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Lewarde, la mémoire vivante du Bassin minier du Nord-Pas de Calais

Bernard Hasquenoph | 27/03/2024 | 17:58 |


Inauguré en 1984, le Centre historique minier de Lewarde fête ses quarante ans. Un anniversaire (décarboné) qui symbolise la transition réussie d’une aventure industrielle, transformatrice d’un paysage et génératrice d’une culture reconnue désormais par l’Unesco.

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27.03.2024 l PERDU DANS LA CAMPAGNE, ce site industriel se découvre à quelques kilomètres de Douai, en bordure de la petite commune de Lewarde, vide et silencieux. On a du mal à imaginer qu’il fut occupé quotidiennement par un millier de personnes durant quarante ans. Contrairement aux apparences, il n’est pas si ancien. Ne pas se fier aux toitures chinoisantes des deux chevalements, ces tours métalliques soutenant la machinerie permettant de descendre et remonter de la mine. Elles ne sont pas la marque d’une époque mais le signe distinctif d’un exploitant, en l’occurrence la Compagnie des mines d’Aniches fondée en 1773 puisque la naissance de la saga minière du Nord prend ses racines au 18e siècle, ce qu’on oublie trop souvent.

Nous sommes à la fosse Delloye, en activité de 1931 à 1971, fermée par manque de rentabilité. Le site fut choisi dans les années 1970 par la direction des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais, organisme étatique suite aux nationalisations de l’après-guerre, pour conserver et incarner, comme lieu type, la mémoire du Bassin minier. Pourtant, il n’était pas forcément le plus représentatif, sans terril ni cité ouvrière à proximité, mais de taille raisonnable, esthétiquement intéressant et proche d’une autoroute et du siège social de l’entreprise.

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Arrivée à Lewarde

Recueillant archives et matériels des autres puits d’exploitation fermant les uns après les autres (le dernier en 1990), il fallut attendre 1984 pour qu’il ouvre au public sous le nom de Centre historique minier, bien après le même genre d’initiative en Angleterre et en Allemagne. Il conserve aujourd’hui 15 000 objets et des kilomètres de documents. Au fur et à mesure de sa croissance (sa fréquentation tourne autour de 150 000 visiteurs par an, venant pour plus de la moitié des Hauts-de-France), il passa de statut associatif (1982) à celui d’Établissement public de coopération culturelle-EPIC (2016) avec, à son chevet, le Conseil Régional Hauts-de-France, l’Etat et plusieurs communes.

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Le Centre historique minier

Musée de la mine et centre d’archives, il abrite dès le départ, avec une intuition assez visionnaire, un centre de culture scientifique de l’énergie, sujet devenu crucial à l’heure du changement climatique. Volontiers qualifié d’écomusée à ses débuts, il a été reconnu Musée de France en 2003 mais n’a été classé Monument historique qu’en 2009. Le film « Germinal » de Claude Berri sorti en 1993, documenté grâce à ses archives, a boosté sa notoriété même si le tournage a eu lieu ailleurs, à la fosse Arenberg. Enfin, l’inscription, en 2012, du bassin minier du Nord-Pas de Calais au patrimoine mondial de l’Unesco l’a confirmé comme lieu incontournable de la découverte de la région et de son histoire. Signe des temps, l’établissement s’est engagé depuis peu dans sa propre transition écologique, accompagné par l’agence EFYB, s’attelant à établir, dans un premier temps, son bilan carbone. Ce qui ne manque pas d’ironie au regard de son passé.

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Le Centre historique minier et son adjonction contemporaine, avant et arrière

On entre par la partie la plus récente de l’établissement, adjonction contemporaine de 2002 signée par l’agence Novembre où, dans une petite salle à l’étage, est présentée, dans des vitrines vintage, une sélection des 186 dons de l’année écoulée, pratique encouragée par des collectes régulières : bannière CGT brodée et frangée, portrait peint de mineur, costume folklorique polonais pour jeune fille, lampes de mines, fossiles, rapports de gestion, brochures syndicales, diplôme d’ingénieur… Raccourci de la vie à la mine et en dehors.

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Dons au Centre historique minier

Un espace, au rez-de-chaussée, est consacré aux expositions temporaires, dans une scénographie beaucoup plus moderne. Actuellement, est présentée « La conquête de l’Ouest, la découverte du charbon dans le Pas-de-Calais ». Un titre amusant qui rend bien compte de la frénésie qui s’empara au 19e siècle d’entrepreneurs avides de fortune, sondant partout le territoire pour trouver des veines de charbon bonnes à exploiter. Une ruée vers l’or noir qui, en quelques décennies, métamorphosa radicalement un paysage alors champêtre, incarné en début de parcours par une peinture de Constant Dutilleux (né à Douai). À mettre en vis-à-vis avec une vue, à la fin de l’exposition, d’une campagne au ciel noirci par les fumées de sites d’extraction, les hameaux transformés en usines.

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Paysage par Constant Dutilleux l Compagnie des mines de Vicoigne et de Noeux, Constant Moyaux, 1878

Puis on traverse la cour pour se rendre dans ce qui était le bâtiment administratif et d’accueil des mineurs. On découvre alors les bureaux de l’ingénieur, du géomètre et du comptable, « tels qu’ils étaient ». Un état plutôt années 1930 que 70. Vient le musée. A un premier espace présentant la dimension géologique du charbon - explications scientifiques, fossiles trouvés dans la région, matériel publicitaire… -, succède l’histoire du bassin minier sur trois siècles dans une scénographie attractive : frise chronologique murale, maquettes, archives, photos, oeuvres d’art, objets, affiches de films, etc Puis c’est la vie quotidienne des mineurs et de leurs familles qui est abordée, à travers des reconstitutions d’espaces (salle à manger, estaminet) et des vitrines présentant leurs loisirs dont la colombophilie, le sport ou le jardinage, leurs origines culturelles sachant que la mine compta 29 nationalités (polonaises, italiennes, maghrébines…), les mobilisations syndicales et les temps festifs.

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Bureaux de l’ingénieur, du géomètre et du comptable l Musée de la mine

Après avoir remarqué des vélos accrochés au mur comme le faisaient les mineurs en arrivant au travail (ils venaient plutôt en mobylettes sur la fin, nous indique-t-on cependant), on découvre la salle de bains, vaste espace de douche collective au-dessus duquel sont toujours suspendues, par des cordes, les tenues des mineurs. Forme originale de vestiaire surnommé ironiquement « salle des pendus », c’est l’une des attractions de la visite qu’on prendrait facilement pour une installation d’art contemporain.

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La salle de bains dite « salle des pendus »

Pièce suivante, non loin de l’infirmerie, la lampisterie où, à un guichet tenu par des femmes (d’autres occupaient, dans un hangar, le poste de triage-calibrage du charbon), le mineur venait prendre ou rendre sa lampe dans un dépôt qui en compte des centaines. Objet-culte décliné en d’infinis modèles que le Centre historique minier continue d’acquérir et qui tient une place de choix dans la boutique du centre d’aujourd’hui. De là, prêt pour sa journée de labeur, il empruntait une longue passerelle enjambant la cour de stockage ou carreau, jusqu’à l’ascenseur qui le descendait à la mine. Ici se termine le parcours en visite libre, moins les espaces fermés lors de notre visite, sur les énergies ainsi que l’écurie. A noter que des rencontres-témoignages d’une demi-heure avec d’anciens mineurs sont proposées, pour un léger supplément, rendant on ne plus vivante la visite.

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La lampisterie l Derniers modèles de lampes de mineur acquis l Passerelle

Vient la partie accessible uniquement en visite guidée, puisqu’il s’agit de descendre à la mine. Ou du moins d’en avoir l’illusion grâce à un subterfuge technique qui nous conduit, casque jaune vissé sur la tête, dans des galeries souterraines reconstituées en 1988. Impossible d’aller à 400 mètres sous terre pour raison de sécurité et en respectant les normes d’accueil du public. Le résultat est néanmoins tout à fait convaincant et ne fait pas décor, à la seule réserve de la présence de mannequins, ce qui renvoie à une muséographie un peu old school. Point positif, les galeries sont entièrement accessibles aux personnes en fauteuil roulant.

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Galeries souterraines reconstituées

Sinon, tout vient d’en-bas, nous explique-t-on, matériaux comme outillages, dont on nous fait la démonstration pétaradante. Qu’est-ce qui était pire ? Travailler sous-terre, dans une semi-pénombre ou supporter ce bruit infernal ? Même pour des chevaux dont on découvre, avec effarement, que ceux-ci ne remontaient même pas à la surface ! On progresse dans le temps, par sections aménagées selon les époques. Terrible de voir l’état 19e siècle où le mineur creusait à la pioche, étayant au fur et à mesure la galerie par des morceaux de bois. Ce qui explique d’ailleurs la présence, à proximité des bâtiments de Lewarde, d’un bois de bouleaux et d’une scierie (transformée aujourd’hui en restaurant) puisque la pratique dura longtemps.

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Galeries souterraines reconstituées

Des explications importantes, concernant la sécurité des mineurs, sont délivrées avec l’évocation d’accidents notables dus au tristement célèbre coup de grisou. Des catastrophes qui ont marqué les mémoires, telle la pire de toutes, celle de Courrières qui, en 1906, fit plus de 1000 morts. Chaque accident fera progresser (lentement) la sécurité qui ne semblait pas la priorité des directions. Puis l’on ressort à l’air libre, pas mécontent de retrouver le jour et l’on pense à la dureté des conditions de travail de tous ces mineurs. Un tour encore par la verrière des machines et par le carreau, le temps d’admirer quelques engins qui semblent attendre leurs chauffeurs et l’on repart  :: Bernard Hasquenoph

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Verrière des machines l Engin

CENTRE HISTORIQUE MINIER
rue d’Erchin, 59287 Lewarde
www.chm-lewarde.com
Tarif (visite libre musée/expos + visite guidée des galeries) : 13,50 € / 7,70 €
Un tarif qui nous semble un peu cher, d’autant que peu de gratuités sont proposées
Tarif Famille (2 adultes + 2 enfants) : 36 €
Rencontre-témoignage avec un ancien mineur : + 2,30 €

Du 2 au 5 mai 2024 : festivités des 40 ans
Accès libre et gratuit au site, aux expositions et aux animations (sauf galeries)
www.chm-lewarde.com/fr/week-end-festif-40-ans

La conquête de l’Ouest, la découverte du charbon dans le Pas-de-Calais
Exposition, jusqu’au 11 novembre 2024

:: Bernard Hasquenoph | 27/03/2024 | 17:58 |

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Conditions de visite :: 2 février 2024, voyage de presse sur invitation de l’agence Anne Samson : train, car, déjeuner, visite.


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