DERNIERS JOURS ! :: Le musée des Antiquités de Rouen présente une exposition inédite en France sur la vie quotidienne et culturelle au Moyen Âge des communautés juives d’Europe du Nord. Entre émulation intellectuelle, croyances et persécutions. Lire notre article.
MUSÉE DES ANTIQUITÉS
Savants et croyants : les juifs d’Europe du Nord au Moyen Age
25 mai 2018 - 16 septembre 2018
4€ / Gratuités habituelles
198, rue Beauvoisine ou rue Louis Ricard, 76 000 Rouen
museedesantiquites.fr
MUSÉE DES BEAUX-ARTS :: Pour attraper l’insaisissable Marcel Duchamp (1887-1968), pape de l’art contemporain, il fallait sans doute éviter l’austère rétrospective hagiographique comme l’institution muséale l’affectionne, démonstration d’un savoir en puissance qui ne s’adresse qu’à un public déjà conquis. Pour la seule et unique exposition lui étant consacrée en France à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa disparition, le musée des beaux-arts de Rouen a eu l’idée plus légère d’aborder son parcours à la manière d’un abécédaire qui, scénographié, amène le public à picorer de salle en salle, à rebondir de thème en thème. L’exposition s’accompagne d’un catalogue conçu sur le même principe, des plus agréables à lire. Le procédé, tel qu’il est conçu, respecte malgré tout une progression chronologique, ce qui ne nous perd pas complètement. On découvre l’homme et son biotope rouennais. Une famille bourgeoise où tout le monde est plus ou moins artiste, sauf le père notaire, jusqu’à une fille naturelle, non reconnue. Sa passion dévorante, atavisme familial, pour le jeu d’échecs - c’est à ce titre que Le Figaro signalera sa mort ! -, peut-être même plus importante que son activité créatrice qu’il n’a jamais voulu professionnaliser, « ne souhait[ant] pas dépendre de [sa] peinture pour exister ».
Ayant bénéficié au départ d’une rente allouée par son père, Marcel Duchamp préféra ensuite exercer des métiers comme employé à la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris (après une brève formation à l’Ecole des chartes, sans doute son “élève” le plus iconoclaste) ou professeur de français aux Etats-Unis, tout en étant, un temps, mécéné par le riche couple de collectionneurs Arensberg. Se tenir à distance de la vie artistique parisienne alors centrale semble lui avoir été assez rapidement indispensable. Se tenir à distance tout court, une attitude dans la vie avec comme pare-feu, le jeu de mots, exercice mental plus que poilade.
Autant d’éléments qui ont fabriqué un mythe et forgé l’image de l’artiste contemporain : queer avant l’heure - de son double féminin Rrose Sélavy (signifiant peut-être “Eros, c’est la vie”) à la Joconde qu’il affuble d’une moustache et d’une barbichette - ; une notoriété acquise par le scandale, pas spécialement recherché (œuvres refusées dans des salons, caricaturées dans la presse…) ; inventeur nonchalant du ready-made qui annihile toute idée de bon ou mauvais goût, et celui posthume de l’installation ; inventeur au sens strict de machines optiques présentées non dans une galerie mais au Concours Lépine ; diffuseur de son œuvre à travers la confection de 300 boîtes déployables, musées portatifs contenant des répliques miniatures de ses propres créations accompagnées de cartels. Il demeure à tout jamais inclassable. Un anartiste, selon lui-même ; une déflagration ou « un Big Bang » dans l’histoire de l’art - ce dont on s’aperçut bien plus tard - selon Sylvain Amic, directeur des musées de Rouen ; « l’homme le plus intelligent et (pour beaucoup) le plus gênant de [la] première moitié du XXe siècle » selon André Breton, pape, lui, du Surréalisme ; le plus croquignolet restant « Dada’s Daddy » pour le magazine Life.
A noter un parcours parallèle à hauteur d’enfant des plus originaux puisqu’il se situe en coin de salles, avec un système de petites portes à ouvrir.
MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE ROUEN
ABCDuchamp : l’expo pour comprendre Marcel Duchamp
15 juin - 24 septembre 2018
Tarifs ; 6€ / 3€ / Gratuités habituelles
« Marcel Duchamp », coédition Flammarion/ Réunion des musées métropolitains Rouen Normandie, 160 p., 19,90€
mbarouen.fr
VISITE EN VILLE SUR LES PAS DE DUCHAMP
L’office de tourisme de Rouen organise des visites guidées en ville, sur la trace des lieux liés à Marcel Duchamp : le domicile de ses parents (en face du musée, comme un signe du destin), le lycée Corneille où il fut élève, la devanture de la chocolaterie qui l’émerveillait enfant et qui l’inspira dans son oeuvre... jusqu’à des toilettes publiques baptisées avec humour à son nom, d’ailleurs menacées de disparition. Une manière originale de découvrir Rouen.
OFFICE DE TOURISME ROUEN NORMANDIE
accueil@rouentourisme.com
Tél. : 02 32 08 32 40
www.rouentourisme.com
LA FABRIQUE DES SAVOIRS :: C’est à une réhabilitation que convie cette exposition revenant, à travers plans, photos, journaux et maquettes, aux sources d’un concept urbanistique qui retrouve une nouvelle jeunesse à l’heure des préoccupations écologiques. L’industrialisation allant galopante au 19e siècle, des penseurs, architectes et politiques s’enquièrent de la qualité de vie du peuple des ouvriers venu s’entasser près des usines, pour beaucoup exilés ruraux, dans une certaine anarchie de constructions. A côté des utopies radicales façon Familistère de Guise, des oeuvres paternalistes type cités ouvrières, se développa un concept venu d’Angleterre, souhaitant mixer ville et campagne : les Garden Cities ou cités-jardins. Son théoricien, Ebenezer Howard, les imagine en 1898 comme des villes autonomes : « J’entreprendrai donc de montrer comment [...] on peut jouir des possibilités de vie sociales égales - que dis-je supérieures - à celles qu’offre une ville populeuse, tandis que les beautés de la nature environneront, baigneront chacun de ses habitants » [1].
Concrètement, cela se traduit par un programme à l’échelle d’un lotissement, d’un quartier en périphérie, voire d’une ville incluant habitat individuel ou collectif avec jardin alimentaire et décoratif entouré de petites clôtures ou de haies, commerces et équipements publics - scolaires (avec intervention d’artistes), culturels, sportifs... -, sans oublier les espaces verts. Il ne s’agit pas seulement de livrer un logement décent mais de créer un cadre de vie agréable à dimension humaine, d’un point de vue aussi bien esthétique qu’hygiéniste selon la terminologie de l’époque. De l’aménagement global, aux tracés courbes pour éviter la monotonie (contrairement aux cités ouvrières) et créer un paysage urbain.
L’idée se diffusa en France, à travers le Musée social, qui n’avait de musée que le nom puisqu’il s’agissait d’une fondation créée à Paris en 1894 pour mener à bien des recherches sur l’économie sociale. Tout le mouvement de l’habitat social y naquit, débouchant sur la création des Offices publics d’habitation à bon marché (OPHBM), ancêtres de nos HLM. C’est dans ce cadre qu’à partir des années 1920, des cités-jardins virent le jour en banlieue parisienne, sous la houlette d’Henri Sellier, maire de Suresnes, sénateur de la Seine et ministre de la Santé du Front Populaire. Il en essaima une dizaine - Stains, Gennevilliers, Pré-Saint-Gervais... - , utilisant sa propre ville comme laboratoire. Puis, tout le territoire français vit fleurir de telles initiatives, de tous styles architecturaux - du plus régionaliste au plus moderne, Le Corbusier construisant la cité Frugès, près de Bordeaux -, le concept étant porté également par le courant du catholicisme social.
Plusieurs expériences furent menées également en Seine-Maritime que l’exposition s’attache à montrer : cité La Frileuse au Havre, cité Bonne-Nouvelle à Dieppe, cités du Trait, d’Oissel et des Sapins près de Rouen... La période d’après-guerre, dans les années 1950, vit apparaître une nouvelle génération de cités-jardins, avant qu’elles ne laissent place aux grands ensembles. En France, c’est à partir des années 2000 que les cités-jardins, avalées plus ou moins par la ville, se redécouvrent - au sens propre, des mairies en avaient même perdu le souvenir -, d’un point de vue patrimonial mais aussi pour leur intérêt social et environnemental. Au moment des rénovations, un souci de préservation et de valorisation se fait jour - en association souvent avec les habitant.e.s, ce dont témoigne l’exposition -, tandis qu’émergent les éco-quartiers qu’on peut considérer comme les dignes descendants des cités-jardins, au même idéal : du bonheur pour tou.te.s au quotidien.
LA FABRIQUE DES SAVOIRS
Cités jardins, cités de demain - Une idée du bonheur
15 Juin 2018 - 21 octobre 2018
Gratuit, ainsi que les collections permanentes (à ne pas manquer)
7 cours Gambetta - 76 500 Elbeuf
lafabriquedessavoirs.fr
A SIGNALER
Les cités-jardins d’Ile-de-France : une certaine idée du bonheur
17 octobre 2018 - 2 juin 2019, 4€
MUS - Musée d’Histoire Urbaine et Sociale
1 place de la gare de Suresnes-Longchamp - 92150 Suresnes
webmuseo.com
MUSÉE NATIONAL DE L’ÉDUCATION (MUNAÉ) :: Qui a visité l’exposition Jardins au Grand Palais en 2017 se souvient sans doute d’une grande et belle marguerite en papier mâché. Il faut se rendre au musée national de l’Éducation de Rouen, pour apprendre qu’il s’agit en fait d’un chrysanthème. Et pour en savoir plus sur son créateur, le docteur Louis Auzoux (1797-1880). C’est comme étudiant en médecine que, déçu par le matériel d’enseignement, il a l’idée d’un mannequin anatomique démontable, de 66 pièces de papier mâché. L’innovation, en dehors de la qualité plastique de sa réalisation, vient de la technique utilisée qui rend l’ensemble léger, maniable et solide. Et reproductible grâce à d’astucieux moules, ce qui va lui permettre de commercialiser, à des prix abordables, ses créations pédagogiques étendues ensuite aux domaines zoologique et botanique avec l’aide de spécialistes. Toute une économie se développe autour du matériel scolaire, avec des débouchés très important quand on obtient, comme le Dr Auzoux, l’aval du Ministère de l’Instruction publique. Une usine semi-artisanale est fondée dans l’Eure en 1828, elle perdurera jusqu’en 2002. L’exposition présente le modèle spectaculaire d’un écorché datant de 1911 appartenant à la faculté de médecine de Montpellier, inscrit aux Monuments historiques depuis 2013, signe de la reconnaissance récente de ces ouvrages à mi-chemin entre art et science acquis à l’époque par des écoles, des universités et des sociétés savantes jusqu’à l’étranger, désormais très recherchés et vendus aux enchères.
Le musée posséde une trentaine de ses modèles botaniques utilisés pendant cent ans au lycée Corneille de Rouen. Ils ont été restaurés en partie grâce à un appel aux dons toujours en cours. L’exposition s’attache plus particulièrement sur cet aspect de la production Auzoux, en écho avec la place de la botanique à l’école.
Jusque là, l’observation des plantes se faisaient in vivo, sur planches dessinées ou d’herbiers. L’apport de ces objets en 3D est évident. D’autant qu’ils sont dix fois supérieurs en taille à l’original pour être visible par toute une classe, ce qui les rend encore plus attrayants. On imagine le professeur ou l’institutrice manipuler ces plantes, champignons (considérés au 19e siècle comme des plantes) et fruits, comme pour un tour de prestidigitation.
L’évolution de l’enseignement après 1900 favorisant l’expérimentation au-delà de la seule observation, profite au développement de l’entreprise, restée dans la famille après la mort de son fondateur. Le recours à un tel matériel reste tributaire du jeu de va-et-vient observé dans l’Education nationale oscillant continuellement entre savoir et expérience. Bientôt concurrencée par la marque allemande Brendel et ses modèles en staff, l’usine française baisse en exigence. De nos jours, des modèles sont toujours fabriqués, en France et en Allemagne, mais en résine. Ils sont loin d’avoir le charme et le granulé presque vivant du papier mâché.
MUSÉE NATIONAL DE L’ÉDUCATION (MUNAÉ)
Belles plantes ! Modèles en papier mâché du Dr. Auzoux
25 mai 2018 - 25 février 2019
Gratuit comme les collections permanentes à ne pas rater
Livret de l’exposition par Johann-Günther Egginger, éd. Réseau Canopé, 2018, 5€ ou 2,49€ en PDF
185, rue Eau-de-Robec, 76000 Rouen
www.reseau-canope.fr/musee
[1] Tomorrow-. A peaceful path to real reform (« Demain : une voie pacifiste vers la réforme réelle »), Ebenezer Howard, 1898.