MARTINE BILLARD, DÉPUTÉE Vert de Paris, mettant en cause Henri Loyrette, Président-Directeur du Louvre, dénonçait déjà la marchandisation du musée :
LOUVRE : LES MARCHANDS AU COEUR DU TEMPLE DE LA CULTURE
Le Président-Directeur du musée du Louvre, Monsieur Loyrette, a autorisé le groupe Carrefour à occuper la Cour Carrée du Louvre lundi prochain, le 10 mars, pour un dîner de prestige réunissant 2 500 invités.
La préparation de cet événement donne lieu à l’occupation de la Cour depuis le 17 février et jusqu’au 17 mars ; et de l’esplanade Saint Germain L’Auxerrois, depuis le 13 février et jusqu’au 17 mars. Chapiteau, véhicules divers et baraques de chantier s’ajoutent donc aux baraquements qui encombrent les douves depuis des années, sans qu’on sache d’ailleurs bien pourquoi, compte-tenu de leur peu d’utilisation effective.
Ainsi, l’espace public peut être privatisé au profit des intérêts particuliers d’une grande entreprise, un lieu de culture peut être livré à une manifestation aussi éloignée de la mission de service public qui incombe à un musée national... Avec tous les inconvénients afférents pour les visiteurs et pour les riverains !
Il est vrai que dans le même temps, les demandes d’aménagements des Jardins des Tuileries, formulées par les riverains, et visant à en permettre une utilisation populaire et familiale, sans pour autant nuire au prestige des lieux, sont systématiquement rejetées, alors que des animations commerciales y sont autorisées. Il y a bien une cohérence d’ensemble dans ces logiques d’occupation des lieux.
Martine Billard a adressé ses vives protestations au Président-Directeur du Louvre et au Ministre de la Culture. La seule réponse reçue à ce jour, celle de Monsieur Loyrette, apporte un élément intéressant : il s’agit d’un « dîner auquel devraient également participer plusieurs membres du gouvernement. » Cette curieuse conception du service public s’accompagne donc d’une tout aussi curieuse conception de l’exercice des responsabilités publiques : au service de qui se place-t-on, au service de la population ou au service des intérêts de quelques patrons ?
Ce triste épisode résume la nouvelle donne impulsée par le gouvernement Raffarin : mépris de la Culture -au budget rogné-, abandon des principes de base du service public, fonctionnement en vase clos d’un petit monde si éloigné de la France « d’en bas » - comme ils disent !
Martine Billard, Députée de Paris, communiqué à la presse | mars 2003
Mais il n’y eut pas que Martine Billard des VERTS dans la bataille puisque le maire UMP du 1er arrondissement, Jean-François Legaret, s’insurgea également, jusqu’à interpeller le Ministre de la Culture de l ‘époque, Jean-Jacques Aillagon. La presse s’en fit l’écho :
POLÉMIQUE AUTOUR D’UN DÎNER PRIVÉ AU LOUVRE
Ce soir, 2 500 invités se presseront dans la cour Carrée du Louvre pour assister à un dîner de prestige dans le plus flamboyant site historique de Paris. Ces convives triés sur le volet, qui dîneront au pied des façades historiques, sont les invités du groupe Carrefour, qui réunit ses directeurs.
Pour un montant resté secret, le grand distributeur s’est offert la cour Carrée « dans le cadre d’un plan de mécénat », observe le service de communication du Louvre, qui a vu fondre sur lui les critiques du maire UMP du I e r , Jean-François Legaret, et de la députée Martine Billard (les Verts), laquelle dénonce la présence « des marchands du temple au coeur du temple de la culture ».
Ainsi, selon le musée, Carrefour, mécène qui finance les Journées du patrimoine du Louvre et des ateliers pédagogiques pour enfants (mais, là encore, le montant est secret), était en droit d’attendre une contrepartie : « Il faut bien une incitation au mécénat culturel, ajoute-t-on. Et le musée assume tout à fait. » Grâce à des dons qui ne sont donc pas tout à fait désintéressés, la société peut donc s’offrir le droit de planter 2 500 couverts dans la cour Carrée. « Je n’en veux pas à Carrefour, je comprends qu’ils recherchent un site prestigieux comme l’avait fait avant eux Vivendi », tempère Jean-François Legaret : " Le problème, c’est la direction du musée qui fait une utilisation commerciale du site.
Car, en plus de la soirée, pour les besoins des équipes techniques, la direction a également autorisé l’utilisation de toute l’esplanade et de la colonnade du Louvre, du 13 février au 18 mars « , tempête le maire du I e r , dont le bureau donne en direct sur les préparatifs. Sous ses yeux, conteneurs, groupes électrogènes, bungalows et palissades, » des palissades qu’on m’a dit décoratives. Il faut les voir ! Bref, l’entrée historique du musée est transformée en entrée de service ! ".
Jean-François Legaret, qui s’est indigné de cette autorisation, rencontrera Jean-Jacques Aillagon, le ministre de la Culture, cette semaine pour s’en plaindre, « tout comme je déplore la fermeture de la colonnade Perrault. Tout ça, sous prétexte de plan Vigipirate alors qu’en réalité le but du Louvre est d’obliger tous les visiteurs à passer par la pyramide et par la galerie commerciale qu’elle dessert. Voilà le véritable motif. »
« C’est un mauvais procès qu’on nous fait », répond à ce propos le Louvre. La députée Martine Billard n’est pas plus tendre : « Ainsi, l’espace public peut être privatisé au profit des intérêts particuliers d’une grande entreprise et un lieu de culture livré à une manifestation très éloignée de la mission de service public qui incombe à un musée national. » Pendant ce temps, ajoute-t elle, « les demandes d’aménagement des jardins des Tuileries pour les familles sont systématiquement rejetées ». Pis, en réponse à ses protestations, « le président directeur du Louvre m’a fait préciser qu’il s’agissait d’un dîner auquel devraient participer plusieurs membres du gouvernement ! Voilà donc une conception encore plus bizarre de l’exercice des responsabilités publiques », dénonce-t-elle.
M.C.
Le Parisien | 10.03.03
LE DÎNER DE CARREFOUR TOUJOURS DANS LE COLLIMATEUR
L’association Accomplir qui réunit des habitants du I e r arrondissement a distribué lundi soir un millier de tracts titrés : « l’Hypermarché s’invite dans l’hypermusée », protestant contre le dîner de gala organisé par le groupe Carrefour dans la cour Carrée du Louvre pour deux mille cinq cents invités.
Six membres de l’association, dont la députée des Verts Martine Billard, s’étaient postés entre les sorties du métro Palais-Royal et l’entrée des baraquements, devant la colonnade du Louvre, expliquant aux passants et à quelques invités surpris les raisons de leur colère.
Parallèlement, le maire du I e r arrondissement, Jean-François Legaret, a rencontré le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, pour lui faire part, en plus du dîner et de ses nuisances, de ses griefs sur l’état d’abandon des douves du Louvre et de la colonnade de Perrault. Des critiques qu’il a aussi déposées sous forme de voeux devant la commission du Vieux Paris, qui l’a votés à l’unanimité. « Le ministre s’est engagé à intervenir auprès de la direction du Louvre pour qu’elle entretienne mieux son environnement, précise Jean-François Legaret . Pour le reste, il m’a indiqué qu’il encourageait les grands musées à rechercher des ressources à travers le mécénat. Il se peut donc que d’autres soirées aient lieu. Pour une concertation minimum, je vais donc demander au directeur général du Louvre de venir s’exprimer devant le Cica du I e r arrondissement et la commission des animations et expositions », conclut le maire.
L.P.
Le Parisien | 12.03.03