09.04.11 | EXPOSITION « LES HUGOBJETS » À LA MAISON VICTOR HUGO, À PARIS : TARIFS, HORAIRES, ACCÈS - Une exposition qui invite à « manger Hugo », à « fumer Hugo », à se « chauffer Hugo », à »écrire Hugo« ou à »chanter Hugo"...
OBJETS EXPOSÉS
Quasi totalité de la collection Paul Beuve donnée au musée à sa création en 1902 : 500 objets dérivés à l’effigie de Victor Hugo fabriqués pour ses 80 ans et à l’occasion de ses funérailles en 1885.
Objets « populaires » entrés au musée après 1902 comme les objets du bicentenaire de la naissance de Hugo en 2002 (on regrette qu’ils n’aient pas été présentés à part)
Le tout présenté en 11 groupes thématiques : écrire, chanter, lire, célébrer, imagerie, calendriers, jouer, fumer, vêtir, représenter, manger.
« Reliques » et souvenirs personnels collectés par Hugo et sa famille, photographies diffusant son image (portraits et cartes de visite) et de dessins
COMMISSAIRES DE L’EXPOSITION
Vincent Gille, chargé d’études documentaires à la Maison de Victor Hugo
Claire Lecourt-Aubry, attachée de conservation à la Maison de Victor Hugo
SCÉNOGRAPHIE & GRAPHISME
Vincen Cornu assisté de Julien Brunel et Moogyu Choi
UNE EXPOSITION PRIVÉE D’AFFICHE ! C’est avec étonnement que nous avons reçu ce carton d’invitation uniformément bleu sans aucun visuel, d’autant plus pour une exposition basée sur l’imagerie et qui se prête à merveille à l’illustration graphique. On a ensuite eu la confirmation navrée que l’exposition, pour son lancement, ne disposait d’aucun identifiant visuel. Non que les concepteurs n’en aient conçu mais l’affiche proposée a été refusée en haut lieu, par la Direction des affaires culturelles (DAC) on suppose, pour des questions non polémiques parce que le visuel n’avait parait-il rien de transgressif mais de goût ! Cela paraît d’autant plus étonnant qu’on imagine que l’affiche était en adéquation avec la scénographie et le graphisme de l’exposition qui sont très bien. Résultat : une exposition invisible sur les panneaux d’affichage de la ville. On voudrait couler une expo qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Curieuse manière de promouvoir un lieu pour une Mairie qui s’est plaint, à travers plusieurs rapports, d’un manque de visibilité de ses « petits » musées et drôle de respect pour une équipe qui s’est échinée à concevoir une exposition originale et attractive. Espérons que ce manque sera rapidement comblé pour que la manifestation qui le mérite puisse trouver son public.
L’EXPOSITION
Une exposition pittoresque, intrigante et fascinante qui nous fait évidemment penser à celle consacrée l’année dernière, à la Galerie des bibliothèques de Paris, à la Rimbaudmania à la différence près que la Hugomania naquit pleinement du vivant de son auteur. Une surprise car s’il y a un personnage qu’on n’aurait pas imaginé réduit en pin’s, broches et autres breloques, c’est bien Victor Hugo qui, dans notre imaginaire collectif, fait figure de génie absolu niché dans les limbes célestes de la pensée et de la littérature. Le voir en fond d’assiette, décorer un menu ou incrusté en bouton de manchette fait quelque peu descendre de son piédestal l’auteur de La Légende des siècles. Mais peut-être plus que d’Hugo lui-même, l’exposition nous parle du processus de déification laïque d’un homme, entre panthéonisation et marchandisation. Or, pas de religion sans fidèles, fut-elle républicaine. L’exposition dessine alors, en creux, le portrait du modeste employé de bureau à l’origine de cette collection improbable, un nom passe-partout : Paul Beuve. Archétype du fan moderne, le terme d’hugolâtre semble avoir été inventé pour lui : « Il vénère Hugo, comme on adore Dieu, par élan de foi et modestie. Il ne le discute, ni ne l’explique. Il le subit. Et de même que les anachorètes ornaient l’autel du Seigneur - n’ayant pas d’objet plus précieux à y déposer — de branches et de coquillages, de même Paul Beuve consacre à son idole de pauvres reliques » peut-on lire dans un livre consacré à sa collection [1]. Et l’on pense un peu honteux à ces reportages de fans de Johnny que la télé chérit.
De retour des funérailles du grand homme en 1885 avec en main une assiette à son effigie, « touché par la grâce », notre employé se mue en chineur compulsif : « il était dévoré par cette étrange inquiétude et cette fièvre auxquelles se reconnaissent les collectionneurs ». Hantant les Puces, il se jette sur tout ce qui peut se rapporter à son idole jusqu’à s’habiller « sordidement » pour gagner la confiance des ferrailleurs et faire les poubelles. Sans beaucoup de moyens, il prétendait ne jamais dépenser par objet « plus de dix sous ». Et, en un peu plus de quinze ans, il réussit à en amasser pas moins de 8 000 dans son appartement de Levallois-Perret, ce qu’il appelle son magasin. Hugo sur tous supports : « le bois, le fer, le papier, le pain d’épice. Il recueillait avec la même avidité, la vieille planche de caricatures, la boîte de conserve, le calicot imprimé... ». Autant de babioles sacrées qu’il « astique et époussette » sous le regard de son chat noir répondant au doux nom de... Quasimodo. On apprend que Victor Hugo ne fut pas, à cette époque, le seul à générer un merchandising de commémoration, il en fut de même à la mort de Thiers ou de Gambetta mais, avec lui, le phénomène prit une ampleur sans précédent, dès son vivant. A la fin de sa vie, il fait figure de patriarche et de conscience nationale, voire universelle.
Quand Paul Beuve finit par rencontrer par hasard l’homme de lettres Paul Meurice, coexécuteur testamentaire du poète vénéré, celui-ci, loin de se moquer de sa passion fétichiste, l’associe à son projet de maison-musée Victor Hugo. Leur but commun selon Beuve : « Elever un monument en des milliers de morceaux au Roi du XIXe siècle ». Ainsi, une partie de la naïve et touchante collection de « l’obscur bureaucrate » trouve-t-elle place dans le temple inauguré en 1903 place des Vosges, au troisième étage de l’hôtel particulier que l’écrivain habita un temps. Présentée dans une pièce baptisée « le musée populaire », ne serait-il pas intéressant de l’exposer à nouveau de manière pérenne ? La collection fait également l’objet d’un catalogue raisonné, « petit recueil hugolâtre » publié « par le peuple et pour le peuple », sorte de liste à la Prévert illustré de seize planches : Victor Hugo par le bibelot. Il faut en lire la préface savoureuse d’Henri Brisson (lire ci-dessous) dans laquelle il admet « l’extrême laideur » de certains objets jusque parfois « l’ignonimie » mais qui, « à cause de leur humilité même » constituent pour lui « le plus frappant des témoignages » de la popularité du grand homme. Consécration suprême, le fan est promu premier bibliothécaire des lieux.
A travers ces objets parfois incongrus - Hugo en pot à tabac, Hugo en savonnette, Hugo en pommeau de canne... -, on mesure en effet l’immense popularité de l’auteur de Notre-Dame-de-Paris. Une icônification marchande tellement répétitive, parfois totalement niaise - parce qu’auteur de L’Art d’être grand-père, on le retrouve aussi en produits dérivés pour enfants : à découper, à plier, à colorier, en carte à jouer -, qu’elle finit par le vider de toute substance. A en oublier que derrière cette tête de chenet, se cache l’ardent militant pour l’abolition de la peine de mort, le défenseur des opprimés et des proscrits, l’ennemi politique de Napoléon III. La panthéonisation est sans doute à ce prix. L’homme pour devenir héros universel doit gommer, à sa surface, toute aspérité clivante, l’étape suivante étant sa dilution dans le commerce. On pense à nos stars modernes réincarnées en coussin ou en tee-shirt, et dans les boutiques de nos musées nationaux, on pense, au Louvre, à la Joconde ou, à Versailles, à Marie-Antoinette en gomme... Quel sort cruel fait-on subir aux idoles qu’on adore.
Le paroxysme de cette starification sera atteint à la mort de Victor Hugo dans sa quatre-vingt troisième année. On en prend conscience en découvrant avec stupéfaction des affiches de magasins annonçant leur fermeture exceptionnelle pour l’occasion, informations à la clientèle formulées comme des haïkus surréalistes : « A cause des obsèques de Victor Hugo la mise en vente des soldes est remise au lundi 8 juin » ; ce jour-là des malins en profitent pour proposer la location de vues imprenables sur le cortège : « Funérailles de Victor Hugo - A louer 60 places au premier étage Boulevard Saint-Germain » quand un commerçant revendique l’exclusivité de la fabrication et de la vente du « seul emblème authentique Victor Hugo monté en épingles et en broches ». Une exploitation commerciale qui en choqua quelques uns, notamment le socialiste révolutionnaire Paul Lafargue, lequel dans un pamphlet rageur - La Légende de Victor Hugo - s’en prit à l’idolâtrie imméritée selon lui du grand homme.
Mais un autre aspect que l’on découvre au travers cette drôle d’exposition plus profonde qu’elle n’y parait, c’est que Victor Hugo ne fut pas étranger à sa propre déification. Inspiré comme toujours, Victor Hugo fut le premier artisan de son image, faisant savamment sa promotion en distribuant des cartes de visite photographiques où il apparaît dans des poses conformes à son statut de poète, offrant autour de lui des dessins où son nom envahit en perpective le paysage, et, ce qui est pour le moins inattendu, s’offrant à la publicité ! « Il n’est pas un fabricant d’encre ou de plumes qui n’ait essayé de mettre ses produits sous le patronage de Victor Hugo, nous raconte Henri Brisson. Il se défendait mollement contre leurs entreprises, il était bon prince : les autographes ne lui coûtaient guère, même lorsqu’on lui demandait dans une intention de lucre. Le géant tolérait que quelques Myrmidons vécussent des aumônes de sa magnanimité ». Est-ce vraiment si mollement qu’il s’est laissé écrire la phase qu’un marchand d’encre reproduira astucieusement en fac-similé sur ses étiquettes et qui eut l’effet escompté en augmentant ses ventes : « Désormais je ne me servirai que de cette encre. Victor Hugo ».
Fondateur de sa religion, on le découvre, suivi par sa famille, collectionneur des reliques de sa propre vie, soigneusement étiquetées par ses soins : mèches de cheveux recueillies à différents âges conservées dans une boîte sous verre, petite cuillère de sa petite-fille Jeanne, morceaux de pain rassis datant du siège de Paris en 1871... Noyé d’images, d’objets, de signes, on ressort troublé et après avoir fait un tour à l’étage supérieur pour visiter l’appartement de l’écrivain, on se dit qu’on ferait bien de replonger dans son oeuvre immense pour ne pas commettre un lapsus à la Frédéric Lefebvre, en parlant par exemple des Misérables d’Hugo Boss :: Bernard Hasquenoph
TARIFS
Plein tarif : 5 €
Tarif réduit : 2 € pour les titulaires des cartes « Paris Famille » et « Famille nombreuse », enseignants, animateurs de centres de loisirs de la Ville de Paris, documentalistes des établissements scolaires, chômeurs, bénéficiaires du RMI, plus de 60 ans
Gratuit : moins de 14 ans, personnes handicapées et leur accompagnateur, artistes
Après l’exposition, n’hésitez pas à visiter, au deuxième étage, l’appartement de Victor Hugo qui reconstitue les décors de plusieurs de ses habitations successives. L’accès y est gratuit comme toutes les collections permanentes des musées de la Ville de Paris.
DATES & HORAIRES
Du 8 avril au 28 août 2011
Exposition et musée fermés le lundi et les jours fériés
Exposition et musée ouverts du mardi au dimanche de 10h à 18h
AUTOUR DE L’EXPOSITION
Petit journal de l’exposition, éd. Paris-Musées, 2011, 3 €
Visites conférences de l’exposition (1h30) à 16h : 7, 14, 21, 28 mai ; 4, 11, 18, 25 juin ; 2, 9, 13, 23, 27 juillet ; 3, 12, 27 août
Visite en lecture labiale : 4 juin à 11h
ADRESSE
Maison de Victor Hugo
Hôtel de Rohan-Guéménée
6, place des Vosges
75004 Paris
Tél. 01 42 72 10 16
Site Internet : www.musee-hugo.paris.fr
Page Facebook
ACCÈS ET PLAN
Métro : station Bastille, Saint-Paul ou Chemin-vert
Bus : 20,29,69,76,96
Vélib’ : 27 bd Beaumarchais, 26 rue Saint-Gilles, 36 rue de Sévigné, 11 rue de la Bastille
Si vous constatez des erreurs dues à des changements dont nous n’aurions pas eu connaissance, veuillez nous en excuser et nous en informer. Merci
« Victor Hugo par le bibelot » par Henri Daragon, préface de Adolphe Brisson, 1902
Pour consulter et télécharger le livre en entier : cliquez ici.
[1] Victor Hugo par le bibelot par Henri Daragon, préface de Adolphe Brisson, 1902. La plupart de nos citations proviennent de la préface de ce livre consultable en fin d’article. D’autres sont extraites du très instructif petit journal de l’exposition (éd. Paris-Musées, 2011, 3€).