse de la DGCCRF sur les questions relevant du défaut d’affichage, de la publicité trompeuse et mensongère, du petit train...
En conclusion, au regard des réponses apportés par la DGCCRF, il est manifeste qu’aucune enquête n’a été menée sur le terrain, pas plus que notre dossier de plainte circonstancié n’a été étudié. Les arguments avancés par la DGCCRF sont sans fondement et partisans. L’affaire a simplement été étouffée.
25 novembre 2009 : réponse d’Alain Gras, sous-directeur à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) au Syndicat National des Professions du Tourisme (SNPT) CFE-CGC au sujet du double paiement imposé pour accéder au petit train lors des Grandes Eaux.
Rejette la requête au motif que : « Au cas particulier que vous exposez toutefois, le fait même que l’accès aux restaurants du parc et aux Trianons par le petit train se déroule dans le cadre des jours des Grandes Eaux dont l’accès est payant, rend difficilement séparable les deux prestations » alors que jusqu’en 2009, les deux prestations étaient séparées.
27 novembre 2009 : le service presse du Château informe les rédactions de la réponse de la DGCCRF.
1er janvier 2010 : nouvelle grille tarifaire du domaine de Versailles :
augmentation à 15€ (13,50€ en 2009) du billet « Château + Audioguide + Expositions »
augmentation à 13€ (11,50€ en 2009) de la réduction après 15h (réduction supprimée en avril 2010)
augmentation à 18€ (16€ en 2009) du Passeport en basse saison
augmentation à 10€ (6€ en 2009) du Domaine de Marie-Antoinette en basse saison
gratuité de l’audioguide et de l’exposition temporaire pour les publics bénéficiant déjà de gratuités pour les collections permanentes
gratuité du domaine pour tous 5 dimanches par an
8 février 2010 : Sept mois après l’envoi de notre courrier au ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, Lucien Giudicelli, son chef de cabinet, nous répond et nous informe que notre dossier a été transmis pour un « examen attentif » à Philippe Bélaval, directeur général des patrimoines. Notre dossier est alors confié à Françoise Wasserman, responsable du département de la politique des publics à qui nous adressons un courrier complémentaire. Aucune réponse à ce jour.
Mars 2011 : publication par la Cour des comptes du rapport Les musées nationaux après une décennie de transformations qui a pris en compte notre plainte et dans lequel la politique tarifaire du château de Versailles est particulièrement épinglé.