19.02.2018 | BIENTÔT UN « CLUB LGBTQI+ » au sein de la prestigieuse Ecole du Louvre ! L’annonce toute récente faite sur les réseaux sociaux aurait de quoi réjouir, l’établissement d’enseignement supérieur plus que centenaire du ministère de la Culture rejoignant le club des grandes écoles abritant en son sein, depuis désormais longtemps pour la plupart, ce type de cercle convivial. Même s’il semblerait qu’il s’agisse ici pour l’instant d’une coquille vide puisque, selon l’appel lancé, tout reste à inventer.
En réalité, c’est l’épisode final d’une histoire moins glorieuse. Derrière la bonne nouvelle, se cache l’éviction d’une association hyper dynamique, Polychrome, qualifiée par commodité de LGBT car menant depuis des années un travail original sur des thématiques englobant la dimension Queer. Faisant figure d’OVNI dans un milieu réputé, sans jeu de mots, conservateur, après des mois de tension, celle-ci a été exclue du Bureau des élèves. Explications teintées d’amertume avec Anatole, l’un de ses membres. On le serait à moins. Du beau gâchis.
Pouvez-vous nous présenter l’association Polychrome ? Comment est-elle née et quelles sont ses activités ?
Anatole. Polychrome est une association que nous avons créée en 2010 avec une poignée d’élèves de l’École du Louvre, conscient.e.s d’une part de l’absence quasi-totale d’espace critique au sein des cours proposés en Histoire générale de l’Art - et assez largement aussi dans les cours de spécialité - pour toutes les questions qui touchent de près ou de loin aux représentations du corps, du désir et du genre. D’autre part, nous pensions qu’il était possible de développer une forme de militantisme culturel, qui était à l’époque assez maigre à Paris, en organisant des conférences, des visites d’expositions - en les lisant un peu de travers -, des ateliers ou des projections de films.
Il existe d’autres associations d’élèves rattachées à l’École du Louvre ?
Il existe trois véritables associations à l’École du Louvre : le Bureau des élèves dit BDE [comme dans toute école ou université, NDLR], l’Association de l’École du Louvre dont le but est de créer des liens avec les anciens élèves, et l’Aumônerie [1]. La vie étudiante est cependant principalement animée par des clubs, qui sont des groupes internes au BDE que l’on empêche de se constituer en association loi 1901. Une exception avait été faite pour Polychrome, lui permettant d’avoir un compte en banque, d’autres subventions… tout en restant un club du BDE.
Sur les réseaux sociaux, des informations ont circulé comme quoi votre association était expulsée de l’Ecole du Louvre. Est-ce exact ?
Polychrome était un club du Bureau des élèves, c’est donc cette instance qui a décidé de nous expulser. La « dissolution » a été votée au début du mois de novembre dernier, ce qui signifie que nous ne pouvons plus depuis emprunter de locaux à l’école, ni faire partie de sa déjà maigre vie étudiante. Plusieurs raisons, qui avaient déjà été l’objet de tensions l’année passée, ont été invoquées : le statut associatif de Polychrome qui posait maintenant problème, un désintérêt de la part des élèves, un manque de visibilité de Polychrome au sein de l’école - quand le BDE ne relayait pas nos éléments de communication… (De fait, par exemple sur Twitter, on ne trouve rien au-delà de 2015, NDLR) -, une convention jamais effectivement signée et un trop grand nombre de personnes extérieures présentes à nos conférences.
Rien n’a été tenté pour éviter votre départ ?
En juin 2017, une réunion nous avait laissé.e.s confiant.e.s quant à la possibilité de trouver un terrain d’entente. Espoirs rapidement évaporés puisqu’à la rentrée, le BDE évoquait un « quiproquo »… C’est après une première tentative ratée, faute d’avoir suffisamment de votants, et deux autres réunions que Polychrome a finalement été rayée de la liste des clubs. Nous n’avions été conviés à aucun des deux votes, pas même informés…
Et vous parliez d’une convention ?
Fin novembre, alors que le ministère de la Culture venait d’obtenir les labels « Égalité » et « Diversité » de l’Association française de normalisation (AFNOR), la direction de l’École s’en est mêlée pour inciter le BDE - ou forcer, c’est selon - à nous proposer une nouvelle convention pour le restant de l’année 2017-2018. Ce n’est finalement que ce lundi 12 février, après deux mois d’attente, que ce texte nous a été soumis. Nous avons refusé de le signer.
Pourquoi donc ?!
Celui-ci ne proposait - comme prévu - qu’un « report de radiation » au 30 juin 2018 pour nous permettre de réaliser une transition plus douce vers un après de l’École du Louvre. Cela fait aujourd’hui déjà plus de cinq mois que nous ne pouvons plus y déployer nos activités. De plus, nous n’aurions pu organiser des événements qu’à partir de mars alors que les révisions commencent en avril. A ce stade, l’idée de transition a beaucoup perdu de son sens. Cette réintégration provisoire nous a été présentée comme une faveur désintéressée… sur fond de menaces voilées (des factures exorbitantes à Polychrome, son autonomie au BDE). Il nous semble plutôt que cette réintégration provisoire permettait à l’École d’éviter un temps la menace d’une mauvaise publicité.
Vous comptez protester d’une manière ou d’une autre ?
Nous avons déjà assez protesté, avec peu de succès — la rupture est consommée. Pendant tout ce temps, nous n’avons pas arrêté d’organiser et produire des événements et des contenus ! Ateliers, visites guidées, soirées, articles, émissions… mais seulement deux conférences en comité relativement restreint puisque ce format était le cœur de nos activités à l’École du Louvre.
Rétrospectivement, comment analysez-vous ce qui s’est passé ?
L’institution conservatrice se ferme à un espace critique, préférant les conférences de l’Aumônerie sur « la lumière dans les ténèbres » aux bizarreries sexuelles et aux approches que proposait Polychrome. Notons que le Bureau des élèves n’a mis que six heures après notre refus pour annoncer la création au printemps d’un « club LGBTQI+ » en appelant de potentiels volontaires. Ce ne sera certainement qu’un petit groupe inexpérimenté, « non militant » comme l’a souhaité l’administration qui m’avait proposé de chapeauter le projet, et sous contrôle, qui s’impliquera docilement dans l’organisation du prochain gala du BDE politiquement assez problématique (Gala Route de la Soie, 8 juin 2018, NDLR). Autant dire : un club à même de satisfaire les exigences de communication et de diluer les regrets de non représentation de « la cause LGBT » à l’École du Louvre.
Si la direction de l’Ecole du Louvre et le Bureau des élèves souhaitent réagir à cet entretien et donner leur version, nous publierons avec plaisir leur texte.
Article bourré de mensonges et de raccourcis fallacieux. Il aurait été de bon ton que vous croisiez vos sources et interrogiez, par exemple, les membres du BdE de l’époque. Il n’y a pas une ligne dans cet article, sans une ineptie !
[1] Déclarée en 2011, l’Aumônerie chrétienne de l’Ecole du Louvre dite Aumônerie de l’Ecole du Louvre (AEDL) a pour objet de « permettre aux élèves de l’école de pratiquer leur religion et de se rassembler dans le strict cadre de la laïcité ». Autres associations reliées à l’Ecole du Louvre apparaissant au Journal Officiel : l’EDL Junior Etudes créée en 2007, l’Association des personnels de l’Ecole du Louvre (2007), l’Ecole du Louvre Junior Conseil (2012), l’Association sportive de l’Ecole du Louvre (2014).