13.11.2024 l « CE N’EST PAS LE DISNEY de la Première Guerre », insiste un élu en début de visite-presse, non sans ironie puisque Disneyland est dans le même département de Seine-et-Marne (77), en partenariat avec le musée qui fait bénéficier ses employé·es d’un tarif réduit. Nouvel espace pédagogique de ce musée ouvert en 2011 consacré à la Première Guerre mondiale, la tranchée est une reconstitution de ce qu’on appelle le « système-tranchées », dispositif creusé par les soldats de 14-18 en première ligne et deuxième ligne pour s’abriter, surveiller, attaquer l’ennemi…
Synthèse de ce qui a existé à différents endroits, l’espace scénographié propose un parcours à ciel ouvert sur 800 m², réalisé en résine avec des éléments de bois, ponctué d’une dizaine de stations comme poste d’observation, créneau de tir, sape de mine (où il faut quasi ramper), salle d’opération ou abri (avec meubles de fortune et objets), s’ouvrant sur un no man’s land d’où émergent arbres éclatés et matériaux divers. Visuellement, c’est très réussi. Il faut vraiment s’approcher pour réaliser que ce n’est pas de la terre.
Par obligation réglementaire, le lieu se devant d’être accessible à tous les publics, y compris en chaise roulante et c’est très bien, les tranchées, au sol de béton, sont plus larges qu’elles ne le furent. Malgré cela, la tranchée est suffisamment réaliste pour être crédible, tout en étant clairement un décor. Les historiens Michaël Bourlet et François Cochet, commissaire d’une exposition au musée en 2022 sur les tranchées dont il demeure un très beau catalogue, apportent leur caution scientifique. Une bande-son accompagne la déambulation, entre chant d’alouette, voix et tirs.
Des panneaux, peu nombreux, délivrent les explications principales, à compléter via des QR codes. Pour des raisons de coût et de maintenance (on est dehors), il n’a pas été possible d’intégrer de la vidéo. Le jour de notre visite, l’association reconstitutionniste Scènes et Marne 1914 animait sympathiquement le site.
A voir comment le public s’emparera de cet original projet de muséographie immersive, inédit paraît-il en France, signé OCAM Architecture avec l’Atelier Adess pour la partie sculpture, et qui aura coûté la somme de 1,5 million d’euros, provenant pour l’essentiel de subventions publiques et de nombreux mécènes, la part de la communauté d’agglomération du pays de Meaux, propriétaire du musée, s’élevant à 200 000 euros.
La tranchée était-elle indispensable au musée, vu que deux portions de tranchées sont déjà reconstituées à l’intérieur, certes juste offertes à la vue ? En tout cas, c’est une bonne idée pour lui apporter un nouveau souffle, une plus grande attractivité (y compris pour le public scolaire, très nombreux à venir si tant est que cela ne se résume pas à une attraction justement) et de plus fortes recettes. A cette occasion, le tarif plein passe de 10 à 12€.
LE MUSÉE DE LA GRANDE GUERRE
Situé sur les terres de la Première bataille de la Marne, le musée de la Grande Guerre est né de l’achat avisé par la communauté d’agglomération du pays de Meaux, à l’initiative de son président et ancien ministre Jean-François Copé (LR), de la très riche collection d’un passionné de la Première Guerre mondiale, Jean-Pierre Verney, ami du dessinateur Jacques Tardi qui ouvre, par une fresque, le parcours. Son ouverture fut assez critiquée, dans un contexte politique particulier puisque le musée fut inauguré en 2011 par le président de la République Nicolas Sarkozy, lequel ne l’avait pas fait en 2007 pour le musée (pourtant national) de l’Histoire de l’immigration et en pleine polémique sur son projet de Maison de l’Histoire de France qui ne verra jamais le jour.
Les critiques portaient sur la muséographie jugée trop spectaculaire, aseptisée au regard du caractère ultra meurtrier du conflit et sans réel propos. Pour l’avoir découvert à l’occasion de l’ouverture de la tranchée reconstituée et parcouru rapidement, ça n’a pas été mon impression. On découvre d’abord le bâtiment radical et brutaliste, rectangle de béton et de verre semblant en lévitation au-dessus du sol, conçu par l’architecte Christophe Lab. Il iimpose de suite une ambiance de gravité, qui sied au sujet.
Le parcours s’articule en sections, chronologiques et thématiques (corps en souffrance, troupes coloniales, place des femmes, tactique militaire…). On est impressionné, et parfois noyé c’est vrai, par la quantité d’objets, uniformes et documents exposés, constituant un formidable lieu-ressources. Au cœur du musée, la nef est assez haute pour accueillir des avions suspendus au plafond, un taxi de la Marne (offert par G7) et autres engins de guerre mêlés à de la vidéo et des pans de tranchées reconstituées… Plutôt attractif pour le public scolaire, en nombre le jour de notre visite et qui avait l’air d’apprécier.
On est un peu étonné de trouver des dioramas (à l’ancienne) sauvés de justesse par des mannequins non pas de cire mais couleur plâtre. Certains mobiliers sont plutôt lourds, comme ces sortes de comptoirs où l’on peut s’asseoir pour visionner des images ou ces grosses vitrines cubiques dans lesquelles sont enfermés des mannequins soldats marchant au combat… On reste scotché, comme toujours, devant l’artisanat des tranchées, ces multitudes d’objets utilitaires ou artistiques créés par les Poilus avec les moyens du bord, jusqu’à des guitares à base de poêle à frire ! Le musée propose des expositions temporaires qui ont l’air passionnantes, comme celle en cours, jusque fin décembre 2024, « Combattre loin de chez soi. L’empire colonial français dans la Grande Guerre ».
MUSÉE DE LA GRANDE GUERRE
Rue Lazare Ponticelli
77 100 Meaux
www.museedelagrandeguerre.com
Tarifs : 12€ / 9€ / 5€ (à partir de 16h30 en semaine) / Gratuités
Musée + expo + tranchée
A noter : petite navette gratuite entre la Gare de Meaux et le musée tous les week-ends
Conditions de visite :: 8 novembre 2024, visite de presse sur invitation de l’agence de l’Observatoire : car, visite, déjeuner, catalogue, goodies.