03.06.09 | Sur son blog activé depuis le château de Versailles dont il est président, l’ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon donne son sentiment sur le recours au Conseil d’Etat déposé par l’association SOS RACISME contre la décision de limiter aux seuls jeunes Européens la gratuité des musées et monuments nationaux, instaurée le 4 avril en France [1].
Commettant une curieuse bourde dans la genèse qu’il dresse de la situation quand il rappelle que « le candidat Nicolas Sarkozy annonc[ait] dans son projet présidentiel l’instauration de la gratuité dans les musées pour les moins de 26 ans » alors que la promesse de campagne valait pour tous les âges, Jean-Jacques Aillagon affirme que la restriction de nationalité ne devait évidemment pas être motivée par une quelconque volonté de discriminer qui que ce soit mais être plutôt le résutat de « rapides considérations juridiques » par l’obligation faîte aux Etats de l’Union européenne de faire bénéficier des mêmes avantages leurs ressortissants. Petit coup de canif’ pour sa consoeur...
Certes, mais on imagine que cette restriction, si elle lui semble respecter le droit ce que conteste SOS RACISME, est surtout d’ordre économique, le président du château de Versailles rappellant à juste titre que "la fréquentation payante des 18-25 ans représent[ent] pour les musées, notamment les plus fréquentés, une partie significative de leurs recettes et donc de leurs ressources, d’où l’engagement de l’Etat d’indemniser les établissements à hauteur de leur perte. Combien en coûterait-il pour tous les jeunes de la planète ?
UNE MESURE VEXATOIRE
Cependant, Jean-Jacques Aillagon reconnaît le caractère « vexatoire » de la mesure - n’est-ce donc pas là déjà de la discrimination ? - pour des jeunes se sentant injustement exclus de la mesure comme les Suisses par exemple ne faisant pas partie de l’Union européenne et, globalement, tous les jeunes étrangers qui, selon leur nationalité, se sentent plus attachés historiquement et culturellement à certains établissements. Pour Versailles, il cite par exemple les jeunes Américains qui ne sont pas sans ignorer que le plus généreux mécène du domaine - son « sauveur » dans les années 30 - fut l’un des leurs, en la personne du milliardaire John Rockefeller. Il pense aussi, à Paris, aux jeunes Asiatiques allant visiter le musée Guimet ou aux jeunes Africains se rendant au Musée du Quai Branly.
Mais Jean-Jacques Aillagon évoque aussi « les difficultés techniques » qu’entraîne l’application de la mesure pour les établissements de l’envergure de Versailles, par la nécessité de faire passer les actuels jeunes bénéficiaires de la gratuité tout de même en caisse afin de leur délivrer une contremarque, seule manière fiable pour évaluer le manque à gagner. Et il s’agit là d’un énorme problème logistique dont les personnels des musées en premier font les frais tous les jours depuis le 4 avril, et qui les transforme, pour paraphraser Dominique Sopo, président de SOS RACISME, en auxiliaires de police à devoir exiger la carte d’identité de chaque jeune qui se présente.
Et c’est là qu’on voit toute l’impréparation du ministère de la Culture, tant juridique que pratique, pour une mesure qui avait pourtant les faveurs de Christine Albanel depuis bien longtemps, avant même le début de l’expérimentation de la gratuité totale dont les résultats ne changèrent strictement rien à ses plans. Ses services auraient eu donc tout loisir pour plancher sérieusement sur la question. D’autant que la nouvelle idée émise par la ministre de la Culture à l’Assemblée nationale le 7 mai, reprise d’une proposition de la députée Martine Billard, d’étendre la gratuité à tous les jeunes résidents en France, quelle que soit leur nationalité, ne manquerait pas d’entraîner un autre pataquès juridique car comment justifier alors, pour une même nationalité, deux traitements différents fondés cette fois sur un critère territorial. Ne serait-ce pas plus encore discriminatoire et les personnels devraient demander alors les cartes de séjour !
Mais c’est notre ex-ministre de la Culture qui a sans doute trouvé la solution. En défendant le même principe territorial que sa sucesseure, au nom de « l’idée que la culture est par excellence un bien qui appartient de façon universelle à tous les hommes » comme en témoignent, note-t-il, les classements au patrimoine mondial de l’UNESCO dont bénéficie justement le château de Versailles, M. Aillagon justifie, nous semble-t-il, plutôt le bien-fondé d’une gratuité universelle, c’est-à-dire pour tous, qui serait bien la seule mesure non discriminante. Merci pour l’argument.