07.01.2019 | SEXAGÉNAIRE DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE, au faîte de sa carrière, reconnu par toutes les instances officielles (Beaux-Arts, Institut de France, Légion d’honneur), le sculpteur Henri Bouchard, par son style et sa production de figures du petit peuple laborieux, de gens d’Eglise et de personnages de l’Histoire de France, se retrouve en phase avec la Révolution nationale du maréchal Pétain, qui prône le retour à la tradition et dénonce la décadence artistique. Sa position sociale s’en retrouve confortée.
En janvier 1941, il accède à la présidence de la vénérable Société des artistes français, organisatrice du Salon des artistes français qui a lieu chaque année, à cette époque, au Palais de Tokyo (le plus académique, opposé au Salon d’Automne). Exit les « artistes d’occasion », place aux vraies valeurs : « Peut-être créerons-nous une salle d’honneur où figureront les grands aînés qui furent des maîtres et que l’injustice, l’incompréhension, l’intérêt ont essayé de reléguer dans l’oubli », annonce-t-il, en février 1941, à Paris-Soir, quotidien passé sous la coupe de l’occupant. Dans ce même entretien, il se félicite, en tant que professeur à l’Ecole des beaux-arts, d’« une tendance certaine (...) vers des doctrines plus saines », souhaitant un « retour à l’observation fidèle de la nature » et dénonçant « le mauvais exemple (...) venu du dehors troubler nos jeunes élèves » avant-guerre.
Même vision développée dans un plaidoyer - « La France peut renaître par l’art » - qu’il signe en avril 1941 dans le journal collaborationniste Le Matin : « Je sais bien que, depuis trente ans avant notre désastre, tout était chez nous mis en oeuvre pour affaiblir nos artistes, tout travaillait à détruire chez eux ce qui était encore fort et sain, l’Etat lui-même s’y appliquait par ses encouragements, ses commandes » [1]. Fini le temps des faux artistes « encensés par une critique souvent vénale, approuvés par le mécénat aveugle, par une élite trop pénétrée de son intelligence alors qu’absolument incompétente ». Bouchard rêve d’une renaissance de « l’esprit français (...) généreux, chevaleresque » que l’« art national » doit venir accompagner. Son rôle ? « Parler au peuple, en être compris, lui donner des joies, le rendre meilleur, l’élever... ». Avec une critique au garde-à-vous : « Il ne faut plus que la critique crée des conflits d’idées entre les artistes, ce qui ne fait qu’éveiller la défiance du public dont l’esprit sceptique se détourne d’eux. Le critique devra dans ses commentaires se borner à décrire les meilleures oeuvres, à en signaler les qualités au public ».
En juillet encore, interviewé à la radio, il fustige la critique corrompue par le marché. Le vieux Clément-Janin, longtemps vice-président de la Presse Artistique Française exulte : « Bouchard a raison. Qu’on nous débarrasse de tous ces marchands, pour la plupart d’une race étrangère et la critique d’art s’en trouvera assainie » [2]. Gare aussi aux artistes politiquement suspects, jusque dans leur style. Ainsi, Bouchard s’en prend-il à l’octogénaire Jacques-Emile Blanche dans un violent conflit qui les opposent au sujet d’une élection à l’Académie des beaux-arts, et qui s’étale dans la presse. « Je ne discuterai même pas avec ce peintre français... de l’école anglaise », déclare-t-il avec dédain [3].
UNE CROISADE POUR LA QUALITÉ
Donnant l’exemple, Bouchard expose au Salon de 1941 des valeurs sûres, deux de ses sculptures anciennes : une Jeanne d’Arc et Le Faucheur. En 1942, il propose une création : un Philippe le Bon (acheté par l’Etat pour la ville de Dijon) qui voisine avec le remarqué Philippe Pétain de François Cogné, connu pour avoir réalisé le buste officiel du Maréchal. En 1943, on assiste à une véritable purge. Bouchard est heureux d’annoncer que 65% des candidats ont été recalés, mais pas son propre portrait peint par Guirand de Scévola, son homologue du Salon partenaire de la Société nationale des beaux-arts, reproduit en Une de L’Oeuvre qui titre : « Le Salon de 1943 n’enfonce rien mais mérite d’être vu » [4]. Le journaliste décrit une manifestation dont le « niveau artistique [est] à fleur de terre ». Même ennui pour le critique du Matin qui se souvient avec nostalgie des Salons d’antan : « Que reste-t-il aujourd’hui de tant d’éclat ? » [5]. Son collègue de la revue culturelle Comoedia confirme : « Aux Artistes Français [le chaland] demande des images qui l’inquiètent le moins possible, lui évitent la réflexion et la recherche, le rassurent par l’estampille officielle et mondaine. Qu’il se tranquillise : il ne sera point déçu » [6].
En 1944, la situation empire. Le Matin torpille le Salon : « D’innombrables navets, d’innombrables nus au bonbon anglais, des paysages à la guimauve, et des natures mortes à la gelée de groseille ! Une morne tristesse s’exhale de la plupart des toiles » [7]. Pour Comoedia, ce n’est pas mieux : « Il faut bien dire ce qui est. Que ce qui est sorti du Salon des Artistes français ne compte guère dans la production contemporaine. Que c’est la montagne qui accouche d’une souris (...) En réalité, cette peinture vit en vase clos » [8]. Pour le Salon de 1945, le journal communiste Ce Soir donne le coup de grâce : « Mais, au fait, pourquoi vit-il encore ce Salon où se sont donné rendez-vous tous les poncifs de la peinture (...) Scènes d’intérieur, nus qu’on croirait en peluche, cerises et pommes en celluloïd pullulent dans ces tristes salles, sans aucun sens de la matière, sans aucune joie dans leur création » [9]. Pas sûr que Bouchard ait réussi son pari de réveiller l’art français. Et l’on comprend pourquoi il souhaitait museler la critique.
Avec son approche traditionaliste de l’art, Henri Bouchard se retrouve en accord avec la vision officielle portée par Louis Hautecoeur, secrétaire général aux Beaux-Arts sous tutelle du ministère de l’Education nationale. Fidèle du Maréchal mais modéré, hostile à l’art moderne, partisan d’un retour au sujet et à la technique, celui-ci milite pour une régénération de la France par la culture : « Notre art peut exercer dans le pays une action morale salutaire » [10]. Et plus encore avec son successeur, Georges Hilaire, plus radical : « Une croisade est nécessaire qui tende à restaurer la qualité, à combattre la décadence du goût » [11].
En janvier 1941, Bouchard fait partie des artistes à concourir pour la gravure de nouvelles pièces de monnaie à l’effigie du maréchal Pétain devant intégrer la devise « Travail, Famille, Patrie ». « Je suis surtout sculpteur, se confie-t-il à Paris-Soir, mais j’aime le bas-relief à quoi s’apparente l’art de la médaille. Et, d’autre part, le sujet m’intéresse », pour avoir rencontré le Maréchal avant-guerre [12]. Les résultats exposés à la Monnaie de Paris en mars - son projet aurait été choisi selon Le Progrès de la Côte d’Or -, le concours n’aura pas de suite, faute de moyen de production [13].
En avril 1942, il réalise une médaille en argent, cadeau de la Ville de Paris au chef de l’Etat pour ses 86 ans. Le journal Le Matin décrit ainsi l’objet : « Pour symboliser cette présence spirituelle du Maréchal à Paris, celui-ci est représenté debout, tout droit comme une apparition dans la flamme même de l’Arc de Triomphe, le lieu le plus sacré de la Ville, le lieu où viendra se recueillir le grand soldat quand sonnera l’heure souhaité par tous de sa présence réelle » [14]. Cela se produira pour Henri Bouchard lors d’une réception officielle à Vichy, le 12 août 1942, à l’occasion de la présentation au Grand Casino d’un condensé du Salon 1942 inauguré par le Maréchal en personne [15]. Un moment tant attendu annoncé par l’ami Guirand de Scévola : « Ce sera le Salon du Maréchal à qui nous offrirons un très bel album composé d’aquarelles, peintures, pastels ou crayons originaux. Ce geste est bien dû au Chef vénéré qui témoigne à l’art et aux artistes la plus lucide et la plus humaine compréhension » [16]. Des oeuvres qui arracheront cette sentence à un journaliste local : « Pas de cubisme, de la saine peinture, pas trop à gauche » [17]
PROCHE DE VICHY... ET DES ALLEMANDS
Acteur incontournable de la profession sous Vichy, Bouchard intègre le comité resserré d’une dizaine de personnalités, institué en février 1941, chargé de réfléchir, pour le compte du gouvernement, à une nouvelle organisation des professions artistiques très contrôlée - jusqu’à encadrer bien sûr la critique d’art -, inspirée du modèle des corporations d’Ancien Régime, à l’instar d’autres régimes autoritaires européens contemporains [18]. Bouchard s’extasie sur celle mise en place dans l’Allemagne nazie : « La Chambre de culture des arts plastiques, qui a d’abord organisé les artistes en une sorte de corporation (dans laquelle ne peuvent être admis que ceux qualifiés tels par leurs pairs) qui établit les règles de l’exercice de la profession, fixe les cotisations suivant le revenu professionnel de chacun, contrôle les expositions, les galeries, interdit l’abus de la critique, organise les assurances, les retraites, indique toutes suggestions pour des améliorations possibles » [19].
En France, il milite pour une mainmise de l’Académie des beaux-arts sur la future structure, en phase avec les volontés des Allemands qui par ailleurs, cherchent à l’imposer à la tête de la Fédération d’Aide aux Artistes (aussi appelée Entr’aide aux artistes) créée en 1939 pour apporter du soutien matériel et qui aurait servi de base au nouvel Ordre. Très investi dans l’élaboration de cette corporation, Henri Bouchard réclame à Abel Bonnard, dès la nomination de cet ultra de la Collaboration au poste de ministre de l’Éducation nationale en avril 1942, la création d’un comité qui gèrerait achats et commandes. Son but : « assainir les Beaux-Arts » dixit une note transmise au ministre, les expositions d’art français à l’étranger étant, selon lui, soumises « à une organisation occulte et internationale de marchands » [20]. Ce projet de corporation des artistes n’aboutira pas, contrairement à d’autres professions comme celle des architectes qui participera activement à la politique antisémite du pouvoir.
Dans son journal intime longtemps resté inédit et désormais en ligne, Paul Landowski (1875-1961) qui présidait le comité de réflexion sur la future corporation et gravitait dans les mêmes sphères qu’Henri Bouchard depuis des décennies, comme sculpteur figuratif (réfractaire à l’art moderne, moins par idéologie que par goût), académicien et directeur jusqu’en 1942 de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts, décrit son confrère en effet très proche de l’occupant. Particulièrement des représentants de la Propaganda Staffel installée au 52 avenue des Champs-Elysées, et du capitaine Heinrich Ehmsen en charge du contrôle des arts plastiques et graphiques.
DES ACCUSATIONS GRAVES DE DÉLATION
Ce journal est un document passionnant, évidemment subjectif mais dans lequel Landowski « se montre particulièrement honnête, en commentant avec précision la situation de la scène artistique, ainsi que ses propres choix », estime L. Bertrand Dorléac [21]. Un contenu d’autant plus convaincant que Landowski aura une attitude tout sauf revancharde à la Libération, comme on le verra. Sans savoir dans quel sens le vent va tourner, mentionnant Bouchard assez régulièrement, il dresse de lui, au fil des jours, un portrait fort peu reluisant. Et c’est peu dire. « Ce dernier, rapporte Landowski au cours d’une séance à l’Académie en avril 1941, déjà bien insupportable par son caractère violent et ambitieux, s’est rendu encore plus antipathique par son attitude pro boche pour les avantages qu’il en tire, et pour de véritables délations ». A cette époque, plusieurs se seraient méfié de lui : « On est très gêné parce qu’on le sait collaborateur, président en quelque sorte, imposé par les Allemands » [22]. Une attitude collaborationniste que confirme un rapport de la Propaganda Abteilung de la fin juin 1944, citant Bouchard parmi les artistes qui « malgré les événements extérieurs, n’avaient pas mis fin à leur attitude positive envers l’Allemagne », rapporte L. Bertrand Dorléac [23].
Antisémite par opportunisme ou conviction selon Landowski qui en fut plusieurs fois témoin [24], celui-ci accuse ni plus ni moins Bouchard d’être à l’origine de la dénonciation dont lui-même a été victime avec Hautecoeur (de qui il tient l’information) comme quoi ils étaient juifs et franc-maçons [25]. Obligé de prouver son « aryanité » suite à une enquête, il y revient à de nombreuses reprises dans son journal, parlant de conduite « ignoble » à son égard. Des accusations évidemment graves. Les Francs-Maçons étaient radiés de la fonction publique, les Juifs chassés de la scène artistique, jusqu’à leur participation aux Salons (avant pire), comme s’en réjouira le critique haineux Camille Mauclair en 1944 : « Les galeries juives sont closes, mises sous séquestre ou confiées à des liquidateurs aryens (...) Les critiques juifs ont été exclus des journaux (...) Les peintres et sculpteurs juifs sont exclus des Salons et des galeries (...) Tout cela est excellent. Cependant l’épuration est loin d’être achevée. Le poison juif ne s’éliminera que lentement. Le goût juif pour la laideur et la perversion est tenace » [26].
A leur poste, Louis Hautecoeur et Paul Landowski tentèrent de s’opposer par différents moyens aux mesures discriminatoires envers les Juifs, sans pour autant empêcher la mise en retraite d’office de professeurs des Beaux-Arts, ce que le second regrettera amèrement après-guerre [27]. Et ils n’auraient pas été les seules victimes de ce que Landowski appellera un « système de délations » de la part de Bouchard et ses amis [28]. Il évoque ainsi plusieurs fois l’affaire George Desvallières, peintre académicien ayant courageusement apporté son soutien en séance à un confrère juif, Emmanuel Pontremoli, en octobre 1940, puis, à nouveau en petit comité en janvier 1941, en présence d’Henri Bouchard qui l’aurait rapporté aux Allemands, ce qui vaudra à Desvallières d’être marginalisé [29]. Bouchard le niera ensuite farouchement.
LA VIE FÉÉRIQUE DES ARTISTES ALLEMANDS
Proche autant de Vichy que de l’occupant, rien d’étonnant, dès lors, à ce que l’on retrouve Henri Bouchard parmi la dizaine de plasticiens français invitée en novembre 1941 par les autorités nazies à un “voyage d’études” en Allemagne, avec passage obligé par l’atelier d’Arno Breker, sculpteur néo-classique préféré d’Hitler que tous connaissaient puisqu’il avait vécu à Paris avant-guerre [30]. Le voyage des artistes vint après celui des écrivains et avant celui des vedettes de cinéma. Participation malheureuse à une opération de propagande mais qui en soi ne signifiait pas nécessairement une adhésion aux idées de l’occupant.
Dans son journal, Landowski, invité également de par ses fonctions et informé en amont justement par Bouchard avant même l’annonce officielle, fait état du véritable cas de conscience dans lequel cela le plonge. Mais devant la promesse de voir libérer des prisonniers, artistes et étudiants de l’Ecole des beaux-arts, dont il a la charge d’établir la liste, il cède à contre-coeur. Tous avanceront ensuite cette raison pour se dédouaner. Y compris Bouchard. Si ce n’est que celui-ci fut parmi les trois seuls à se répandre ensuite dans les journaux - au-delà de la conférence de presse laudative organisée à leur retour dans les locaux de la Propaganda Staffel [31] -, signant un reportage dithyrambique de quatre pages dans la revue collaborationniste L’Illustration qui consacrait, à cette occasion, un dossier à « La vie de l’artiste dans l’Allemagne actuelle » (les artistes autorisés à travailler, non juifs et non “dégénérés”, ayant les faveurs du régime). Il y fustige à nouveau la « critique incompétente » d’ici et s’extasie, comme on l’a vu, devant la corporation mise en place pour les artistes.
Quelques mois plus tard, en mai 1942, Bouchard fait naturellement partie du comité d’honneur de l’exposition d’Arno Breker au musée de l’Orangerie (comme Landowski), point culminant de la vie artistique et mondaine parisienne sous l’Occupation. On lui prête aussi une appartenance au Groupe Collaboration, club culturel pro-allemand soutenu par l’ambassadeur Otto Abetz, qui réunissait intellectuels et artistes. Il le nia et rien ne vient le confirmer dans les ouvrages historiques consultés [32].
La position privilégiée d’Henri Bouchard durant cette période n’empêcha cependant pas la destruction de quatre de ses sculptures en bronze installées dans l’espace public pour être fondues dans le cadre de la participation à l’effort de guerre, malgré ses protestations, en sa qualité de président de la Société des artistes français auprès des autorités vichyssoises et allemandes, pour lui-même et ses confrères.
DES COMPTES A RENDRE
Après la guerre, Henri Bouchard fut fortement inquiété. Le 31 août 1944, Landowski raconte qu’à la première réunion d’après-Libération de la Société des Artistes français, « le malheureux Bouchard » ne s’est pas présenté. « Quelles erreurs son ambition lui a fait faire ! Quelles actions laides », ajoute-t-il. Comme pour effacer sa trace, la présidence est reprise par son prédécesseur d’avant-guerre, sous les « applaudissements de tous ». Le 2 septembre, Landowski se rend à l’Académie des beaux-arts où l’on pérore sur les cas des confrères Abel Bonnard et Abel Hermant de l’Académie française des plus compromis. Commentaire de Landowski : « Chez nous, ceux de Schmitt et de Bouchard, je crois que ce sont les seuls collaborationnistes de plein gré, ne sont pas aussi graves, bien que Bouchard ait réellement fait des délations ». Partisan de laisser faire la justice, Landowski plaide néanmoins l’indulgence en ce qui concerne l’Académie. Début septembre, l’affolement gagne les participants du voyage en Allemagne de 1941 dont le souvenir remonte à la surface, une liste de noms paraît dans la presse. Hésitant à se défendre publiquement, Landowski prépare « une note l’expliquant », comme le peintre Segonzac : « Nous sommes d’avis en tout cas de ne pas répondre collectivement, car ni lui ni moi ne voulons nous solidariser avec des collaborationnistes comme Despiau ou Bouchard » [33].
L’épuration se précise. Le Front National des Arts (FNA), comité de peintres résistants présidé par Picasso mais dont le responsable était le peintre André Fougeron (auquel La Piscine a consacré une exposition en 2014 [34]) leur reproche à tous d’avoir « par leur attitude de collaboration avec l’ennemi, gravement compromis la renommée de l’art français » [35]. Cette émanation du Front National communiste participa, dans les jours qui suivirent la Libération de Paris, à la reprise de la « rue de Valois », siège de l’administration des Beaux-Arts (aujourd’hui du ministère de la Culture). Fougeron fut chargé par le nouveau Secrétaire général des Beaux-Arts (jusqu’en novembre 1944) de s’occuper de l’épuration du secteur [36]. Il raconta avoir cherché à établir des dossiers s’appuyant « sur des éléments sérieux, officiels éventuellement qui puissent fonder une accusation ».
Le 3 octobre, une demande collective d’arrestation et de jugement fut adressée au Procureur général par Fougeron au nom du FNA. En ce qui concerne Bouchard, pour sa participation « au voyage de propagande en Allemagne, au Comité d’honneur d’Arno Breker » et comme « Président de la section des Arts plastiques au groupe Collaboration » (ce qu’il ne fut pas). Sans effet pour personne, plusieurs ayant pu réfuter certaines accusations, le Front National des Arts se ravisant lui-même dans un second communiqué, affirmant souhaiter seulement une enquête « afin que chacun soit jugé à l’échelle de l’importance de ses erreurs ou de ses fautes et actions, s’il est innocent ». Landowski était quasi disculpé : « Il aurait à son crédit une belle activité en faveur des élèves menacés par la déportation ».
PRÈS DE DEUX ANS D’ÉPURATION
Durant près de deux ans, les commissions d’épuration vont s’enchaîner, après le Front national des arts celle de la Société des Artistes Français (qu’évoque brièvement Landowski en octobre 1944) puis celles, officielles, du ministère de l’Education nationale. Le 28 octobre 1944, conformément à l’ordonnance du 27 juin 1944 relative à l’épuration administrative, est institué un Conseil d’enquête de la direction générale des beaux-arts [37]. Présidé par Marcel Sibert, professeur à la faculté de droit de Paris, il a pour but d’enquêter sur les agissements de ses agent.e.s durant l’Occupation puis de soumettre au ministre d’éventuelles sanctions [38]. Bouchard, concerné comme professeur à l’Ecole des beaux-arts, est suspendu de ses fonctions dès septembre 1944, dans l’attente sans doute d’une décision définitive.
A la mi-novembre, Bouchard, qui n’en dort plus selon Landowski, comparaît devant le comité : « Pour Bouchard, c’est plus sérieux. Il s’est tellement mal conduit. Pourtant, j’ai de la peine de le savoir dans ce pétrin ». On rapporte à Landowski l’attitude maladroite et lâche de son confrère (ce sont ses expressions) qui chercherait à « s’abrit[er] derrière l’un ou l’autre », à commencer lui-même qu’il dit avoir suivi pour le voyage en Allemagne. Convoqué comme témoin, Landowski s’en explique, tiraillé entre son souhait de ne pas charger son collègue - « quoiqu’il se soit conduit vis-à-vis de moi d’une manière ignoble » -, et son impossibilité de « confirmer des mensonges manifestes ». Aussi se voit-il obligé de démentir lui avoir conseillé « d’accepter de faire ce voyage » mais de confirmer l’incident Desvallières « que, à l’Académie, tout le monde avait pensé que, seul, Bouchard, qui voyait continuellement les Allemands, avait pu le leur raconter ».
Puis, pris de remords, Landowski adresse une lettre au président du comité « pour atténuer » le rôle de Bouchard dans l’affaire Desvallières et « bien que n’y croyant pas (...) pour suggérer une autre possibilité pour les Allemands d’avoir été renseignés ». A la mi-décembre, il en communique copie à l’intéressé qui le presse d’intervenir en sa faveur : « Il l’a prend avec une véritable âpreté. Que cet homme m’est devenu antipathique ! Tout est faux et louche. Tournaire me disait qu’il lui a demandé de tripoter les procès-verbaux du comité des A[rtistes] f[rançais] ! où il faisait, comme président, des déclarations collaborationnistes cent pour cent ». On rapporte à Landowski que Bouchard est en très mauvaise posture : « En outre, il s’est rendu antipathique à tous les membres de cette commission (...) Moi qui en sais plus sur lui que ses juges, je ne peux pas trouver imméritée la conclusion de son attitude ».
LES SANCTIONS LES PLUS LOURDES
Janvier 1945, la sanction tombe pour Bouchard, la plus sévère prévue par l’ordonnance du 27 juin 1944 relative à l’épuration administrative. Il est « révoqué, sans pension » de son poste de professeur à l’Ecole des beaux-arts, de plus « avec interdiction de professer dans les écoles de l’Etat » [39]. Embarras à l’Académie des beaux-arts qui se mobilise pour lui, croit savoir Landowski en mars : « Il parait que Leroux, président cette année, de l’Académie, est allé voir Capitant [ministre de l’Education nationale], pour Bouchard. Il lui a dit en fin de compte, la seule chose à mon avis, effective, dans ce cas, c’est que, quelle qu’ait été son attitude, il ne faut pas oublier qu’il est un grand sculpteur, dont l’œuvre fait honneur au pays ». Bouchard n’est pas pour autant tiré d’affaire. La rumeur courait depuis des mois, d’une nouvelle commission d’épuration concernant tous les artistes, fonctionnaires ou non [40]. Et en effet, par une ordonnance du 30 mai 1945, le ministre de l’Education nationale institue le Comité national d’épuration des artistes peintres, dessinateurs, sculpteurs et graveurs, afin de sanctionner les artistes « [ayant] collaboré avec l’occupant et [ayant] mis leur activité au service des causes antinationales » [41]. En août, le ministre de la Justice nomme son président : le magistrat André Ithier, substitut du procureur général à la cour d’appel de Paris [42].
Entre-temps, il semblerait que Bouchard ait eu affaire à un juge d’instruction, un dénommé Reige (que l’on retrouve dans d’autres affaires d’épuration), puisque le sculpteur fait savoir, fin juin, à Landowski qu’il pourrait être amené à témoigner dans ce cadre, à nouveau au sujet de l’affaire Desvallières. Le dossier de Bouchard a-t-il été transmis à la justice, comme le prévoit l’ordonnance du 27 juin 1944 « aux fins de poursuites pénales » ? Ce qui serait autrement plus grave et qui advint pour de rares artistes [43]. Dans ce cas, il risquait la dégradation nationale. Convoqué début juillet par le juge, Landowski affirme avoir menti pour couvrir son confrère, « malgré sa conduite abominable à mon égard ». Puis en août, Landowski rédige « une assez longue lettre à H[enri] B[ouchard] pour en finir avec lui, lui faire savoir à quel point je suis au courant de ses agissements. Je l’assure en même temps, que je ferai mon possible pour atténuer » ses difficultés dans l’affaire Desvallières. Landowski ne lui envoie qu’en octobre, perdant sa réponse : « En la lisant dans la rue, j’ai dû la laisser tomber, croyant la mettre dans ma poche. Réponse idiote, qui ramène tout à des mesquineries d’École ! prétend que ce ne sont que des imaginations de septuagénaire. Mais contenant des aveux inconscients ». On ignore l’issue de la procédure judiciaire, probablement sans effet. Sinon, Bourchard aurait-il pu se maintenir à l’Académie des beaux-arts ?
En revanche, la nouvelle commission d’épuration des artistes se réunit bien fin 1945, convoquant à nouveau les participants du voyage en Allemagne. C’est le cas à la mi-novembre pour Landowski pour qui les choses se présentent à nouveau bien. Pas pour tous. Début février 1946, on lui rapporte qu’André Fougeron aurait communiqué à la commission des documents à charge, « coupures de journaux » et « une déclaration du malheureux H[enri] B[ouchard] à la radio ». En avril 1946, Landowski est mis définitivement « hors de cause », ayant pu produire des preuves de ses actions anti-allemandes, comme il l’a fait depuis le début de ses convocations [44]. Henri Bouchard, lui, écope de « deux ans d’interdiction totale d’exposer et de vendre », durée maximale prévue par l’ordonnance de création du Comité national d’épuration des artistes [45]. Si l’on n’en connait pas les motifs - pour cela, il faudrait consulter les archives de la commission - pour tous, écrit Landowski en mars 1946, « ce qui a déterminé les sanctions, ce n’est pas tant le voyage [en Allemagne] que les à-côtés (articles, comportement général, etc.) ».
Landowski estima que Bouchard s’en sortait bien, trouvant même la commission indulgente envers lui, peut-être parce que la peine, rétroactive dans son cas, prenant effet au 1er septembre 1944, était alors quasi terminée. Ils furent 22 artistes à être sanctionné.e.s avec lui. La sanction de Bouchard aurait été annulée en 1947, selon La Piscine. On ignore de quelle façon. L. Bertrand Dorléac estime également que les plasticien.ne.s bénéficièrent d’une relative clémence, non pour un comportement spécialement vertueux, mais en partie parce que « l’oeuvre d’art [n’étant] pas régie par les mêmes codes de lisibilité » que l’oeuvre écrite, leur compromission fut moins flagrante que celles des écrivains dont les « prises de position avaient été souvent plus explicites, et donc plus facilement jugeables » [46].
Au final, Henri Bouchard aura dû répondre de son attitude durant l’Occupation devant probablement cinq instances : le Front National des Arts en octobre 1944, la commission d’épuration de la Société des Artistes français à la même période (nous n’en avons pas la preuve mais difficile d’imaginer que Landowski y ait comparu mais pas Bouchard qui, de fait, perdit sa fonction de président), le Conseil d’enquête de la direction générale des beaux-arts à partir de novembre 1944 (révocation de son poste d’enseignant aux Beaux-Arts en janvier 1945), la Justice avec une enquête du juge d’instruction Reige vers l’été 1945 (issue inconnue), le Comité national d’épuration des artistes peintres, dessinateurs, sculpteurs et graveurs à partir de fin 1945 (interdiction d’exposer et de vendre durant deux ans, en avril 1946). A l’issue des deux commissions officielles, il écopa des sanctions les plus lourdes mais ne connut pas, semble-t-il, l’infamie de l’indignité nationale.
« UNE TRISTE FIN DE VIE »
Après guerre, la carrière de Bouchard marqua le pas, de par son âge, le désintérêt croissant pour la sculpture figurative et sa réputation entachée. S’il perdit, du fait de ses compromissions, la commande passée avant-guerre par les Anciens combattants d’un Monument à la gloire des armées françaises de 1914-1918 et qui échut à Landowski [47], il réalisa en 1948 deux statues de Résistants [48]. Manière de se racheter ? La première pour la commune de Barentin en Normandie dont le maire n’était autre qu’André Marie, lui-même Résistant, avocat de métier mais surtout ministre de la Justice de 1947 à 1949 (avec une parenthèse) qui eut à connaitre les derniers procès en Haute Cour des collaborateurs. Mandat qui se termina mal puisqu’il fut contraint de démissionner, mis en cause justement dans le classement d’une affaire de collaboration économique [49]. Il avait imaginé un Musée dans la Ville, dispersant plus d’une centaine de sculptures dans l’espace public, ce qui l’amena à solliciter des sculpteurs parmi lesquels également Landowski qui le cite à plusieurs reprises dans son journal. La dernière fois que Bouchard exposa au Salon des artistes français, ce fut en 1951. Deux ans plus tard, est inauguré dans la chapelle des Carmes, à Paris, le tombeau du cardinal Baudrillart, collaborationniste notoire mort en 1942, pour lequel il réalisa le médaillon. En 1959, Henri Bouchard
réalisa sa dernière oeuvre : un vendangeur pour le Clos de Vougeot, dans sa région natale, pour qui il rêvait de réaliser un Monument à la Gloire de la Bourgogne qui ne verra jamais le jour.
Malgré « une triste fin de vie » selon sa belle-fille (voir ci-dessous), il y eut un endroit qu’Henri Bouchard put fréquenter jusqu’à sa mort en toute tranquillité, continuant d’y côtoyer son confrère Paul Landowski et y retrouvant Louis Hautecoeur (blanchi à la Libération) élu en 1952 : l’Académie des beaux-arts. L’institution ne connut, semble-t-il, aucune procédure d’épuration, contrairement à des académies soeurs de l’Institut de France contraintes par la loi à radier plusieurs de leurs membres [50]. En 1962, le successeur à son fauteuil, le sculpteur Raymond Martin, fit, selon la tradition, l’éloge de son confrère défunt, retraçant une vie « exemplaire » et rangeant son nom « dans l’histoire de l’art parmi les grands artistes français de la première moitié du XXe siècle » [51]. S’il rappela l’engagement d’Henri Bouchard durant la Première Guerre mondiale - « Il part comme tout le monde, fait une guerre dure, est officier, se conduit glorieusement... » -, il jeta un voile pudique sur la Seconde : « Et, à nouveau, la guerre de 1939 avec tout son cortège de malheurs. Après un temps d’arrêt, il reprend son travail... »
POUR SA DÉFENSE - Dans un ouvrage paru en 1995 avec le soutien du ministère de la Culture, Marie Bouchard, alors conservatrice du musée Bouchard à Paris, minimise le rôle de son beau-père durant l’Occupation, plaidant la naïveté et réduisant la question à une affaire purement esthétique, sans arrière-plan idéologique. Véritable entreprise de réhabilitation, dans le chapitre Un peu d’histoire, elle écrit :
« La tension est forte entre les deux tendances de l’art [académique contre moderne] tout au long des années 30. Aussi lorsqu’en janvier 1941, Bouchard est élu président de la Société des artistes français, il pensait défendre l’art qu’il pratiquait et ne croyait absolument pas faire la politique des envahisseurs qu’il n’aimait pas. Convoqué pour le voyage des artistes en Allemagne en novembre 1941, avec la promesse de la libération des prisonniers de guerre, membres de la Société des artistes français, Bouchard est entraîné plus loin qu’il n’aurait voulu dans les activités officielles vichyssoises qui lui seront reprochées. Il l’a certainement fait plus par naïveté politique que par affirmation d’une idéologie réfléchie, qui ne correspondait pas à son caractère. Il a eu tort de faire confiance à Pétain, qui représentait pour lui le grand homme de 1914-1918 dont il ne doutait pas de la supériorité alors qu’il se sentait très incompétent lui-même en politique ».
Et à propos de l’épuration « demandée à la Libération, en particulier par les artistes du Salon d’automne très opposés à ceux du Salon des artistes français », elle ajoute : « Il est certain que l’opposition, qui existait déjà dans les années 30 entre ces artistes ne les a pas conduits à la compréhension ». Comme sanction, elle évoque uniquement la révocation d’Henri Bouchard au poste de professeur aux Beaux-Arts, « alors qu’il allait avoir 70 ans et l’âge de la retraite » précise-t-elle. Sans jamais citer celles infligées en 1946 par le Comité national d’épuration des artistes, elle évoque le classement de l’affaire par le Parquet en 1944 : « Nous n’avons pas eu accès à ce dossier que nous aurions aimé connaître, il ne devait pas être aussi scandaleux que l’on voulait bien le dire pour n’avoir point eu de suite ». Puis elle conclut : « Attaqué par les modernes qui n’avaient pas assez de mots pour dire leur dédain de l’art figuratif traditionnel mais aussi par ceux, plus classiques, qui trouvaient qu’il avait eu trop de commandes, Bouchard a eu une triste fin de vie avec le rejet de ce qu’il aimait ». Enfin, comme pour l’”innocenter” définitivement, elle cite parmi ses rares commandes d’après-guerre, deux statues de Résistants créées en 1948.
« Bouchard, l’atelier du sculpteur », François Bouchard, Marie Bouchard, Antoinette Le Normand-Romain, Association des amis d’Henri Bouchard, 1995.
Bonjour, relativement à Louis Hautecoeur, qualifié de « modéré » et qui ne fut guère inquiété à la libération, je me permet de préciser qu’il fut révoqué de son poste de secrétaire général des Beaux-Arts en 1944 sous la pression de Göring au motif de « refus permanent de collaboration ». Il le réintégra en 1946. Cdt Jean-François Mathou
[1] Le Matin, 27.04.1941.
[2] Le Progrès de la Côte d’Or, 11.07.1941.
[3] Paris-Soir, 12.07.1941.
[4] L’Oeuvre, 08.05.1943.
[5] Le Matin, 28.04.1943 & 08-08.05.1943.
[6] Comoedia, 08.05.1943.
[7] Le Matin, 29-30.04-01.05.1944.
[8] Comoedia, 13.05.1944.
[9] Ce Soir, 11.05.1945.
[10] La Vie culturelle sous l’Occupation, Stéphanie Corcy, éd. Perrin, 2005, p.134.
[11] « Pour une politique générale des Beaux-arts », Georges Hilaire, Comoedia, 05.08.1944.
[12] Paris-Soir, 29 janvier 1941.
[13] Le Progrès de la Côte d’Or, 23.02.1941.
[14] Le Matin, 24.04.1942.
[15] Paris-Soir, 13.08.1942. Vichy capitale 1940-1944, Michèle Cointet, éd. Perrin, 1993.
[16] Le Journal, 02.05.1942.
[17] Vichy capitale 1940-1944, op. cit., p.146.
[18] Henri Bouchard participa successivement au Comité d’études chargé de présenter des propositions pour l’organisation de la Corporation des Arts Graphiques et Plastiques, constitué auprès de la Direction Générale des Beaux-Arts selon l’arrêté du 17 février 1941, puis au Comité d’Organisation Professionnelle des Arts Graphiques et Plastiques.
[19] « La vie de l’artiste dans l’Allemagne actuelle », Henri Bouchard, L’Illustration, 07.02.1942.
[20] La Vie culturelle sous l’Occupation, op. cit., p.325.
[21] [[L’Art de la défaite, op. cit., note p.324.
[22] Journal de Landowski, 27.10.1941. Afin de ne pas alourdir mon texte, je cite précisément en note le jour quand ma phrase ne permet pas de l’identifier par la mention du mois et de l’année.
[23] L’Art de la défaite, op. cit., note p.317.
[24] En août 1940, rapporte Landowski, Bouchard s’exclame à une réunion de l’Ecole des beaux-arts : « Pourvu qu’on soit débarrassé des Juifs et des Francs-maçons (...) Sans eux, j’aurais eu plus de commandes ». Et, en mai 1941, au cours d’un repas commun avec des membres de la Propaganda Staffel, Landowski se dit choqué « de la façon plate et dégoûtante dont Bouchard et Guirand de Scévola parlaient des juifs, pour flatter » l’un des militaires.
[25] « Hautecoeur, que je prends chez lui pour la rue de Valois, me confirme que les dénonciations contre lui et moi viennent de Bouchard. Ce sont les autorités allemandes elles-mêmes qui le lui ont dit (Metternich) », 14.06.1941 / « Maintenant je regrette, quoiqu’il se soit conduit vis-à-vis de moi d’une manière ignoble, avec Irondi et Umbdenstock. Deux fois, ils ont cherché à me dénoncer, comme franc-maçon et comme juif (Hautecœur dixit) », 24.11.1944.
[26] La Crise de l’art moderne, Camille Mauclair, Imprimerie C.E.A., 1944.
[27] Journal de Paul Landowski, 01.01.1945.
[28] Journal de Paul Landowski, 24.11.1944.
[29] Journal de Landowski, 19.10.1940, 13 & 18.01.1941.
[30] Le voyage en Allemagne est le seul événement de cette période rappelé laconiquement dans la chronologie de l’artiste, sur le site de l’ancien musée Bouchard : www.bouchard-sculpteur.com.
[31] Le Matin, 20.11.1941.
[32] L. Bertrand Dorléac aurait néanmoins confirmé l’appartenance d’Henri Bouchard au Groupe Collaboration au comité français pour Yad Vashem.
[33] Journal de Paul Landowski, 12.09.1944.
[34] André Fougeron (1913-1998). « Voilà qui fait problème vrai », 15 février – 18 mai 2014.
[35] Document reproduit, avec le suivant, en annexe de Histoire de l’art, Paris, 1940-1944, op. cit.
[36] Interview d’André Fougeron, 04.01.1982, en annexe de Histoire de l’art, Paris, 1940-1944, op. cit.
[37] Journal Officiel de la République Française (JORF), 05.11.1944.
[38] Présidé par Marcel Sibert, le Conseil d’enquête de la direction générale des beaux-arts est composé de six membres : trois représentant.e.s des organisations de résistance de la direction générale des beaux-arts (M. Berthaud, décorateur de la manufacture nationale de Sèvres ; Mme Noblecourt, assistante du département des antiquités égyptiennes du musée du Louvre ; M. Chebroux, chef de groupe à l’administration centrale) et trois représentants des syndicats du personnel de la direction générale des beaux-arts (M. de Villenoisy, sous-chef de bureau à l’administration centrale ; M. Reverd, chimiste en chef du laboratoire des manufactures nationales de tapisserie ; M. Hottelet, auxiliaire du service des jardins). Des suppléant.e.s sont également nommé.e.s.
[39] Arrêté du 22 janvier 1945 du ministère de l’Education nationale, JORF 24.02.1945. Un autre professeur est « révoqué sans pension », tandis qu’un autre est réintégré dans ses fonctions.
[40] « On parle d’une encore nouvelle commission, professionnelle, que composerait le ministre Capitant et qui examinerait l’attitude des artistes libres, non-fonctionnaires », 12.12.1944.
[41] Ordonnance n°45-1089 du 30 mai 1945 relative à l’épuration des gens de lettres, auteurs et compositeurs, des artistes peintres, dessinateurs, sculpteurs et graveurs. JORF, 06.06.1945, 05.07.1945.
[42] Présidé par le magistrat André Ithier, le Comité national d’épuration des artistes peintres, dessinateurs, sculpteurs et graveurs était composé de six membres, nommés par le ministre de l’Education nationale : M. Castan, architecte ; M. Groult, artiste décorateur ; M. Iche, artiste sculpteur ; Melle Barbey, artiste peintre ; M. Prunier, artiste peintre ; M. Demeurisse, artiste peintre (JORF, 31.08.1945 & 22.09.1945).
[43] L. Bertrand Dorléac signale que le graveur Jacques Beltrand (révoqué comme Bouchard en janvier 1945 de son poste d’enseignant aux Beaux-Arts et interdit d’exposer, de vendre et de publier dans les journaux en avril 1946) et le peintre Othon Friesz furent jugés par la cour de justice de la Seine. L’Art de la défaite, op. cit., note p.385.
[44] « J’ai comparu, sur ma demande, devant la commission d’épuration des Artistes français. J’avais mon dossier sur tout ce que j’ai fait et ce qui s’est fait à la maison pour la résistance. Abris aux israélites, aux réfractaires. Fourniture des fausses cartes d’identité. Ouverture de ma maison aux membres du MNL [Mouvement national de libération]. Journaux clandestins. Opposition au déportement des artistes en Allemagne. J’aurais préféré que parmi les membres de la commission il n’y ait ni membres de l’Institut, ni candidats. Mais ils n’étaient, sur la quinzaine, que deux ou trois. Comme je suis vexé de comparaître comme un Bouchard ou tel autre collaborateur ! Tant pis. J’espère que maintenant ce sera une affaire finie. », 30.10.1944. Aussi 15-17-18.10.1944.
[45] JORF, 24.02.1945 & JORF, 26.06.1946.
[46] L’Art de la défaite, op. cit., p.289.
[47] Journal de Landowski : 12.07.1950, 25.07.1950, 16.09.1950, 25.02.1952, 05.03.1952.
[48] Statue du Père Jacques, résistant mort en déportation, pour la ville de Barentin en Normandie et le Monument à Henri Bourrillon, maire de Mende, en Lozère, mort en déportation.
[49] Affaire Pierre Brice de l’entreprise de travaux publics Sainrapt et Brice. Voir Les Patrons sous l’Occupation, Renaud de Rochebrune et Jean-Claude Hazera, éd.Odile Jacob, 1998.
[50] La condamnation à l’indignité nationale entraînant l’exclusion des corps constitués, plusieurs académiciens collaborateurs condamnés furent concernés. C’est ce qui nous fait penser que Bouchard ne le fut pas. Les cas les plus célèbres (les seuls ?) étant à l’Académie des sciences, Georges Claude ; à l’Académie française : Abel Bonnard, Abel Hermant, Charles Maurras et Philippe Pétain. Cependant, pour ces deux derniers, leurs sièges furent laissés vacants jusqu’à leur mort, signe d’une certaine hostilité de l’institution à la mesure.
[51] Notice sur la vie et les travaux de Henri Bouchard (1875-1960) par M. Raymond Martin lue à l’occasion de son installation comme membre de la section de sculpture. Séance du 14 mars 1962, Institut de France, Académie des Beaux-arts. éd. Firmin-Didot, 1962.